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du nivellement des religions ne fut appuyé que par les églises réformées. Le catholicisme avoit à redouter des ennemis plus puissans, et auxquels on doit dire que sont dus les terribles échecs qu'il a eu à essuyer. Ces ennemis étoient les partisans des doctrines si improprement nommées philosophiques.

Ce parti ne tarda point à agir. On vouloit ébranler la monarchie, on regardoit le catholicisme comme un de ses remparts; il falloit commencer par le renverser. D'abord on ne se montra point à découvert. Sur la demande qui fut faite, que la religion catholique fut déclarée religion de l'Etat, l'assemblée ne pou→ vant, disoit-elle, « avoir à exercer aucun pouvoir sur les consciences et les opinions religieuses», et sous l'apparence hypocrite d'un profond respect envers le culte catholique, pour lequel, disoit-on encore, «son attachement ne pouvoit être mis en doute au moment où ce culte alloit être mis à la première place dans les dépenses publiques», déclara qu'elle ne pouvoit ni ne devoit délibérer sur la motion. Elle faisoit en même temps travailler à la constitution civile du clergé, qui renversoit les principaux fondemens du catholi→→ cisme. On ne connoît que trop les événemens désas→ treux qui furent la suite de cette conduite, et qui, pendant huit ans, laissèrent la France exposée à tous les maux qu'entraînent après eux l'anarchie et l'oubli de tout principe religieux.

Lorsqu'en 1801 on en revint à organiser un gou→ vernement, on sentit qu'il avoit besoin de l'appui d'une religion. On jugea bien qu'on ne pouvoit se flatter d'en introduire une à volonté, et l'essai qu'on avoit fait de la ridicule théophilanthropie n'avoit pas eu assez de succès pour laisser l'espoir de faire adopter

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des idées nouvelles. On en revint donc au catholicisme; mais si on ne pouvoit le défigurer tout-à-fait, il falloit du moins l'entraver, il falloit surtout le dépouiller de sa prépondérance, et c'est ce que l'on fit par le Concordat, où à la qualification si simple de religion de l'Etat, qui, à tant de titres, étoit due à ce culte, on s'opiniâtra à substituer celle de religion professée par la grande majorité de la nation; majorité grande, en effet, puisqu'elle n'est pas évaluée à moins que les vingt-neuf trentièmes des François. Que résulta-t-il de cette convention? La religion fut-elle favorisée? reprit-elle son utile influence? L'enseignement de l'Evangile, c'est-à-dire, de la plus parfaite des morales, et de la seule morale parfaite, refleurit-il? Non. Le chef de l'Eglise fut persécuté, les ministres des autels tenus dans l'avilissement, et une grande partie du peuple des campagnes laissée sans instruction, faute de pasteurs.

Il suit de là, que tous les gouvernemens qui se sont succédés en France, depuis le commencement de la révolution, n'ont jamais montré que des vues hostiles contre le catholicisme, sous lequel néanmoins cette belle France prospéroit depuis 1400 ans. C'étoit, ce semble, un assez puissant préjugé en sa fayeur, et un assez bon titre pour être conservé. Mais c'est bien plus l'intérêt du moment qui guidoit le gouvernement françois en faisant le Concordat, que des intentions pures, et le retour à l'ordre et aux principes religieux. Aussi voit-on dans sa rédaction une réserve extrême, des restrictions continuelles, l'envie bien prononcée d'accorder le moins possible, et presque même la résolution de ne point tenir ce qu'on avoit accordé. C'est ce que prouvent les lois organi

ques dont on l'a fait suivre, et ce qu'a mieux prouvé encore la conduite du gouvernement à l'égard du culte catholique.

La première édition de la brochure, qui fait l'ob jet de cet article, parut en 1803. Le Concordat étoit établi, et le mal, contre lequel l'auteur cherche à y prémunir, étoit fait; il pouvoit cependant être utile de montrer les inconvéniens du parti qu'on avoit pris. Dans cette brochure, qui, aujourd'hui, reparoît à une époque bien plus favorable, l'auteur y prouve qu'une constitution politique ne peut être bien organisée sans une religion de l'Etat. Il montre que tous les philosophes, anciens et modernes, se sont accordés en ce point, et qu'ils « ont regardé comme un dogme essentiel à l'unité du systême social, l'unité du culte national»; il fait voir qu'il en est de même chez les peuples modernes. Il est, selon lui, de l'essence de la religion dominante de jouir de prérogatives particulières, et surtout de l'exercice public de son culte à l'exclusion des religions tolérées, dont le culte doit être renfermé dans l'intérieur de leurs temples. Seule, elle à droit d'être salariée par le gouvernement; seule, elle doit jouir, sous la protection des lois, de toute la considération et de tout le respect convenables, « et il faut, en conséquence, que toutes les autres religions soient contenues de manière à ne point rivaliser avec elles». En agir autrement, c'est-à-dire, accorder une tolérance indéfinie qui auroit pour base l'égalité absolue de toutes les religions et de tous les cultes, ce seroit en neutraliser l'influence, et conduire à un indifférentisme, lequel, dit l'auteur, «ne seroit pas moins contraire à une liberté raisonnable, et au maintien de la morale, qu'à une saine philosophie.

Il cite en faveur de ces principes, outre l'exemple des peuples anciens, et l'autorité des plus célèbres philosophies de l'antiquité, les témoignages des grands écrivains modernes ; celui de Montesquieu et du fameux Burke ; ceux même d'Harrington, de Schaftesbury, de milord Bolingbroke, de Jean-Jacques Rousseau, témoignages d'autant moins suspects, qu'il est bien connu que tous ces personnages n'étoient pas. portés à favoriser, outre mesure, les principes religieux.

A l'autorité des grands écrivains se joint l'exemple constant des peuples de l'Europe, et entr'autres celui des gouvernemens où domine la religion protestante, Dans ces gouvernemens le culte protestant est le seul qui s'exerce publiquement, et le seul qu'on paie. I y existe même bien plus de restrictions à l'égard des catholiques, qu'il n'en a jamais existé, en France, à l'égard des protestans.

L'auteur conclut enfin, qu'il n'y a qu'en France où l'on se soit jamais avisé de ranger toutes les religions. sur la même ligne, et de les soumettre au nivellement philosophique.

Au reste, en revendiquant pour le catholicisme le titre de religion de l'Etat, et les prérogatives qui doivent y être attachées, l'auteur ne sera point accusé d'intolérance. Persuadé que la liberté des consciences peut très-bien s'accorder avec une religion dominante, il trouve juste qu'on laisse aux communions dissidentes. la liberté de leur culte, et que quant aux droits civils, il n'y ait aucune différence entre elles et les autres citoyens. C'est une opinion qu'il a déjà manifestée ailleurs, et qui lui est commune avec la plupart des publicistes modernes.

Cet ouvrage, écrit sagement, et où le principe de

la nécessité d'une religion nationale, et celui de la préférence à donner pour cela à la religion catholique parmi nous, sont appuyés de preuves démonstratives, n'est pas, à beaucoup près, hors de propos dans les circonstances. Quoiqu'une triste expérience, et la crise dont nous sortons soient bien propres à nous faire revenir des théories politiques qui nous ont conduit à de si tristes résultats, et que la majeure partie de la nation en soit désabusée, on a pu s'apercevoir, même depuis notre délivrance, qu'il reste encore des esprits prévenus de ces idées d'une fausse liberté, et qui ont fait ce qu'ils ont pu pour les reproduire. Il est donc encore nécessaire de les combattre; le livre de M. Tabaraud contient tout ce qu'il faut pour ramener à des sentimens plus justes, sur la question qu'il traite, les gens de bonne foi. Pour ceux qui ne tiennent au systême opposé que par haine ou par indifférence pour la religion, rien ne les convaincra.

L.

Histoire de la naissance, de la vie privée et militaire, et de la fin tragique du duc d'Enghien (1).

Quelques larmes sur le tombeau de M. le duc d'Enghien, par M. Roger, curé de Vincennes.

Nous réunissons ces deux écrits qui ont rapport au même événement. Le premier paroît traduit de l'allemand, et fut, dit-on, publié dans cette langue. Ilcontient quelques renseignemens sur la vie et la fin déplorable d'un Prince qui avoit toujours montré le

(1) 40 pages in-8°., avec son portrait; prix, 1 fr. 25 c., et. 1 fr. 50 c. franc de port. A Paris, rue des Marais, no. 18, faubourg Saint-Germain, et au bureau du Journal.

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