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un jugement folide. On a donc lieu d'efperer, que le Public fera bien aife de trouver ici une Narration hiftorique & irreprochable, de tout ce qui regarde le Droit privatif, ou commun de la Navigation & du Commerce des Indes, depuis le tems de leur premiere DéCouverte jufqu'à prefent. Cela étoit d'autant plus néceflaire, que de part & d'autre les allegations qu'on en a faites, à mesure qu'on a cru en avoir befoin, n'en donnent qu'une idée confufe, imparfaite, & quelques fois peu con. forme à la verité.

II. Quoique l'art de Navigation foit fort ancien, & qu'on ne puiffe nier, que dès le tems de Salomon, les Tyriens, fes amis & alliez, avoient parcouru toute la Mediterranée, & toute la Mer Rouge, ce qui lui donna moyen d'envoyer fes vaiffeaux jufqu'en Ophir, Païs abondant en Or, & d'en raporter des richefles immenfes à Jerufalem; il eft neanmoins certain, que depuis le commencement du monde, jufqu'au cinquante cinquième Siecle il ne s'étoit point trouvé de, Pilote affez hardi pour entreprendre la Decouverte des Terres & Païs fituez au delà du Tropique du Cancer au Midi, du Cercle Ar&ique au Septentrion, & du Meridien des Canaries vers l'Occident. On difputoit dans les Ecoles, s'il y avoit des Antipodes, ou s'il n'y en avoit point, & Saint Auguftin, avec quelques autres Peres de l'Eglife, foutenoient la négative par principe de Religion, dans la pensée, que l'opinion contraire favorifoit l'erreur des Préadamites. Du côté du Midi & de l'Orient le Cap de Non, fitué dans le Biledulgerid, étoit regardé comme le Non plus ultra de toutes les

Navi

Navigations precedentes; & c'étoit à cause de cela, qu'on appelloit en Latin Caput Non d'où les François avoient tiré ce Proverbe Le Cap de Non; qui le paffe, ne revoit jamais fa maison.

II. Les Portugais furent les premiers qui oferent franchir cette borne maritime

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doutable aux anciens Navigateurs. Le prochain voisinage de l'Afrique, & la neceffité de fe garantir autant qu'il feroit poffible des continuelles depredations des Mores par Mer & par Terre, fit naitre la pensée au Roi Jean I., de leur porter la Guerre au delà du Détroit où il eut le bonheur de gagner la Ville de Ceuta. Edouard fon fils ainé lui fucceda en 1433. & Alfonfè V. fon petit fils en 1438. Sous le Regne de ce dernier, qui fut long & heureux, l'Infant Don Henri, Prince fçavant, entreprenant, & guerrier, continua les Conquêtes d'Afrique, & les pouffa affez loin; mais la mort, qui le furprit en 1460., arrêta le cours de fes deffeins. Jean II. Succeffeur du Roi Alfonfe, les reprit, & il y employa de grandes forces. Ce fut de fon tems, que les Portu. gais pafferent pour la premiere fois la Ligne Equinoxiale, & découvrirent le Cap de Bonne Efperance. Il mourut en 1495., laiffant la Couronne à fon Coufin Emanuel. Celuici encouragé par l'exemple de fes Prédeceffeurs, entreprit la découverte des Indes par le même chemin, & il y réüffit. Dès l'an 1498. Vafquez de Gama, pénetra jufqu'au Royaume de Calicut, & peu d'années apres, la Banniere de Portugal fut connue, & reverée par tout l'Orient.

IV. Ce fut auffi de fon tems, ou plutôt du

tems

tems du Roi Jean II., fon Prédeceffeur, que les Caftillans, animez du même efprit, décou vrirent ce vafte continent, qu'on apelle maintenant l'Amerique, ou les Indes Occidentales avec les lfles adjacentes.

V. Si ces deux Puiffances n'avoient en en vûë, dans leurs longues & périlleufes Entreprifes, que les avantages ordinaires de la Navigation & du Commerce, il eft hors de doute, que le Droit des Gens, commun à tous les Peuples, fuffifoit pour les y autorifer. Mais commes elles fe propofoient auffi de faire des Conquêtes en ces Regions eloignées, & jufqu'alors inconnues, & d'en affujetir les Habitans à leur Domination, elles jugerent à propos de fan&tifier l'offenfive de leurs Armes, par des Conceffions Apoftoliques, qui leur furent liberalement accordées, en vue de la Propagation de la Foi, & de la reduction de ces Infidèles à l'obéïffance de l'Evangile.

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VI. Quelques-uns ont écrit, que Jean I., Roi de Portugal, en obtint une femblable dès l'an 1420. du Pape Martin V. pour fon entreprise de Ceuta. Ce qu'il y a de vrai, est que le Roi Alfonfe V., & l'Infant D. Henri fon Neveu, délirant pouffer leurs Conquêtes d'Afrique auffi loin qu'ils pourroient, en fureté de confcience, s'adrefferent au Pape Nicolas V., & obtinrent de lui des Bulles, portant Conceffion, Attribution, & Donation andit Roi Alfonfe, & à fes Succeffeurs de tous les Royaumes, Duchez, Comtez, Seigneuries, &. poffeffions, Biens meubles & immeubles , qu'ils pourroient prendre, & conquerir fur les Sarazins, Payens, & autres Ennemis de Jefus Chrift,

en

en quelque lieu du Monde qu'ils fuffent fituez, & même de reduire leurs perfonnes dans une perpétuelle fervitude, avec défense & prohibition à tous autres Chrétiens & Fidèles, de s'immifcer dans leurs Conquêtes. C'eft la teneur de la * Bulle du 14. des Kalendes de Juillet 1452. confirmative à quelque autre precedente, dont la teneur n'eft pas marquée.

VII. Cette Conceffion étoit fort ample mais en même tems fort génerale. Le Roi Alfonfe & l'Infant, fon Neveu, en impetrerent une troifieme, en date de 6. des Ides de Janvier 1454. qui étoit plus particuliere. Le Pape y declare, que tout ce que ledit Roi Alfonfe & l'Infant, fon Neveu, ont gagné fur. les Mores en Afrique depuis les Caps de Boyador & de Non, jufques par toute la Guinée, & aux Regions Méridionales, leur apartient de plein droit, pour eux & pour leurs Succeffeurs à toujours; comme auffi toutes les Provinces, Ifles, Pais, Lieux & Mers, qu'ils viendront à gagner, & à conquerir par après, depuis lefdits Caps de Bajador, & de Non en Afrique, & par

de là.

VIII. Cela n'empêcha pas pourtant, que quinze ou vingt ans après, le Roi Ferdinand le Catholique, & la Reine Ifabelle de Castille, ne prétendiffent le Droit de pouvoir faire auffi des Découvertes, & des Conquêtes fur les Infideles, dans toutes les Mers d'Afrique, ce qui fut caufe d'une Guerre entr'eux, laquelle fut terminée par une Paix, dont on a les prin

* Voyez la entre les Preuves fous la Lettre A.

† Aux Preuves Let. B.

1

ce

el

les

principaux Articles dans une Bulle du Pape Sixte IV., donnée, comme il paroit, à la requifition des Parties, pour la confirmation de cette Paix. Elle eft datée du 11. des Kalendes de Juillet 1481. Les Rois Catholiques y cedent au Roi de Portugal, toutes fes Conquêtes en Guinée avec les Ifles, Côtes, Terres, & Mers, découvertes, & à découvrir, nommément les Illes de Madere, de Porto Santo, & l'Ile Deferte, comme auffi les Illes Açores, favoir celle des Eperviers, celle des Fleurs, les Ifles du Cap Verd, & en général toutes celles, qui fe pourront par après découvrir, & acquerir, depuis les Ifles de Canaries, & au de là vers la Guinée, excepté feulement les Ifles Canaries, Lanfarote, la Palma, Forteventura, la Gomera, l'Ile de Fer. la Gratiofa, la Grande Canarie, la Tanarife, & en general toutes celles qui fe comprennent fous le nom de Canaries lesquelles resteront à la Couronne de Caftille. Ils y promettent auffi de ne point je mêler de la Conquête du Royaurne de Fez, & que les Sujets ne pourront entreprendre aucune jorte de Commerce, ou de Frequentation, dans les Pais, Terres, & Lieux, cedez au Roi de Portugal.

IX. Trois ans après, c'est-à-dire en 1484., Chriftophle Colomb, Genois, vint à Madrid, & y propofa le deffein de découvrir, & de conquerit auffi du côté de l'Occident, où il affuroit, par bonnes raifons, qu'il fe trouveroit de grandes Ifles, & de grandes Terres. Les Au

* Aux Preuves Let. C.

NB. Cette même Bulle fe trouve confirmée, avec toutes les précedentes, en faveur du Roi Emanuel, par une autre du Pape Leon X. datée du 3. Novembre 1514. qui fe trouvera pareillement entre les Preuves fous la Lettre D.

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