Page images
PDF
EPUB

Memoire de S. E. le Marquis de St.
Philippe préfenté le 7. de
Mars 1726.

E fouffigné Marquis de St. Philippe Ambaffadeur de Sa Majefté Catholique s'étoit refervé toutes les reprefentations qu'il avoit à faire à vos Seigneuries jufqu'à ce qu'elles euffent repondu à la Lettre du Roi fon Maitre prefentée le 6. Fevrier par le Secretaire d'Oliver chargé des affaires d'Efpagne: mais de nouveaux ordres de Sa Majefté en date du II. dudit mois de Fevrier l'obligent à expofer à Vos Seigneuries & à leur repêter la fincerité des intentions Royales de Sa Majefté & de fon zèle pour la confervation du repos public de l'Europe, unique point de vue du Roi fon Maitre recherché avec le dernier empreffement, afin de foulager les peuples accablés par la longue & fanglante Guerre qui preceda la Paix d'Utrecht. Cette Paix même à la quelle la Benignité du Roi a facrifié plufieurs de fes interêts, ne pouvoit pas encore affurer la tranquilité publique pendant que le fondement de la Guerre fubfiftoit, c'eft-à-dire les prétentions opofées du Roi mon Maitre & de Sa Majesté Imperiale, prétentions qui entrainoient les malheurs & la ruine inévitable d'une grande partie de l'Europe. En effet la Guerre fe ralluma, puifque les principaux Souverains qui l'entreprirent confervoient les raifons livrées à la decifion des armes jufqu'à ce que la Quadruple Alliance disposa Sa Majesté a y

ac

[ocr errors]

acceder donnant les mains à un Traité formé à Londres & à Paris par l'empreffement de leurs Majefté Chrêtienne & Britannique à vouloir concilier les Droits opofés des Maifons d'Autriche & d'Efpagne. Ces expediens quoique très efficaces ne réuffirent pourtant pas, & Sa Majesté Imperiale ne refufa point d'avoir pour Mediateur au Congrès de Cambrai un Prince de la Maifon de Bourbon avec laquelle il étoit actuellement en Guerre, ni Sa Majefté Cath. ne refufa pas la Mediation du Roi de la Grande-Bretagne Allié declaré de l'Empereur & qui avoit favorisé par ses armes l'introduction des Troupes Autrichiennes en Sicile. La Souveraine droiture des Princes, qui fe difputent leurs droits avec tant de Heroïfme, ne fauroit fouffrir le moindre doute qu'ils perdent l'indifference, & l'impartialité la plus degagée, lorfqu'il s'agit de Mediation, encore que ce foit même contre leurs propres Maifons, fans que l'amitié réciproque foit un obftacle pour devenir Mediateur, qualité qu'aucun Souverain ne peut prendre à moins qu'on ait en lui une confiance inutuelle. C'est fur ces principes que le Roi non Maitre s'eft · offert, & s'offre derechef d'interpofer fa Mediation entre Sa Majefté Imperiale & Meffieurs les Etats Generaux pour accommoder leurs differents. Pour parvenir à un but fi falutaire, le Roi revetit le fouffigné du caractere de fon Ambaffadeur auprès de Vos Seigneuries mais preyoïant que fa fante affoiblie, la rigueur de la faifon, & les Chemins impraticables retarderoient fon arrivée en cette Cour, Sa Majesté pour gagner du tems ordonna à

A 2

fon

fon Secretaire fufdit d'offrir à Vos Seigneuries fa Mediation Royale.

Elle ne douta point un moment qu'elle ne fur acceptée par une Republique à qui Elle à donné tant de marques de fa bonne volonté, de fa conftante amitié & de fon exactitude à obferver les Traités d'autant plus que la Paix avec l'Empereur & le Traité figné à Vienne, n'empêchent point Sa Majefté d'en conclure & figner d'autres avec Mrs. les Etats Generaux à leur avantage en particulier & de toute l'Europe en general; ni de faire rendre Juftice dans fes Royaumes, dès que Vos Seigneuries auront prouvé que l'on aura caufé quelque préjudice à leurs Sujets en Espagne, ou aux Indes. C'eft ainfi que Vos Seigneuries l'ont declaré en reponfe au Memoire prefenté par le Secretaire d'Oliver le 4. & le 18. Decembre 1725. & dernierement dans leur refolution du 19. Janvier dernier, fans que celle à prendre au fujet de l'acceffion au Traité d'Hanovre, telle qu'elle puiffe être, aporte aucun obftacle à entendre les propofitions que j'aurois à faire à mon arrivée en cette Cour. Une reponfe fi fage fait connoitre que cette Republique veut fe conferver dans une jufte liberté, & marque qu'elle ne penfe pas à l'acceffion au dit Traité par un effet d'animofité mais de précaution, elle confirme le Roi dans les fentiments d'un Traité à conclurre, puifque la Souveraine liberté des Princes ne franchit jamais les juftes bornes de la Raifon. C'est pour cela que le Roi mon Maitre peut convenir avec la Republique fur plufieurs chofes compatibles avec le Traité de Vienne; fans

don

donner la moindre atteinte à l'étroite amitié qu'il confervera avec Sa Majefté Imperiale, & qu'il prétend auffi de conferver avec Meffieurs les Etats Generaux, & avec tous ceux qui voudront bien contribuer à la tranquilité publique. Ces expreffions finceres naiffent de la perfuafion de Sa Majefté que le Traité d'Hanovre n'a d'autre but que la Paix de l'Europe, comme elle a été l'object de celui de Vienne. Veritablement il n'eft pas croyable que les Princes qui établirent cette Paix par leur Quadruple Alliance & qui en furent declaré Mediateurs, la vouluffent eux mêmes troubler par le Traité de Hanovre, pendant que la Paix de Vienne fupofe comme Baze fondamentale les Articles du Traité de Londres. Le furplus dont on eft convenu à Vienne entre leurs Majeftez Catholique & Imperiale ne regardoit que les interêts particuliers de ces deux Maifons Royales fans qu'aucun de ces Monarques prétendit violer aucun Traité anterieur, ni faire aucun tort au Commerce d'autrui, fe confervant toûjours une Souveraine independance, comme la juftice & la Raifon le requiert.

L'étroite & conftante amitié du Roi mon Maitre avec Sa Majefté Imperiale eft une fuite de fon amour de la Paix, de fa droiture, & de fa bonne foi; Mais elle n'excluë pas celle qu'il a profeflé à Vos Seigneuries, & comme aucun Prince ne peut faire de meilleurs partis, ni donner de plus jufte équivalent aux fuiets des Provinces Unies que Sa Majeflé Catholique; c'est pour cette raifon qu'elle veut entrer en négociation avec Vos Seigneuries afin de redretler tous les grièfs, fi on en peut

A 3

peut prouver aucun, pas feulement contre la teneur des Traités precedents, mais auffi la moindre liaifon contre l'utilité de la Republi. que. Si le fujet des plaintes eft le Commerce de la Compagnie d'Oftende en Orient, le Roi mon Maitre interpofera fes bons Offices auprès de l'Empereur afin que ce Commerce ne puiffe préjudicier en aucune maniere aux Habitans de cet Etat, ni a préfent ni à l'avenir. D'ailleurs Vos Seigneuries reflechiflant fur la Puiffance de Sa Majefté, qui poffede, des Royaumes fi vaftes aux Indes, conviendront ajfement qu'il n'y a aucun Prince plus propre que lui à être Mediateur & guarant d'on accord femblable, I cft vrai que Sa Majesté ordonna à fon Miniftre Monfieur de Pozzobueno de s'opofer à Londres au Progrès de la Compagnie d'Oftende (comme Vos Seigneuries le remarquent dans leur réfolution fufmentionnée du 24 Janvier:) mais cette opofition fe fit avant la Paix fignée & avant que le Roi fe fut declaré Ami de l'Empereur lorfqu'il lui étoit permis d'en traverser les utilités fans aprofondir la matière ni examiner au jufte les profits que Sa Majesté Imperiale pourroit tirer de la Compagnie d'Oftende. Sa Majetté n'offriroit pas la Haute Meditation à Vos Seigneuries, fi elle ne fe promettoit de la benignité & amitié de l'Empereur à fon égard qu'il voudra bien quitter plufieurs parties de la dite Compagnie d'une façon qu'il foit évident que la Republique n'en recevra point le tort. qu'elle en aprehende. On peut bien ajouter, auffi qu'il n'y a point de Mediation plus puiffante à porter Sa Majesté Imperiale à ufer dey

Generofité que celle du Roi Catholique,

« PreviousContinue »