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848

8139
1778
v.3

6 31249-128

Papillua

1777.

ESSAIS

HISTORIQUES

SUR PARIS.

UN N LECTEUR Curieux de remonter à la fource des chofes, aime qu'on lui dife: ce parterre émaillé de fleurs, étoit autrefois un marais bourbeux; cette Ville agréable & magnifique, cette Rivière, décorée des bâtimens les plus pompeux, ce Paris enchanteur, cette Capitale de l'efprit, des arts & des plaifirs, n'étoit jadis qu'un vil amas de bouë; on lui en donna même le nom méprisable.

Le commerce que les Parifiens faifoient par eau, étoit très-floriffant; leur ville femble avoir eu de temps immémorial un Navire pour fymbole. Ifis préfidoit à la navigation; on l'adoroit même chez les Suèves fous la figure d'un Vaiffeau (1); voilà plus

(1) Lactance, Apulée, Tacite, de morib. Germ. c. 8.

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de raifons qu'il n'en falloit à des Étymologiftes, pour fe perfuader que Parifii venoit de «på l'oïdos, proché d'Ifis; les langues Grecque & Celtique ayant été originairement la même, & l'une & l'autre fe fervant des mêmes caractères. Je ne prétends pas défendre cette étymologie; mais Moreau (1) de Mautour fe trompe (2), lorfqu'il foutient que cette Déeffe n'a point été adorée dans les Gaules, même après qu'elles furent foumifes aux Romains. Ses Prêtres avoient leur Collège à Iffi; & l'Eglife de S. Vincent, depuis Saint-Germain-des-Prés, fut bâtie fur les anciennes ruines de fon (3) Temple. Perfonne n'ignore où étoit celui de (4) Mars. Mercure ou Pluton (car c'étoit le même chez les Gaulois)

(1) Hift. de l'Acad. des Infcript. T. 3, pag. 290. (2) D. Martin, (Religion des Gaulois, Tom. 2, page 131.) le prouve par des Monumens que cet Académicien n'auroit pas dû ignorer.

La ville de Melun, s'étant confacrée au culte d'Ifis, changea fon ancien nom (Melodunum) en celui d'Ifeos ou d'Ifia*. * Jacobus Magni. Abbon. carmen

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3.

L. 1.

(3) Ce Temple d'Ifis fi fameux, dit Sauval, qui donna le nom à tout le pays, étoit deffervi par un Collège de Prêtres qui demeuroient, comme l'on croit, à Iffi, dans un Château dont on voyoit encore les ruines au commencement de ce fiécle.

(4) Montmarte.

avoit le fien fur le Mont Leucotitius (1); & l'on verra à l'article de la rue Coquillière, que Cybèle attiroit auffi la dévotion du côté où eft à préfent SaintEustache. Il faut obferver que ces endroits n'étoient anciennement que de petits bois, des lieux folitaires, confacrés à ces Divinités; car les Gaulois ne commencèrent à bâtir des Temples, que lorsqu'ils furent fous la domination des Romains.

Céfar eft le premier Auteur qui ait parlé des Parifiens. Ils étoient un de ces foixante ou foixantequatre Peuples qui compofoient la République des Gaules, & qui ne formoient qu'une même nation, quoiqu'indépendans les uns des autres. Chacun de ces Peuples avoit fes Loix particulières, fes Chefs, fes Magiftrats, & nommoit tous les ans des Députés pour les Affemblées générales, qui fe tenoient ordinairement dans le principal Collège des Druïdes, au milieu d'une forêt du pays Chartrain. L'adminiftration des affaires civiles & politiques avoit été confiée, pendant affez long-temps, à un Sénat de femmes choifies par les différens cantons. Elles délibéroient de la paix, de la guerre, & jugeoient les différends qui furvenoient entre les Vergobrets (2), ou de Ville à Ville. Plutarque dit qu'un des articles

(1) Les Carmelites de la rue Saint-Jacques. (2) Souverains Magiftrats,

du Traité d'Annibal avec les Gaulois portoit: Si quelque Gaulois a fujet de fe plaindre d'un Carthaginois, il fe pourvoira devant le Sénat de Carthage établi en Espagne. Si quelque Carthaginois fe trouve léfé par un Gaulois, l'affaire fera jugée par le Confeil fuprême des femmes Gauloifes (1). Les Druïdes, mécontens de quelques Arrêts de ce Tribunal, ufèrent avec tant de fouplesse & d'artifice du crédit que la Religion leur donnoit fur les efprits, qu'ils le firent abolir; & érigèrent le leur, dont la puiffance s'accrut bientôt au point que, dans les Affemblées générales, ils devinrent abfolument les maîtres des délibérations. On leur avoit laiffé les mêmes prééminences qu'aux femmes; ils en profitèrent pour se faire regarder comme le premier Corps de l'État, & pour achever d'écrafer toute autre autorité fous le defpotifme de la fuperftition. On remarque que les Gaulois, fous le gouvernement des femmes, avoient pris Rome, & firent toujours trembler l'Italie; que, fous celui des Prêtres, ils furent fubjugués par les Romains, & que Céfar dut fes conquêtes aux jaloufies & aux divifions qu'un Druïde, le perfide Divitiac, femoit fans ceffe entre les Villes principales. Les Parifiens combatti

(1) De Claris Mulierib.

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