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M. Lacroix. « Je pense que l'Asssemblée ne doit expier que sa trop grande facilité à se laisser injurier par ses membres. Lorsque l'Assemblée ordonne l'impression d'une opinion elle n'en adopte pas les principes; mais elle reconnaît que cette opinión contient des vues nouvelles qui méritent la méditation de ses membres d'après cela l'Assemblée n'a rien à expier, et je demande que M. Ducos soit rappelé à l'ordre. » (Bruit.)

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M. Fauchet. (Applaudissemens des tribunes.) « Très-convaincu que M. Ducos n'a pas eu l'intention de manquer à l'Assemblée, et que c'est par un excès de tolérance qu'il a été intolérant envers moi, je crois que l'Assemblée ne doit point le rappeler à l'ordre; mais je demande qu'il me soit permis de répondre à M. l'évêque de Bourges, qui m'a attaqué avec beaucoup d'éloquence et d'énergie... (Murmures.) Je vous prouverai que je n'ai proposé en aucune manière des mesures d'intolérance...(Murmures.) Je n'ai condamné personne à mourir de faim...(Bruit; l'ordre du jour ! ) Puisque l'Assemblée n'est pas disposée à m'entendre je conclus simplement à ce que M. Ducos né soit pas rappelé à l'ordre. » (Appuyé.)

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L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Torné, et passe à l'ordre du jour.

La discussion ne fut reprise qu'après huit jours: M. Fauchet n'avait point oublié la sortie faite contre lui ; il réclama la parole, impatient de répondre à M. Torné, ainsi qu'à d'autres membres qui avaient opine pour des mesures trop modérées ou pour le renvoi au pouvoir exécutif.

RÉPLIQUE de M. Fauchet. (Séance du 3 novembre 1791.)

« La tolérance des poisons dans la société est la plus grande intolérance contre la société : mais accuser d'intolérance celui qui se borne à proposer qu'on ne paie pas les empoisonneurs (murmures) c'est le comble du ridicule; c'est une mesure de philosophie que je ne puis concevoir. On m'accuse d'avoir employé une éloquence cruelle quand je n'ai été ni cruel ni éloquent (une voix : C'est vrai!), mais simplement juste et sensé... (Plusieurs voix : Ce n'est pas là la question; l'ordre du jour !)

Il s'agit de défendre mon opinion contre ceux qui l'ont attaquée. (Au fait, au fait !)

>> On trouve que c'est condamner des hommes à mourir de faim que de les obliger à vivre de leur propriété ou de leur travail ! On m'appelle un barbare quand je sollicite pour des milliers de pauvres laborieux, au besoin desquels la patrie ne peut pas subvenir, des sommes énormes prodiguées par elle à des hommes inutiles, à des ingrats, à des ennemis ! Ceux qui m'ont combattu n'ont pas eu une éloquence cruelle contre les réfractaires, mais un art perfide contre les intérêts des citoyens... (Murmures.) Ce sont ceux qui, voulant donner une latitude indéfinie à la liberté des adversaires de la révolution, autorisent la discorde, appellent la licence pour étouffer la liberté véritable, et néces siter le retour du despotisme. (Applaudissemens.)

»Ne nous y trompons pas, messieurs, ces brillans et doucereux orateurs qui ne voient de danger à rien, si ce n'est dans les précautions contre le danger; qui enveloppent dans un mépris universel les ministres des cultes ; ces beaux et pacifiques philosophes ne font entendre que des chants de syrènes aux compagnons d'Ulysse (murmures), et secouent les pavots de l'aristocratie dans le champ de la liberté!(Applaudissemens.)

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>> Ecoutez-les, ils trouveront tout dans l'acte constitutionnel, excepté la souveraineté nationale, dont ils ne veulent point; ils invoquent l'ordre du jour dès qu'on veut réprimer les désordres des ennemis de la Constitution. Par ces petits orages qu'on suscite sans cesse on veut nous déshonorer; par ces menœuvres honteuses qu'on emploie chaque jour on cherche à écarter de nous la toute-puissance de l'opinion publique; on nous pousse au néant!.... Messieurs, arrêtons-nous; piétonsnous enfin sur la liberté; repoussons d'un élan vigoureux tous ces endormeurs qui sont si benins en nous entraînant doucement dans leurs piéges!... (Quelques applaudissemens.) Tous ces endormeurs, qu'ils montrent comment ils agiraient s'ils combattaient contre la patrie ! Cependant sans le savoir ils s'évertuent contre elle.... Il faut à tous prix employer des moyens énergiques, prendre des mesures efficaces et sur les émigrans les prêtres réfractaires ; à l'égard des premiers les projets des membres vraiment patriotes, vraiment libres, MM. Brissot,

et sur

Condorcet et Vergniaud, suffisent; rapprochons ces projets de décrets, fondons-les en un seul. (Murmures.)

» A l'égard des prêtres réfractaires ne nous arrêtons plus à des projets qui tendent à encourager ces implacables ennemis de la liberté publique, et qui livrent à plaisir le terrein de la liberté au fanatisme dans toutes les maisons et dans tous les temples... La patrie, messieurs, la patrie et l'humanité veulent d'autres mesures : les nations ne seront jamais indifférentes sur la religion; le gros du peuple sera éternellement religieux : c'est un des élémens de la nature humaine; on le retrouve à la racine et dans toutes les branches du genre humain ; quelques feuilles, où la sève morale n'arrive plus, tombent seules de cette haute attitude qui nous élève vers le ciel, et rampent sur la terre pour y pourrir dans le matérialisme. (Applaudissemens.)

avec saint

» Le grand secret de la paix et de la liberté de toutes les nations c'est une religion universelle, qui voit partout des frères et ne damne personne que les méchans incorrigibles; cette religion c'est l'évangile bien compris, c'est le catéchisme dans toute son extension, ce catéchisme qui sauve, Paul, tous les hommes de bonne foi (Murmures ; une voix : l'Evangile n'est pas à l'ordre du jour.......), et qui regarde comme appartenant à l'église universelle tous les hommes vertueux de l'univers; cette religion est celle de la Constitution française et de la généralité des prêtres assermentés de tous les départemens : ils ne damnent point les non conformistes; ce sont ceux-ci qui, vouant les constitutionnels à l'enfer, secouent les torches du fanatisme dans tout l'empire! nous serions prêts à vivre fraternellement avec eux; mais ils ne veulent pas, mais ils ne voudront jamais vivre même en ennemis paisibles avec nous; toujours les malédictions seront sur leurs lèvres, les haines dans leur cœur, et les flambeaux de la discorde dans leurs mains! C'est une bien mince philosophie que celle qui ne calcule pas les effets affreux d'un culte généralement suivi dans un vaste empire, qui a doubles ministres et doubles disciples, dont les uns n'ont qu'anathème dans la bouche et fiel dans l'âme, et dont les autres ne respirent que pour la patrie

et pour la fraternité de tous les hommes? Renfermez-les dans le même temple; ils deviendront dès loups furieux qui dévoreront les agnéaux paîsibles, à moins que les lions vigilans de la garde nationale ne viennent sans cesse à leur secours. (Applaudissemens.)

»M. l'évêque du Cher (M. Torné) doit savoir comme toute la France que ce sont des prêtres assermentés qui ont été vexés tourmentés, égorgés d'ans plusieurs départemens par les réfractaires, et que les réfractaires n'ont jamais été inquiétés, à moins qu'ils ne fassent dans un accès de fureur, et qu'alors même les mesures de défense de la part du clergé constitutionnel n'ont été que des plaintes, et de la part des administrateurs et des juges que des mesures de répression ou des cédures inutiles.

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pro

>> On a fait grand bruit dans cette Assemblée de quelques indécences commises contre quelques dissidens et quelques dévotes dans des attroupemens non pas assurément occasionnés par les prêtres de la loi'ni à leur instigation, mais par un amas soudain de femmes ivres ou dignes de l'être, et que la police a aussitôt dissipés... Messieurs, ces êtres la ne tiennent pas plus à un culte qu'à un autre; ceux qui affectent de vouloir mettre des delits malhonnêtes sur le compte des disciples du clergé constitutionnel savent bien que cela n'est pas vraî; ils démen tent leur propileno 2.stop propre conscience pour faire illusion à la vôtreuu Voulez-vous savoir à quels exces plus furieux se portent les devotes non conformistes influencées par leurs prêtres? Interrogez les députés du Calvados; ils viennent de recevoir du secrétaire général du département une lettre qui vous en donnera l'idée. Deux ou trois cents de ces femmes pieuses ont assailli le curé constitutionnel de Saint-Gilles de Caen, l'homme lé plus doux qu'on puisse connaître, l'ont poursuivi et lapidé jusque dans son église; elles avaient descendu le reverbere du chœur, et allaient le pendre en face de l'autel quand la garde nationale est arrivée et a su le ravir au dernier attentat de leur rage. (Une voix: Hé bien, messieurs les endormeurs!..) Concevez, législateurs, ce que peut faire dans une ville sans défense un peuple fanatique quand il se porte à de tels excès

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dans une grande capitale qui a une garde patriotique de douze mille hommes, et une municipalité dont la vigilance et le civisme sont à toute épreuve !

» Qui pourrait supporter encore la bénignité avec laquelle on nous exhorte à payer toujours les prêtres de cette religion de sang et de réprobation, qui s'empressent de tuer les hommes pour les damner plus vite! (On rit et on applaudit.) Mais, dit-on avec une affectation de sensibilité ridicule à contresens, une grande, généreuse et magnifique nation, après avoir juré, contracté l'engagement de payer des pensions et des traitemens à d'anciens possesseurs de bénéfices, en leur permettant de ne rien faire et de ne rien jurer, peut-elle revenir sur cet engagement sacré, peut-elle faire tourner au profit de son trésor ces dépouillemens honteux, peut-elle réduire tant d'infortunés à l'alternative barbare de mourir de faim ou de violer leur conscience?... Quelle éloquence baladine! On nous prend pour des enfans ou pour des imbéciles qui vont pleurer et larmoyer à des récits dramatiques.

» La généreuse nation a-t-elle entendu que ces hommes, soldés par l'Etat, auraient la liberté de ne pas concourir au bien de la patrie et d'inspirer la haine de ces lois? A-t-elle dû, a-t-elle pu concevoir que ces hommes, pour prix de leur solde étaient déliés du serment de fidélité à la Constitution, et ne contractaient aucune obligation envers la société? A-t-elle dénaturé en leur faveur toutes les convenances et tous les devoirs?... A quoi étaient tenus les ci-devant bénéficiers? A trois acquittemens sacrés s'il y en eut jamais, le soulagement des pauvres, les frais du culte et le travail du ministère, pour lequel ils ne devaient avoir sur leur revenu que le nécessaire personnel. L'Assemblée nationale, en reprenant les propriétés destinées à cet usage, s'est chargée des pauvres et des frais du culte; la troisième destination, le nécessaire accordé au travail, elle l'a assuré aux anciens titulaires : mais ce serait une impiété, une immoralité, que d'avoir supprimé pour les hommes valides la condition essentielle d'un travail utile, qui est la première obligation du ministre religieux et du citoyen envers l'église et la patrie, surtout quand ils sont destinés par elles. Quand on veut se montrer philosophe il faut l'être dans

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