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qui avoit déjà prouvé incontestablement qu'il étoit digne de défendre le dépôt sacré qui lui étoit remis.

Lorsque le clergé fit, au commencement de la révolution, un abandon volontaire de ses priviléges, le roi avoit déclaré, dans sa lettre à l'archevêque d'Arles, (*) qu'il ne donneroit jamais sa sanction à un pareil décret; et dans sa première lettre au pape, (**) sur la constitution civile du clergé, il informe le SaintPère, que le cri de sa conscience lui défend de sanctionner cet oeuvre de ténèbres.

Cette alliance hostile entre le clergé mécontent de France, et le pape, trouva un zélé auxiliaire ". en la personne de Louis XVI. On se rappellera, sans doute ici, ce qui a été dit de la rectitude morale du roi ; et on demandera, comment il est possible de concilier ses déclarations réitérées au peuple français; ses félicitations sur le rétablissement de leurs libertés, dont il avoit accepté le titre de Restaurateur; et ces négociations secrètes avec (*) Voyez la XXe. lettre de ce recueil. (**) Voyez la XXVe. lettre de ce recueil.

ses ennemis les plus déclarés, et ceux qui étoient acharnés à miner sourdement la révolution, et à la renverser de fond en comble. Il est impossible de justifier le défaut de rectitude morale, nous sommes mêmes bien éloignés de chercher à le faire; et on peut douter de la pureté d'une religion, qui compose avec la fraude, et qui sanctifie la supercherie. Loin de nous l'idée qu'une religion, qui est professée par une si grande partie du monde, enseigne une doctrine, qui sape entièrement les fondemens de la société, et qui en rompt tous les liens! il est cependant permis de déplorer qu'il puisse exister des circonstances, où les erreurs qui s'y sont glissées, ont tellement obscurci sa morale, que le premier principe de la conduite, la conscience se trouve exposée à tomber dans le piége, et à succomber aux attaques perfides de l'improbité et de la mauvaise-foi.

Et qu'on ne pense pas que cette réflexion soit ici déplacée. S'il nous est permis; s'il est même de notre devoir, et de celui de toutes les ames honnêtes, de former des voeux ardens et sincères pour le maintien de la foi dans

toute sa pureté; si nous avons droit d'entretenir, de nourrir la douce et glorieuse espérance de voir, un jour, notre divine religion paroître, dans tout son éclat, débarrassée de toutes ces alliances impures et profanes, qui la souillent encore; et repoussant, avec indignation, ces funestes combinaisons de la politique, qui voudroient en faire un instrument de la puissance temporelle; c'est en reportant nos regards, à travers ces scènes de trouble et d'horreur qui ont ensanglanté et entaché la révolution, sur l'époque où cette lettre fut écrite; et en observant le contraste qu'elle présente, dans cette correspondance entre le pape, et le Premier Magistrat d'un peuple libre.

Il n'y avoit que douze jours que cette lettre étoit écrite, lorsqu'on vit le roi, dans l'auguste assemblée du peuple, le jour de la Fédération, après avoir participé à l'acte le plus solennel de la religion, jurer, à la face du ciel et de la terre, qu'il emploieroit tout le pouvoir qui lui étoit délégué par la loi cons titutionnelle de l'Etat, à maintenir la constitution décrétée par l'assemblée nationale, et

qu'il avoit acceptée; et à faire exécuter les lois. Cette lettre étoit alors sur le chemin de Rome; et nous y lisons, que bien loin de vouloir maintenir cette constitution qu'il alloit jurer, ou de songer à faire exécuter les lois décrétées par l'assemblée nationale, il refusera, non-seulement, de sanctionner une partie importante de ces décrets; mais qu'il demande encore des conseils à celui qui en est l'ennemi le plus acharné, en qui seul il met toute sa confiance, en l'assurant que ses sages avis le guideront, et qu'il ne fera rien sans le consulter.

On ne connoît que trop les malheurs et les calamités déplorables qui ont résulté pour Louis XVI, et pour la France, de cette fu

neste transaction avec une conscience erronnée. Si une ame naturellement bienfaisante et pieuse, a pu raisonner et agir de cette manière, que peut-on penser de la morale d'une religion, qui admet de pareils subterfuges? Et c'est, cependant, son chef, qui en est le témoin, et qui ne les repousse pas avec cette vertueuse indignation que le vice inspire. C'est lui qui les permet, qui les encourage,

qui les excite, et les sanctionne ainsi, aux yeux d'un prince foible, et qu'il n'eût pas été difficile de ramener à la vertu et au bonheur. « Ah! Papisme, s'écrie le prédicateur sentimental et pénétré, de quels maux n'astu pas à répondre ? »

*

Mais revenons à cette lettre. Le pape avoit, en conséquence des précédentes lettres du roi, choisi des docteurs pour le guider et le diriger par leurs conseils. Le roi l'informe «qu'il a vu ces docteurs, et d'autres théologiens estimables.» Dans les conférences qui avoient eu lieu, à ce sujet, on avoit décidé, unanimement, le rejet d'une constitution, qui contenoit des articles contraires aux usages antiques de l'église de Rome, et qui attaquoient directement les dogmes sacrés de l'hiérarchie, et de la discipline de l'église gallicane. Si c'étoit ici le lieu de discuter ce sujet, on prouveroit, aisément, que les docteurs appelés à cette conférence, avoient induit à erreur, sur tous les points, l'infortuné monarque, qui avoit le malheur de chercher la règle de sa conscience, hors de sa conscience même; et * Sterne.

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