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Les Panégyristes de saint Louis, Roi de France, etc. (1).

Il est peu d'éloges de saints qui aient été prononcés plus souvent que celui de saint Louis. Outre les Panegyriques de ce saint, prêchés dans les églises le jour de sa fête, on sait qu'il étoit d'usage, chaque année, que les trois académies en entendissent un, et que l'Académie françoise surtout choisit pour le prononcer des orateurs de distinction. Une main pieuse a imaginé de faire un recueil d'un certain nombre de ces Panégyriques. On a fait choix de ceux que, sans doute, on a jugés les plus remarquables. Il a paru qu'au moment où un héritier de saint Louis remontoit sur le trône de ses ancêtres, il n'étoit pas hors de propos de nous remettre sous les yeux de grandes qualités, d'admirables vertus qui, dans les temps anciens, rendirent les François heureux, et qui, dans tous les temps, sont le meilleur modèle à offrir à ceux que la Providence appelle à la tâche difficile de gouverner les peuples.

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Ces Panégyriques sont au nombre de neuf. Les trois premiers sont de main de maîtres. La réputation de Bourdaloue, de Massillon et de Fléchier, est faite depuis long-temps, et ne laisse aucun doute sur des compositions sorties de ces plumes habiles. On doit aux Pères la Ruë et Ségaud les deux suivans. On connoît aussi leurs talens distingués, leur éner

(1) 2 vol. in-12; prix, 5 fr., et par la poste, 6 fr. 5o c. A Paris, chez Mame frères, imprimeurs - libraires, rue du Pot-de-Fer, n°. 14; et au bureau du Journal.

Tome Ier. L'Ami de la R. et du R. No. XXIII.

gie, leur onction, la facilité et l'élégance de leur style. Les quatre derniers appartiennent à une école plus moderne, et ont pour auteurs le Père de Neuville, le Père Elisée, M. l'abbé de Beauvais, évêque de Sénez, et M. l'abbé Gayet-de-Sansale. Il est curieux de voir le même sujet traité par des esprits différens," et aussi à des époques où les circonstances ne se ressemblant pas, il falloit approprier ce qu'on avoit à dire à l'esprit du moment: ce sont toujours les vertus de saint Louis; c'est dans tous un Roi chaste, pieux, ami de la justice qu'il se plaisoit à rendre, assis sur le gazon et à l'ombre d'un chêne. C'est toujours un Prince doué des qualités les plus rares, aimant la religion et la faisant respecter; fils soumis du Saint-Siége, ferme défenseur néanmoins des droits de sa couronne, réprimant d'indociles vassaux, vaillant dans les armées, modéré dans la victoire, grand dans les revers, n'y perdant rien de sa majesté, commandant l'estime à ses ennemis, même lorsqu'il est vaincu, et obtenant d'eux le plus beau de tous les titres, celui de vénérable.

Mais si c'est toujours le même sujet, chaque orateur pourtant a sa touche, et non-seulement sa manière de dire, mais encore sa manière de voir. Tous ont parlé des Croisades. Du temps des trois premiers, on ne s'étoit pas encore avisé de soumettre au creuset d'une politique froide ces guerres religieuses. Aussi se contentent-ils d'y voir le zèle de la propagation de l'Evangile, le désir de soustraire des chrétiens à une dure captivité, celui même de donner le change aux divisions des princes européens, et de mettre un frein à la fureur qui les faisoit s'exterminer les uns les autres, en détournant leurs armes et leur frénésie guerrière sur des nations infidèles; et ces motifs pa

roissent à ces orateurs suffire pour justifier, pour ennoblir même ces expéditions lointaines. Le Père de la Ruë croit que saint Louis ne s'est jamais montré si grand que dans les Croisades; or, on ne se montre point grand par des entreprises imprudentes, et quand elles ont un principe vicieux, quelques belles qualités qu'on y déploie, elles sont incompatibles avec la véritable grandeur.

Dans des temps plus rapprochés de nous, une révolution d'idées ayant malheureusement donné moins de prix aux vertus évangéliques, il a fallu que les orateurs les défendissent contre les doctrines nouvelles, et fissent l'apologie de ce qui jusque-là n'en avoit point eu besoin. Le père de Neuville attaque ces dangereuses nouveautés. « La philosophie de nos jours, dit-il, prononce que le sceptre ne peut être que le don arbitraire des peuples. Systême rempli de contradictions, il rend en même temps le Roi maître du peuple, et le peuple maître du Roi. Systême funeste à la tranquillité publique, propre à répandre, à nourrir les germes de rebellion, qui, développés par les passions, ont enfanté tant de révolutions tragiques; systême qui, au premier coup d'œil, enchante ła multitude, parce qu'il lui montre des sujets dans ses maîtres, et qu'il lui attribue des droits essentiels sur le Prince, au lieu que le Prince n'a sur elle que des droits empruntés; mais systême, à le bien approfondir, plus ennemi de la félicité du peuple que du pouvoir du maître, puisqu'il mène le Prince à oppriiner dans la crainte d'être opprimé, et à l'abus de l'autorité pour la conserver ». Image assez vraie de ce qui s'est passé parmi nous, et pendant nos troubles publics, et sous le gouvernement qui les a suivis. Le

même orateur aborde franchement la question du bien ou du mal qui a résulté des Croisades, et conclut, comme le font aujourd'hui beaucoup de bons esprits, en leur faveur. Le Père Elisée et M. l'évêque de Sénez louent l'intention de saint Louis, sans trop prononcer sur le fond. M. l'abbé Gayet-de-Sansale prétend que la piété de saint Louis, déterminé d'ailleurs par l'autorité des Pontifes, l'exemple des ancêtres et les sollicitations des Grecs, les lui fit entreprendre pour le salut de la Palestine, et que sa sagesse en profita pour le repos de la France; et par elles «il écarta, dit-il, des factieux que la justice ordonnoit de punir, parce qu'ils étoient rebelles, et que la prudence avertissoit de ménager, parce qu'ils étoient puissans».

Quoiqu'on dut s'attendre à de l'uniformité dans ces compositions, qui traitent toutes la même matière, on voit qu'il y règne néanmoins assez de variété pour, soutenir l'intérêt, et en rendre la lecture piquante. Elles font parfaitement connoître saint Louis et les mœurs. de son temps. Toutes ne sont pas également bienécrites. On peut reprocher à la dernière un peu d'afféterie, l'abus des antithèses, et même des locutions incorrectes. Il n'est pas, ce semble, d'un goût assez pur de dire, « que le croissant qui brille sur le Calvaire menace la foi d'une éclipse; que le soleil qui favorisa Josué, brúla saint Louis; et qu'on n'eût appelé l'étranger pour corriger le national ». Quelques personnes ont regretté de ne point trouver dans cette collection d'autres Panégyriques de saint Louis dont le mérite est reconnu, surtout celui qui a été prononcé par M. l'abbé de Boulogne, maintenant évêque de Troyes. Il eût figuré avec avantage dans ce recueil, et l'auroit enrichi.

L.

pas

LE Triomphe de la Religion, ou le Roi martyr, poème épique; par feu Jean-François Delaharpe, de l'Academie françoise (1), avec cette épigraphe, tirée du 6. chant:

Les trônes sont frappés quand la terre est coupable.

Si la critique a reproché à l'auteur de la Henriade d'avoir choisi son sujet dans une époque trop voisine de nos jours, que dire d'un poème épique dont le héros est Louis XVI? Comment faire entrer dans un pareil sujet la fiction, aliment nécessaire de l'épopée; et que peut inventer l'imagination qui ne soit au-dessous de l'horrible vérité? Sans doute ces objections n'ont point échappé à un critique aussi judicieux que M. Delaharpe; mais il a pensé que dans une telle entreprise il pouvoit s'affranchir des règles ordinaires. Le lecteur ne cherchera pas dans ce poème ce genre d'intérêt qu'inspirent les sublimes rêveries d'Homère et de Virgile. Ici la curiosité n'est excitée en rien; nous savons d'avance tout ce qu'on va nous conter; et c'est parce que nous le savons, que nous aimons à l'entendre redire.

Cependant ce sujet offroit un grand nombre de difficultés contre lesquelles le talent de M. Delaharpe a quelquefois échoué. La plus grande de toutes étoit de traduire en langue poétique, ce style révolutionnaire, ces expressions basses ou pompeusement ridicules, et que cependant l'usage a consacrées. L'auteur

(1) 1 vol. in-8°. ; prix, 3 fr. 5o c., et franc de port, 4 fr. 25 c. A Paris, chez Mme. veuve Migneret, imprimeur, rue du Dragon, F. S. G., no. 20'; et au bureau du Journal.

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