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Le devoir de ces espions étoit, sans doute de l'informer de tous les mouvemens du duc d'Orléans; et, comme ceux qui se chargent de pareilles missions, ne sont pas ordinairement des personnes très-délicates, ni d'une véracité très-scrupuleuse; il y a grande apparence que le compte qu'ils rendoient, étoit plus souvent celui qui pouvoit plaire le plus, que celui qui étoit le plus exact. De pareils agens sont toujours intéressés à donner les détails, qui peuvent donner le plus de prix à leurs services, sans craindre d'être pris en défaut; puisqu'il est, en général, impossible de savoir le vrai ou le faux de leurs rapports, sur lesquels on ne peut prendre aucune information.

La publicité des noms, contenus dans cette liste, seroit le démenti le plus formel et le plus péremptoire qu'on pût donner à celui qui a eu la bassesse, ou la méchanceté de la fabriquer, et la preuve la plus évidente qu'il trompoit son commettant. Il s'y en trouve, il est vrai, quelques-uns qu'on pourroit soupçonner, sans manquer à la bonne-foi, d'avoir. VOL. I.

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mérité et reçu ces gages d'iniquité; et auxquels, il seroit infiniment heureux pour leur pays, qu'on n'eût pas à reprocher des crimes, dont le souvenir nous glace encore d'effroi. Il y en a aussi d'autres, dont la réputation n'est pas entièrement à l'abri de tout soupçon; mais on y en voit plusieurs, dont la calomnie la plus déhontée n'a jamais osé attaquer ni la pureté des sentimens, ni l'irréprochabilité de la conduite; et dont les principes inébranlables, au milieu des chocs les plus terribles de la révolution, ont résisté, également, à toutes les corruptions, et à la tyrannie, quelque forme qu'elle ait voulu prendre; quelques-uns même, qui ont scellé de leur sang leur attachement pur et sincère à la cause de la liberté. Ainsi, tout ce que cette lettre prouve, c'est que roi employoit des agens pour se procurer de l'argent, afin de pouvoir stipendier «des esprits entreprenans; » que son ministre de l'intérieur, à cette époque, avoit une police en opposition à celle de l'autorité légale et reconnue ; et que lui-même, il employoit des espions dans le palais du duc d'Orléans. Ainsi, Louis XVI fut conduit par des conseillers

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perfides et artificieux, à imiter une conduite, que sa délicatesse naturelle comme homme, et le sentiment de sa dignité comme prince, le forçoit, non-seulement, à condamner, mais même à détester, et à abhorrer dans un autre.

LETTRE XX V.

A son altesse éminentissime Emanuel de Rohan-Polduc, grand-maître de l'ordre

de Malte.

Paris, le 18 Novembre, 1789.

MON COUSIN,

DANS des siècles pieux, la France généreuse avoit comblé, de ses bienfaits, l'ordre de St.-Jean de Jérusalem. Le monde chrétien en reconnut l'utilité; il lui plut encore d'accorder, à vos chevaliers, tous les priviléges dont ils ont conservé les prérogatives jusqu'à présent. Les rois, mes aïeux, sanctionnèrent la volonté des fondateurs et le droit des titulaires. Des circonstances impérieuses ont amené un changement dans l'ordre politique de la France; les chevaliers de la langue française imiteront sans doute l'exemple que je leur donne. Ce n'est pas lorsque tous les ordres de l'Etat font des

sacrifices, qu'ils resteront en arrière je laisse à votre sagesse, mon cousin, de prendre les mesures qui peuvent coïncider avec les travaux de l'Assemblée nationale. Sur ce, je prie Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte garde.

LOUIS.

OBSERVATIONS

Sur la vingt-cinquième Lettre.

L'ORDRE monastique-militaire de Malte, n'avoit pu échapper à l'oeil examinateur de l'assemblée nationale, au moment où l'esprit réformateur qui la dirigeoit, lui faisoit rechercher tous les abus, et anéantir ainsi tous les priviléges. Les biens qui appartenoient à cet ordre, se trouvoient compris dans le décret, qui avoit mis, sous la main de la nation, toutes les propriétés ecclésiastiques; et les chevaliers de St.-Jean de Jérusalem, qui formoient la

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