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prouvé que la main qui soutient l'Eglise romaine, est celle qui porte le monde? et que pouvoit faire de plus le Tout-Puissant pour la confusion des impies, pour la consolation des vrais fidèles, pour l'instruction des siècles, et la gloire immortelle de l'illustre captif; de ce Pontife vraiment saint, qui, plus auguste, plus vénérable encore dans les fers que sur le trône, a prouvé à tout l'univers qu'on a bien pu le dépouiller, mais non l'avilir; et qu'en lui ravissant sa tiare, on n'a pas pu lui enlever la triple couronne de l'honneur, du courage et de la vertu.

>> Ainsi marchent ensemble les deux plus grands événemens de l'histoire moderne, le rétablissement du fils aîné de l'Eglise, et celui du Père commun des fidèles : tous deux opérés par les mêmes moyens, tous deux également inespérés, et assurant à la fois tous les deux, l'un la paix du monde politique, et l'autre la paix du monde chrétien. Ainsi vont se resserrer, de plus en plus, ces liens heureux qui unissoient le sacerdoce et l'empire pour leur mutuelle stabilité et leur prospérité commune. N'en doutons pas, Nos très-chers Frères, toujours fidèle à marcher sur les traces de ces rois très-chrétiens, ses glorieux ancêtres, le Roi que vient de rappeler le ciel, protégera comme eux cette religion catholique, véritable appui de son trône, éternel honneur de sa races cette religion qu'une politique insensée voudroit toujours séparer de l'Etat, sans songer que l'Etat est né avec elle, et qu'il mourroit sans elle; cette religion plus nécessaire encore aux rois, que les rois ne lui sont nécessaires. Il la protégera, non en la tolérant, non en la souff ant, comme une secte enfantée par l'erreur, mais en l'honorant, mais en arrachant ses ministres à la servitude où ils gémissoient; mais en la plaçant avec lui sur le trône, et en demandant au ciel ce que Salomon demandoit pour la sagesse, de l'avoir pour conseil, pour amie et pour assistante; mais en vivifiant cette illustre Eglise gallicane, jadis si féconde en grands hommes,.et

dont la gloire est inséparable de celle de la monarchie. Il la protégera, comme la religion du souverain et de la nation presque entière; et à ce titre, lui devant doublement spéciale protection, comme enfant de l'Eglise et comme père de l'Etat. Enfin, il la protégera comme le moyen le plus sûr de rendre à ce royaume son ancienne splendeur; de répandre partout l'amour de la justice; de sauver la génération présente de la dégradation dont elle est menacée; de retremper les ames qu'ont énervés l'égoïsme, l'indifférence et l'athéisme; de rajeunir la France, que ses vices et ses fausses doctrines ont vieilli; et de renouveler le sang politique en renouvelant le sang chrétien ».

Il est sans doute permis à un évêque, traduit au tribunal de l'opinion publique, de chercher à se justifier. Plus son caractère est respectable, plus il a droit de chercher à se conserver une réputation sans tache. M. Fallot de Beaumont, évêque de Plaisance, a été maltraité dans quelques journaux et dans des écrits imprimés. On a présenté sa mission à Fontainebleau sous des couleurs défavorables. Il réclame contre des relations hasardées, et nous adresse la lettre suivante, que nous pouvons d'autant moins nous dispenser d'insérer, que c'est en quelque sorte une pièce historique qui doit trouver sa place dans un Journal destiné à recueillir tout ce qui tient au récit des persécutions de l'Eglise et de son auguste chef, dans un Journal qui est le dépôt naturel des réclamations d'un évêque, et de toutes les pièces qui intéressent le clergé.

<«< L'amour de la vérité et le désir de rendre un juste hommage à Sa Sainteté, et de manifester en elle de plus en plus ce caractère de douceur dont elle a toujours donné des preuves si éclatantes, m'obligent de publier une relation exacte de ce qui s'est passé dans les deux

missions dont l'ancien gouvernement m'avoit chargé auprès du saint Père. Mon récit différera de celui qui a été inséré dans la Gazette de France, du 10 avril; mais il contiendra la vérité.

Le 18 décembre 1815, je fus appelé chez un ministre, et chargé d'aller à Fontainebleau avec la commission verbale de m'informer si Sa Sainteté étoit disposée

entrer dans des arrangemens qui feroient cesser les difficultés qui existoient entre elle et le gouvernement. J'étois autorisé, dans le cas d'une réponse favorable, à assurer le saint Père que je recevrois sur-le-champ les pouvoirs nécessaires pour traiter. Il ne me semble pas qu'on puisse faire un crime à un évêque d'avoir accepté. une semblable mission. Rien ne pouvoit être plus agréable, et en même temps plus honorable pour moi, que d'avoir à traiter avec le chef des fidèles, avec un Pontife si saint et si bon, et de lui porter des paroles de paix et de conciliation. Il est inutile, je crois, d'assurer que je ne me serois point chargé d'une mission qui auroit eu pour objet quelques mesures de rigueur, ou des menaces, ou même des propositions qui ne pourroient se concilier avec l'attachement sincère d'un évêque pour le chef des pasteurs, et avec la vénération profonde que je professe avec tous les fidèles pour l'auguste captif. Je me rendis à Fontainebleau, et le 19, je fis demander, par M. l'archevêque d'Edesse, une audience, que Sa Sainteté voulut bien m'accorder sur-le-champ. Après lui avoir offert mes vœux, à l'occasion des fêtes de Noël, je lui témoignai la douleur que j'éprouvois, avec toute l'Eglise, de la voir éloignée de son siége et de ses Etats, et j'ajoutai que je ne croyois pas impossible de lever les obstacles qui s'opposoient à son retour. Le saint Père me répondit, avec son affabilité ordinaire, qu'il étoit décidé à ne parler d'affaires que lorsqu'il seroit de retour à Rome; qu'il avoit examiné devant Dieu les motifs de sa conduite, et que rien ne pourroit le faire changer. Il ajouta qu'il avoit défendu aux cardinaux de lui

parler d'aucune affaire. Après quelques discours indiffé rens, Sa Sainteté me donna sa main à baiser, el me congédia. De retour à Paris, le 21, je rendis compte au ministre, qui m'avoit engagé à aller à Fontainebleau, du résultat de mon voyage, et je ne m'en occupai plus. Plusieurs de mes collègues dans l'épiscopat obtinrent aussi la liberté d'aller à Fontainebleau, non pas pour. presser Sa Sainteté de faire des sacrifices, comme l'assure la relation publiée dans la Gazette de France, mais dans la seule vue de présenter au saint Père l'hommage de leur profond respect et de leur dévouement.

Le 16 janvier 1814, j'ai pris congé, comptant partir pour Bourges, le jeudi 20. Le 18, je reçus une lettre du même ministre avec qui j'avois conféré, le 16 décembre, et invitation de me rendre chez lui. Après une conversation assez longue, il me remit un projet de traité et un modèle de lettre à écrire à Sa Sainteté, pour me légitimer auprès d'elle. Dans ce projet, dont j'ai conservé la minute, on rendoit au saint Père ses Etals, el on n'exigeoit de lui aucune cession. Je puis l'attester, et même le prouver par l'inspection des pièces. Le 19, je me rendis à Fontainebleau, au château, où j'occupai un appartement. Le 20, je fis remettre au saint Père, par M. l'archevêque d'Edesse, la lettre dans laquelle je lui exposois l'objet de mon voyage. J'obtins audience à onze heures et demie. Sa Sainteté me reçut avec sa bonté accoutumée, et me dit qu'elle ne pouvoit entendre à aucun traité, puisque la restitution de ses Etats étoit un acte de justice, et ne pouvoit devenir l'objet d'un traité; que d'ailleurs, tout ce qu'il feroit hors de ses Etats. paroîtroit l'effet de la violence, et seroit un scandale pour le monde chrétien. Dans la suite de la conversation, le saint Père me dit que tout ce qu'il demandoit étoit de retourner à Rome, le plutôt possible; qu'il n'avoit besoin de rien, et que la Providence le conduiroit. Je lui fis quelques observations, particulièrement sur la rigueur de la saison; mais il me répondit qu'au

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can obstacle ne l'arrêteroit. C'est dans cette audience que Sa Sainteté me dit ces paroles, qui me sont trèsprésentes: Il est possible que mes péchés ne me rendent pas digne de revoir Rome; mais soyez assuré que mes successeurs auront tous les Etats qui leur appartiennent. Toute ce qui est de plus dans la relation de la Gazette de France, est destitué de fondement.

Après avoir demandé au saint Père la permission de me présenter le lendemain, je me retirai, et je fis partir une estafette pour le gouvernement, rendant compte de mon entretien avec Sa Sainteté, et insistant beaucoup sur le désir qu'elle témoignoit de partir pour Rome. Le 21, je me rendis auprès du saint Père, vers midi; la conversation roula sur des objets indifférens, et sur le temps où nous avions été ensemble à Rome. En me retirant, et annonçant mon départ pour le lendemain, je demandai à Sa Sainteté sa bénédiction, et je lui dis que j'espérois que son départ seroit prochain, et que j'avois écrit pour l'accélérer. Elle répondit que c'étoit tout son désir, et ajouta ces paroles, qui donnent une juste idée de sa piété et de la douceur de son caractère : Assurez l'empereur que je ne suis point son ennemi; la religion ne me le permettroit pas : j'aime la France; et lorsque je serai à Rome, on verra que je ferai tout ce qui sera convenable. Après avoir rempli auprès du saint Père tout ce que le respect le plus filial exigeoit de moi, et en avoir reçu des témoignages de bonté, j'oserois presque dire d'affection, je me retirai. Je fis des visites à tous les cardinaux logés dans le palais: je dînai, le 19, le 20 et le 21, avec eux; mais n'étant pas chargé de conférer avec leurs éminences, la conversation a toujours été indifférente. Je suis parti, le 22, à sept heures du matin : j'ai rencontré dans la ville trois voitures se dirigeant vers le palais, et j'ai su depuis qu'elles étoient destinées pour le départ de Sa Sainteté. Les événemens qui ont suivi me sont parfaitement étrangers. Cette relation, dont je garantis l'exactitude, sera

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