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merce des grains, et citait, dans l'exposé de ses doctrines au roi, les monopoles, principalement sur le bled, le négligement du commerce..., comme l'une des causes de la ruine et de l'affaiblissement des monarchies.

Mais les monuments législatifs de ce règne eurent plutôt pour but de favoriser la production agricole que le commerce des céréales.

Sous le règne de Louis XIII, des édits, des ordonnances de police, quelques arrêts se bornèrent à renouveler les dispositions des règlements de 1567 et 1577 (1), en y ajoutant parfois des peines terribles (2).

Enfin, plus tard, danss un siècle illustré par les plus grands génies, par les travaux les plus utiles, dans un siècle où

(1) L'art. 422 de l'édit de janvier 1629 rappela de nouveau l'obligation imposée aux marchands de grains de faire enregistrer leurs noms et demeure, les lieux de leurs magasins, qu'ils devaient tenir en tout temps bien approvisionnés, et leur enjoignit de porter leurs grains aux marchés publics une fois par mois au moins.

de

L'ordonnance de police du lieutenant civil, en date du 8 janvier 1622, remit en vigueur, pour Paris, les dispositions des anciens règlements : l'obligation pour les commerçants de faire enregistrer leurs noms, déclarer les lieux de leurs achats et les quantités sur lesquelles devaient porter leurs opérations, de conduire leurs grains deux fois par mois aux marchés; de vendre leurs marchandises en personne, d'en fixer le prix trois jours après l'arrivée dans le port, de vendre au second marché. Elle renouvela la défense de mettre en grenier; assigna des heures aux boulangers et pâtissiers pour leurs achats, et limita la quantité de grains qu'ils pouvaient acheter. Cette dernière disposition se trouve aussi dans l'ordonnance de police du 30 mars 1635.

L'ordonnance de 1629 fut promulguée à la suite de la mauvaise récolte de 1621, et n'empêcha pas le prix des grains d'augmenter et de se maintenir pendant deux années à un taux excessif. (Voy. Delamare, vol. 2, liv. 5, tit. 14, ch. 14, p. 365; discours de M. de Chavannes à l'assemblée générale de police de 1768, dans le Recueil des Lois relat. au comm. des Grains, p. 210.)

Enfin, l'ordonnance de police du Châtelet de Paris, du 30 mars 1635, obligea les marchands à conduire leurs grains dans la capitale, et à les vendre eux-mêmes avant le troisième marché, sous peine d'être forcés de les vendre au rabais; défense leur fut faite de les mettre en magasin sans permission, sous peine de confiscation.

(2) Les magasins de grains furent défendus, sous peine de mort, par l'arrêt du 11 décembre 1626.

furent publiées des lois devenues la base de plusieurs codes qui nous régissent encore aujourd'hui, sous le règne de Louis XIV, la législation sur le commerce intérieur des grains ne fut point améliorée on resta sous l'empire des dispositions réglementaires et prohibitives des règnes précédents.

Ce n'est qu'en 1699 qu'une loi générale fut publiée, et nous verrons qu'en reproduisant les dispositions des édits de 1567 et de 1577 cette loi y ajoutait encore de nouvelles ri

gueurs.

Cependant, un arrêt du 19 août 1661 et un édit de décembre 1672 formèrent, avec l'arrêt du Parlement du 23 août 1565, et les ordonnances de police de 1622 et 1632, un corps de législation sur le commerce des grains et l'approvisionnement de Paris (1).

(1) L'arrêt du 19 août 1661, renouvelant l'ordonnance de février 1415, défendait de serrer ou d'enlever des sacs les blés et farines arrivant par terre; de débarquer, de mettre en greniers, en magasins ou sous des bannes les mêmes denrées arrivées par eau.

Le même arrêt défendait de contracter aucune société pour l'achat des grains; d'en faire aucun amas, et d'en laisser séjourner dans les lieux de l'achat, sur les ports du chargement ou sur les routes par lesquelles ils devaient arriver.

L'ordonnance de 1415 imposait aux marchands qui conduisaient des grains à Paris l'obligation de les vendre avant le troisième marché, sous peine d'être tenus de les vendre à un prix inférieur à celui des marchés précédents; et, d'un autre côté, l'arrêt du 19 août 1661 et l'ordonnance de police du 31 mars 1635 interdisaient à tous marchands de faire aucun achat dans Paris, et limitaient même la quantité que chaque boulanger pouvait acheter.

L'arrêt du 23 août 1565 défendait aux marchands de grains, sous menace de punition corporelle, de transporter, soit par terre, soit par eau, hors de la ville, les grains qu'ils y avaient fait entrer.

Les ordonnances de 1622 et de 1632 défendaient, en outre, d'acheter aucuns grains dans le rayon de Paris ou de les en faire sortir.

Par l'édit de 1672, confirmant l'ordonnance de police de 1635, il était défendu aux marchands qui avaient commencé la vente d'un bateau de blé d'en augmenter le prix. Il était enjoint à ceux qui faisaient transporter des grains à Paris de les y vendre eux-mêmes ou par des personnes de leur famille.

Défense était faite par l'arrêt de 1661 de vendre des grains dans les chemins ou même de délier les sacs, sous peine de confiscation.

Nous ne pouvons mieux faire que de rapporter ici l'appréciation sévère mais exacte de ces différents actes, que Turgot a insérée dans le préambule de la déclaration du 5 février 1776:

« C'est par de tels règlements qu'on s'est flatté autrefois, et presque jusqu'à nos jours, de pourvoir à la subsistance de notre bonne ville de Paris. Les négociants qui, par état, sont les agents nécessaires de la circulation, qui portent infailliblement l'abondance partout où ils trouvent liberté, sûreté et débit, ont été traités comme des ennemis qu'il fallait vexer dans leur route et charger de chaînes à leur arrivée. Les blés qu'ils apportaient dans la ville ne devaient plus en sortir; mais ils ne pouvaient ni les conserver ni les garantir des injures de l'air et de la corruption; on s'efforçait de précipiter les ventes, on arrêtait les achats. Le marchand devait vendre ses grains en trois jours de marché, ou en perdre la disposition; l'acheteur ne pouvait s'en pourvoir que lentement et en petites parties; la diminution des prix faisait la loi au négociant, leur augmentation ne pouvait lui profiter; les marchands de grains, effrayés par les rigueurs de la police, étaient encore dévoués à la haine publique. Le commerce, opprimé, diffamé de toutes parts, fuyait la ville; un arrondissement de vingt lieues de diamètre séparait entre elles et de notre dite ville les provinces les plus abondantes, et cependant toutes précautions étaient interdites dans l'intérieur et sur les abords; on paraissait même conspirer contre les moissons futures, en exigeant que le laboureur quittât son travail pour suivre ses grains et les vendre par lui-même. »

Ces mauvais règlements produisaient leurs effets : ils étaient suivis de chertés excessives; l'approvisionnement de Paris ne pouvait s'effectuer. Les arrêts du Conseil enjoignaient vainement d'y conduire les grains, ordonnaient aussi inutilement

Enfin, le même arrêt imposait aux commerçants l'obligation de passer leurs factures par-devant notaire, de les représenter aux officiers des grains, et de les faire inscrire sur des registres publics.

l'ouverture et la visite des greniers dans certaines provinces (1); tous ces remèdes violents étaient impuissants, et le gouvernement était obligé de faire acheter du blé à Dantzick et ailleurs, afin d'empêcher la famine de sévir dans Paris (2).

Après les crises affreuses que la France eut à traverser pendant les années 1692, 1693, 1694, 1698, 1699, et dont nous parlerons plus loin, on pensa à faire une loi générale sur le commerce des grains.

Le 31 août 1699 intervint une déclaration dans le préambule de laquelle le législateur avouait qu'il ne trouvait rien de mieux à faire que de suivre la voie tracée par les anciennes ordonnances!

Indépendamment de la formalité de l'enregistrement, cette déclaration astreignait les marchands à obtenir des officiers des lieux la permission de faire le commerce et à prêter serment devant eux, sous peine de confiscation de leurs denrées, de 500 livres d'amende et d'être déclarés incapables de continuer leur négoce (3).

Il était défendu à tous marchands de grains de contracter aucune société avec d'autres marchands de grains, soit des villes de leur résidence, soit des autres villes, à peine de confiscation, de 2,000 livres d'amende et d'interdiction du commerce (4).

Les marchands qui voulaient contracter des sociétés devaient, sous les peines portées par l'art. 1er, en passer des actes et les faire enregistrer aux greffes des juridictions ordinaires et de la police (5).

En fait, ces dispositions portaient atteinte à la faculté que chaque individu doit avoir d'exercer une profession, et l'ac

(1) Voy. les arrêts des 30 août, 2 septembre, 16 novembre 1661; 4 février, 16 mai 1662. (Delamare, vol. 2, liv. 5, tit. 14, p. 381 et suiv.) (2) Delamare, loc cit., p. 384.

(3) Art. 1er. Etaient exceptées de cette disposition les personnes important ou exportant des grains en vertu de permissions (art. 7).

(4) Art. 8. (5) Art. 9.

complissement des nombreuses formalités exigées par la loi était accompagné de tant de difficultés, que, dans la suite, le commerce des grains fut entièrement soumis à l'arbitraire de l'autorité.

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En outre, le législateur, en défendant à deux commerçants d'associer leur intelligence et leurs capitaux, méconnaissait complètement les immenses bienfaits de l'association.

Enfin, les formalités, les précautions, les soupçons mêmes, dont la loi entourait la profession de marchand de grains, devaient éloigner de ce genre d'industrie toutes les personnes honorables, en laissant la carrière libre aux gens sans délicatesse, sans moralité.

Plus sage était la disposition de la déclaration qui interdisait le commerce des grains à un nouvel ordre de personnes peu considérable dans les premiers temps, c'est-à-dire aux receveurs et fermiers des droits du roi, aux commis, aux caissiers, et à tous autres intéressés dans le maniement des finances (1).

La déclaration renouvelait aussi la défense si souvent faite d'acheter ou d'arrher les grains en vert, sur pied et avant la récolte (2).

Elle maintenait les règles spéciales à la ville de Paris et les usages particuliers des autres villes du royaume (3).

La déclaration de 1699 fut la loi générale qui régla le commerce intérieur des céréales jusqu'à la célébre déclaration de 1763.

Pendant les siècles que nous venons de traverser, la législation était le fruit de l'empirisme ou de l'ignorance; il faudra que plus de soixante ans s'écoulent encore avant que la raison, secondée par l'expérience, ne préside à la rédaction des ordonnances (4).

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(4) Parmi les quelques lois particulières rendues avant cette époque, nous citerons la déclaration du 19 avril 1723, qui renouvela la défense d'acheter et de vendre ou mesurer les grains ailleurs que dans les marchés.

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