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convéniens étoient prévenus. Le sacré collége alloit s'éteindre dans l'exil, comme son chef. Plus de Pape, plus de moyens d'en avoir.

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Mais illusions et chimères! que les pensées des hommes sont vaines, et combien leurs efforts sont impuissans! Voilà que tous ces projets insensés sont de nouveau confondus. Le Pape rentre dans sa capitale. Les compagnons de son exil et de ses souffrances sont rendus à la liberté. Rome recouvre son maître, ses prélats, ses princes, ses fidèles et généreux habitans. Le chef de l'Eglise est reçu aux acclamations unanimes d'un peuple opprimé pendant six ans. Quelle force l'a ainsi ramené sur son trône? Est-ce les armes à la main qu'il a reconquis ses Etats? a-t-il publié une croisade pour conquérir la ville sainte? a-t-il appelé tous les chrétiens à le venger ou à le défendre? Non; il a prié. Il a fait monter vers le ciel, comme Abel, le cri de l'innocence opprimée. Il a levé les bras, comme Moïse. Il a représenté à Dieu les maux de l'Eglise, les ravages de l'homme ennemi, les ruines du sanctuaire. Il lui a dit avec le Psalmiste: Levezvous, Seigneur, et agissez. Et le Seigneur a entendu la voix de son Pontife, et il s'est levé, et il s'est chargé de le défendre. Comment méconnoître ici son action puissante? Elle est empreinte dans cette révolution en caractères qui frappent les plus aveugles. Quelle autre que la Providence auroit appelé des deux bouts du nord les instrumens de ses desseins? Jadis elle vit venir les barbares du nord pour châtier Rome païenne; aujourd'hui elle les amène pour délivrer Rome chrétienne. Elle rassemble pour ce but le Moscovite et l'Anglois. Elle fait marcher des légions étonnées de se trouver ensemble. Voilà deux fois qu'elle donne ce spectacle au monde. Voilà deux fois qu'elle relève son

Eglise par les mains de ceux les mains de ceux qui ne reconnoissent point son Eglise. Elle arme l'hétérodoxe et le schismatique pour venir au secours du Saint-Siége; présage heureux d'une plus grande faveur encore. Elle n'inspire à tous les souverains que des pensées de paix et de modération. Elle leur fait sentir la nécessité de s'unir pour récréer ce qui étoit détruit, pour renouer les liens rompus, pour raffermir ce qui étoit ébranlé. Elle leur montre qu'il est de l'intérêt de l'Europe entière de conserver ce pouvoir éminemment moral et religieux, de rétablir ce père commun de la grande famille chrétienne, de le rendre indépendant pour le repos même de l'Europe, de reconnoître

ses droits sur ses Etats, droits aussi réels au jugement de Voltaire lui-même, que ceux des autres monarques sur les leurs; de lui restituer enfin ces biens qu'on n'a pu lui ravir sans injustice, et qu'on ne pourroit lui retenir sans une égale injustice dans un moment où on rend à chacun ce qui lui appartient, où chacun est admis à faire valoir ses titres, et où il est de l'intérêt de tous de substituer le règne de l'équité, les égards, la reconnoissance des droits réciproques et la réparation des injures, aux excès de l'arrogance, de la force et de l'ambition. Ainsi, le Saint-Siége recouvrera nonseulement ses honneurs, non-seulement son autorité spirituelle qu'on ne sauroit lui ôter, mais aussi ses domaines temporels, dont la possession est consacrée par le temps,, et garantie par l'utilité commune. Ce qui s'est fait à cet égard, est l'annonce de ce qui doit se faire encore. Déjà maître de Rome, le souverain Pontife le sera bientôt du reste de ses Etats, et même de ces légations qui lui appartiennent à aussi juste titre que telle et telle province à la puissance qui les recou→ vre aujourd'hui. Nous avons un gage de cette restitution

dans l'esprit de justice, de sagesse, de modération et de magnanimité qui a présidé à la dernière révolution, et qui paroît diriger les vues des cabinets et la conduite des souverains. Ils ne laisseront pas leur ou→ vrage imparfait, et ils consommeront le grand œuvre de la pacification générale par une mesure qui y mettra le sceau, et qui achevera de mettre en évidence la pureté de leurs intentions, et la loyauté de leurs ef

forts.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME, 3 juin. Les promotions faites par S. S. et qui ont été rapportées dernièrement, doivent être rectifiées ainsi. Le cardinal Pacca la dignité de camerlingue; le cardinal Litta a été fait prélat de la Propagande; le cardinal di Pietro, grand-pénitencier; le cardinal Mattei, prodataire; le cardinal Consalvi, reprend sa place de secrétaire d'Etat; le cardinal Galeffi est secrétaire des requêtes; le cardinal della Sommaglia est archiprêtre de Saint-Jean de Latran, et le cardinal Scotti, de SainteMarie-Majeure. On a remarqué que dans la distribution de ces places et de ces titres, le saint Père a récompensé spécialement ceux qui ont montré plus de dévouement pour la cause de l'Eglise durant la dernière persécution, et on n'a pu qu'applaudir à ce juste prix de leur zèle et de leurs services.

S. S. a jugé à propos de destituer de tous ses titres Mr. Maury, neveu du cardinal de ce nom, qui étoit prélat et chanoine de saint Pierre, et qui, soit lors de l'enlèvement du Pape, soit depuis, en plusieurs occasions, s'est montré un des agens de la tyrannie. La même punition a été portée contre huit autres prélats et chanoines de la même église, au nombre desquels sont MMgrs. Collicola, Nicolai et Vergani, lequel avoit accepté une place dans le Corps-Législatif. Ils sont ac

cusés d'avoir favorisé les attentats et l'usurpation de l'en nemi du Saint-Siége. Le souverain Pontife a donné des ordres pour qu'on ne laissât pas approcher de son palais les ducs Braschi, Cesarini, Sforza et quelques autres seigneurs romains, qui ont pris part à l'usurpation. Il est même question de poursuivre des sous-préfets et autres, tels que MM. Marescotti, Palombi, Borgia, Vincenti, Piranesi, que l'on regarde comme plus coupables. On en á arrêtés quelques-uns. Des professeurs du college romain ont été destitués de leurs places. S. S., dont tout le monde connoît la douceur et la modération, a jugé néanmoins ne pouvoir se dispenser de faire respecter son autorité, qui avoit été si fort méconnue dans les derniers troubles. Il est tout simple qu'elle ne confie ses grâces qu'à ceux qui lui ont été fidèles. Les autres doivent s'attendre à en être privés. C'est la moindre peine à laquelle ils seront soumis, et au total leur châtiment paroît jusqu'ici s'être borné là.

La même lettre de Rome, qui nous donne ces détails, ajoute que, vers la fin de mai, les troupes d'une puissance voisine continuoient à ravager les parties de l'Etat de l'Eglise qu'elles occupoient encore. S. S. s'étoit plaint el de cette occupation prolongée et de ces ravages, mais elle n'avoit pu obtenir encore justice. La même lettre articuloit plusieurs excès commis par les agens de la même puissance. Dans la province de Pérouse, deux subdélégués du Pape, envoyés pour prendre possession du pays, ont été emprisonnés. Il faut espérer que ces violences seront réprimées. Tous les souverains ont intérêt à ce que tout rentre dans l'ordre, et à ce que chacun respecte les limites qui lui sont assignées.

PARIS. Pendant toute l'octave de la Fête-Dieu, S. M. a assisté au salut qui se célébroit à cinq heures du soir. Le jeudi, jour de l'octave, il y a eu aux Tuileries une messe plus solennelle. Le service de la chapelle royale se fait avec beaucoup de régularité. Il se dit tous les matins plusieurs messes, à différentes heures, pour la commodité des personnes du château, et on assure qu'à ces

messes, qui précèdent celle du Roi, et où le public n'est pas admis, assistent quelquefois de grands personnages qui se dérobent à la foule pour satisfaire leur piété, et qui y participent, dans quelques solennités, à ce que la religion a de plus auguste. Si, comme on ne peut en douter, l'impiété a fait tous nos malheurs, quelles espérances de sagesse et de calme ne peut-on pas concevoir sous une famille auguste qui honore la religion, et qui montre le désir de la faire refleurir?

-On s'est porté partout avec empressement, dès qu'il a été possible de le faire, à acquitter la dette que nous avions contractée envers les personnes augustes sacrifiées aux fureurs des partis. L'exemple qu'a donné, à cet égard, la Métropole, a été promptement imité, et chacun s'est joint avec zèle à ce concert de regrets, d'hommages, d'expiations et de prières que réclamoit le sang illustre qui avoit été versé. Dans toutes les paroisses de la capitale on a fait des services en leur honneur, et un grand nombre de fidèles ont regardé comme un devoir d'y assister en habits de deuil. D'autres églises ne se sont pas moins empressées de payer ce tribut. L'hôpital de la Salpétrière a célébré aussi un service. Le choeur étoit tendu de noir. Un catafalque, un clergé nombreux, une oraison funèbre, prononcée par M. Menessier, la présence des administrateurs de l'hospice, un grand concours de fidèles, tout a contribué à rendre cette cérémonie attendrissante pour un François et pour un chrétien. On nous mande de Bayeux qu'elle n'y a pas élé moins imposante. Toutes les autorités de la ville se sont empressées de s'y rendre sur l'invitation de M. l'évêque, et de s'y joindre au clergé des paroisses, qui avoit été convoqué par le prélat dans sa cathédrale. Une nombreuse réunion de fidèles s'y étoit aussi portée, et unissoit leurs prières au chant de l'Eglise. A Caen, qui est du même diocèse, on a fait le même jour un service solennel dans l'église de Saint-Etienne, qui étoit précédemment une abbaye de Bénédictins, et où s'étoit réuni le clergé des autres paroisses. Toute la ville a pris para

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