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mens qu'il avoit prêtés. Le commandant militaire de Bois-le-Duc, accoutumé à traiter tout militairement comme son maître, fit arrêter M. Van Alphen, qui fut mis au secret. C'étoit pendant la quinzaine de Pâques, temps où, soit comme vicaire apostolique, soit comme pasteur d'une paroisse particulière, M. Van Alphen étoit plus occupé et plus nécessaire à son troupeau. Mais ces considérations n'arrêtoient guère les agens du despo tisme. Le pieux ecclésiastique fut enlevé tout à coup, et transporté mystérieusement à Paris, où on le plaça au donjon de Vincennes, mais sans laisser soupçonner le lieu de sa retraite, et en le privant de toute communi cation au dehors. Ses amis étoient dans la consternation. Un d'eux, M. Van Gils, supérieur du séminaire de Bois-le-Duc, et attaché par l'estime et l'amitié au vicaire apostolique, partit de Bois-le-Duc, et vint chercher à Paris quelques lumières sur ce respectable captif. 11 mit tout en œuvre pour connoître le lieu de sa détention, et trouva des amis zélés qui secondèrent ses démarches. Mais surveillé lui-même par une police inquiète, ce ne fut qu'en s'exposant et en faisant des sacrifices d'argent, qu'il parvint à être instruit du sort de M. Van Alphen, auquel il fit passer quelques adoucissemens. Il essaya même d'intercéder pour qu'on le rendît à la liberté. Mais il échoua entièrement, et on n'eut pas de peine à lui faire comprendre qu'il n'avoit d'autre parti à prendre que de s'en retourner à Bois-le-Duc, et d'abandonner à la Providence le soin de cette affaire. On s'attendoit que M. Van Alphen seroit oublié dans son cachot comme tant d'autres destinés à ne plus revoir la lumière. Un nouveau caprice du maître fit juger qu'on avoit besoin de M. Van Alphen. Bonaparte, qui avoit la manie de tout changer dans l'Eglise comme dans l'Etat, s'avisa de décréter un évêché pour Bois-le-Duc, et il y nomma un ecclésiastique. Mais qui pouvoit donner des pouvoirs à ce nouveau venu? Nous n'avons pas à Bois-le-Duc de chapitre, et depuis la révolution de Hollande, le diocèse étoit administré par un vicaire apos

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tolique, qui tiroit tous ses pouvoirs du Saint-Siége, parTM lequel il étoit nommé. Il n'y avoit donc que M. Van Alphen qui put suppléer au défaut de juridiction de l'évêque nommé. Le besoin qu'on avoit de lui fit songer à le tirer de prison, et on l'envoya à Malines, où on s'efforça, par toute sorte d'instance, de le déterminer à accorder ses pouvoirs pour Bois-le-Duc à l'ecclésiastique nommé pour ce diocèse. Il s'y refusa constamment, alléguant entr'autres, qu'étant délégué, il ne pouvoit déléguer lui-même. Il est à croire qu'il avoit d'autres raisons, et qu'il ne crut pas pouvoir en conscience user de la même complaisance que les chapitres de France. Ce nouveau refus fit qu'on ordonna à M. Van Alphen de revenir à Paris, où un ministre se donna la peine de lui prouver qu'il devoit se prêter à ce qu'on désiroit de lui. Un théologien du ministère des cultes joignit ses argumens à ceux de son excellence. Ni l'un ni l'autre ne purent persuader celui que Vincennes n'avoit point abattu. Il resta à Paris, où on finit par l'oublier; mais il ne pouvoit entretenir aucune correspondance avec son diocèse, qui ne vient que de jouir de sa présence. Son retour parmi nous a été un jour de fête. Les catholiques se sont empressés d'aller saluer leur pasteur, et on lui a rendu des honneurs que sa modestie auroit voulu refuser, mais qui ont sensiblement touché son cœur. L'attachement de ses ouailles a paru le consoler de tout ce qu'il avoit souffert. Il a retrouvé un peuple fidèle et fort attaché à la religion catholique. Il a retrouvé des amis zélés, et entr'autres ce même M. Van Gils, qui lui avoit donné tant de preuves de dévouement. C'étoit cet ecclésiastique qui gouvernoit le diocèse depuis son exil, et il avoit mérité d'être aussi exilé à son tour. Il fut transporté à Dijon, il y a dix-huit mois, avec un autre prêtre, M. Moors, et il y est resté jusqu'au moment où l'arrivée des troupes alliécs a délivré cette ville du joug d'un Corse. Alors M. Van Gils se trouvant libre, est revenu ici par l'Allemagne. Il arriva dans le commencement du carême, et nous trouva aussi affranchis

de la domination de l'étranger. Son retour a été le précurseur de celui de notre vicaire apostolique, et nous espérons que ces excellens prêtres ne nous seront plus enlevés. Il est temps que nous jouissions de la paix, et que la religion catholique soit protégée. Il faut espérer que notre nouvelle constitution nous rendra à cet égard ce que nous n'aurions pas dû perdre.

FLORENCE, 15 mai. Dans la soirée du 19 avril, un parlementaire, envoyé par le comité du nouveau gouvernement de la Corse, aborda dans la petite île de Capraja. Ce parlementaire réclama, au nom de son gouvernement, auprès du commandant du fort, la mise en liberté de trente-sept ecclésiastiques des Etats romains détenus depuis dix mois. Le commandant du fort, qui sans doute n'étoit point instruit des grands événemens qui avoient eu lieu en France, après avoir demandé jusqu'au lendemain pour faire connoître sa détermination, fit ce jour-là une réponse négative, et se retira avec sa garnison dans la forteresse. La population, impatiente de voir libres ces innocentes victimes, environne le fort, et s'empare de quelques officiers qui étoient restés dehors. La garnison, qui manquoit de vivres, crut dissiper cet attroupement en lançant des bombes et des grenades; mais ces braves habitans ne furent point effrayés : ils se disposoient à tenter l'assaut, lorsque dans la journée du 21, le commandant consentit à évacuer la forteresse, et à mettre les prisonniers e. liberté. Ces respectables ecclésiastiques se rendirent aussitôt à l'église pour rendre grâces à Dieu. Gazette de Florence.

NOUVELLES POLITIQUES.

Le Roi a nommé amiral de France, Mr. le duc d'Angoulême, charge que M. le duc de Penthièvre possédoit avant la révolution. S. A. R. a fait son entrée, le 27 mai, dans la capitale..

-S. M. s'occupe avec activité de l'organisation militaire. Elle a déjà nommé à différentes places dans l'armée.

Il est plus question que jamais du nouveau traité de paix qui doit rendre le repos à la France et à l'Europe, et on a lieu de croire que les principales conditions en sont arrêtées. Elles sont plus honorables pour la France qu'on ne pouvoit l'attendre après tant de malheurs. Point de stipulations humiliantes, de contributions ruineuses. On ne nous demande point la destruction de nos monumens ni des garanties inutiles. sous le règne d'un prince équitable. La France redevient ce qu'elle étoit en 1790. On parle même d'une augmentation de territoire dans le nord. On nous rend la plupart de nos colonies. Ces arrangemens satisferont sans doute tous les gens sages qui sont revenus de la manie des conquêtes, et qui sentent ce qu'il en coûte de vouloir s'agrandir.

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-Mme. la duchesse de Bourbon arriva, le 21 mai, à Paris. Elle étoit reléguée en Espagne depuis dix-sept ans, y ayant été conduite après les événemens de fructidor. On dit que l'acquéreur de Petitbourg s'est empressé de rendre à S. A. cette belle propriété; exemple de restitution qui fait honneur à son auteur, et qui trouvera peut-être des imitateurs.

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M. le marquis de Champcenetz a repris ses fonctions de gouverneur du château des Tuileries. Il occupe un des appartemens du pavillon de Flore.

-Toutes les troupes qui formoient la nombreuse garnison de Hambourg et de l'armée du maréchal Davoust, se mettront en marche, le 30 mai prochain, pour revenir en France.

Des lettres de Livourne nous apprennent que sous la protection des puissances alliées, le commerce de ce port a repris beaucoup d'activité, et qu'il y a même une surabondance de denrées coloniales.

- La ville d'Anvers a adressé un mémoire au Roi, par lequel elle supplie S. M. de lui rendre les tableaux de Rubens qui ont été enlevés de ses églises.

- Le Roi a décidé que la fleur de lis en argent se

roit la seule portée, quelles que puissent avoir été les demandes de la fleur de lis d'or et leur obtention, MONSIEUR ayant adopté à son arrivée ce signe honorable de dévouement et de fidélité au Roi, et devant continuer à le porter ainsi.

-S. A. R. le prince d'Orange est en ce moment à Paris. On a remarqué comme une singularité unique dans l'histoire, que cette ville renferme plus de trente souverains ou proches parens de souverains. C'est un spectacle bien imposant que cette réunion de princes venus de si loin pour nous délivrer, et pour travailler ensemble au repos de l'Europe et au bonheur du monde. Il paroît que M. le grand-maître de l'Université quittera le palais Bourbon, et qu'il occupera le palais du Temple, qui avoit été destiné à un ministère qui n'existe plus.

Nous avons reçu aujourd'hui des nouvelles de l'île d'Elbe, en date du 8 mai. Le premier acte par lequel Bonaparte y a signalé son gracieux avénement, a été de doubler les impôts. Des troupes alliées étoient attendues à tout moment dans cette petite île, pour en garder les forts et en protéger les habitans, dont le nombre ne s'élève pas à plus de 9 à 10,000 ames.

MADRID, 12 mai. L'arrivée de notre Roi dans ce royaume a changé tout à coup la face des choses et la disposition des esprits. Auparavant on ne parloit que de constitutions et de la nécessité de donner des limites à l'autorité monarchique. Chacun imaginoit des théories où l'on garantissoit tout, excepté les devoirs des peuples et les droits du monarque. La rentrée de Ferdinand sur notre sol a donné une autre impulsion à l'opinion. Partout les habitans des provinces ont accouru à sa rencontre, et lui ont témoigné, par des acclamations unanimes, leur joie de le revoir après un si long exil. L'allégresse et l'enthousiasme sembloient s'accroître de jour en jour. Aussi à mesure que ce prince avançoit dans ses Etats, le crédit des

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