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un moment ou égarés par l'esprit de parti, reprendront bientôt leur empire, oui, bientôt la paix renaîtra dans les familles de la lassitude même des disputes religieuses, du goût du du besoin d'aimer, de l'habitude de vivre ensemble: repos, alors, la nature reprenant ses droits, la différence des opinions religieuses ne sera plus dans les familles un sujet de divorce ou de haine, et du sein de ces divisions intestines on verra sortir enfin une habitude de tolérance entre parens qui commencera par assurer la paix domestique, et qui finira par assurer invariablement la paix intérieure de tout l'empire.

On me dira peut-être : quelle sera donc l'espèce de trouble publics qui pourra donner lieu contre les non sermentés à des procédures et à des condamnations?...

» La réponse est bien simple; tous actes de désobéissance à la loi et d'attentats contre l'autorité, tous propos, suggestions, instigations ou voies de fait tendant directement à troubler la tranquillité publique. Quelqu'un des non sermentés se rendra-t-il coupable de quelqu'un de ces troubles portés à l'ordre public, je le livre à toutes les rigueurs de la loi; qu'on le punisse encore si son aversion pour les sermentés lui en fait outrager le culte ou les personnes ; qu'on le châtie avec sévérité si, peu content d'attirer à lui et à ses cérémonies autant de peuple qu'il lui est possible, il l'ameute ensuite et le soulève contre la loi de l'Etat!

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Qu'il persiste tant qu'il voudra dans son horreur pour les mystères célébrés dans nos églises ; qu'il les fuie pour n'être pas complice de la chimérique profanation; qu'il déteste toute communication religieuse, même sociale, avec les sermentés, et que pour fuir un schisme imaginaire il tombe lui-même dans un schisme réel, à la bonne heure; il a toute liberté d'être absurde dans sa croyance, d'être implacable dans sa haine, d'être insociable avec ses rivaux de doctrine: mais qu'il s'interdise toute agression hostile, tout complot factieux, toute entreprise séditieuse, toute part aux insurrections populaires, et que, devenu libre d'exercer son culte, il apprenne les égards qu'il doit à tous les autres, même à celui qui lui répugne le plus; qu'il apprenne à respecter pour les autres les principes de paix, de douceur et de tolérance qu'il avait invoqués pour

lui-même dans les temps de détresse, d'alarme et de persécu tion, ou bien j'appellerai le premier sur sa tête les vengeances de la loi! (Applaudissemens. Í

» Hé bien, me dit-on, vous venez vous-même de prononcer la condamnation de la secté non sermentée, de cette secte essentiellement effrénée dans ses procédés, séditieuse, insurgente, implacable ennemie du culte salarié par l'Etat : qu'on bannisse donc ces pestes publiques de leurs anciennes paroisses; qu'on les entasse bon gré mal gré dans le chef lieu de chaque département, et qu'on les prive même du modique reste de leur ancien traitement....

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» Je vous remercie, messieurs, pour mon compte, de ce que vous voulez bien renforcer ainsi dans le siége de ma métropole le foyer d'aristocratie, de calomnie et de mendicité (applaudissemens); je ne me plaignais pas de son insuffisance.

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Je ne sais si je m'aveugle ici dans ma cause; mais s'il fallait arbitrairement violer les droits de l'homme c'était ce me ́semble l'inversé de cette persécution qu'il fallait proposer; c'était la multitude coalisée des non sermentés de la ville qu'il fallait demander à disperser dans les campagnes, et si clair qu'on le pourrait, au lieu d'en faire dans le royaume quatrevingt-deux foyers de guerre civile, en réunissant ceux de chaque département dans son chef lieu : l'étrange méthode que celle de réunir les forces que l'on craint au lieu de les diviser! Que ces messieurs qui osent ainsi rallier sous les drapeaux de la ville ces ennemis de l'Etat dispersés dans les campagnes veuillent bien consulter un despote; il leur dira: je dépeuple mon empire pour le mieux gouverner; plus les hommes sont près les uns des autres, plus ils sont à craindre... "Laissons, messieurs, laissons ces citoyens choisir le lieu de leur domicile, et surtout gardons-nous d'ajouter en eux les fureurs de la faim à celles du fanatisme."

» Mais ce qui m'étonne le plus, j'aurais pu dire ce qui me révolte le plus dans ce projet de loi pénale, c'est qu'il embrasse dans sa colère toute la secte, et qu'il frappe du même coup tous les individus sans miséricorde, sans discernement et sans formalités : ils subiront donc le même châtiment le factieux et l'apathique, le brulot et le bonhomme, le chef de bande et le

traîneur, le frénétique et pusillanime, le bouillant jeune homme et le paisible vieillard, celui dont le refus de prêter le serment tient à de grands vices et celui dont le refus tient à de grandes vertus!

> On distinguera, dites-vous, ceux qui seront favorablement notés par les municipalités..... Bon, voilà l'inquisition municipale pour, nous consoler d'une loi pénale arbitraire.. (Applaudissemens.)

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De grâce, messieurs; sous le règne de la liberté point de punition sans jugement, et point de jugement sans procédure! » Des procédures, dit-on, il n'en faut pas; de quoi serviraient-elles? Ces suborneurs ferment la bouche à leurs adhérens par l'intérêt du parti, à ceux du parti contraire par la crainte ; des témoins sont chose impossible...

» Dieu soit loué! le mal n'est donc pas aussi grand qu'on le dit ( on rit), un trouble public que ne dépose personne n'est pas un trouble bien alarmant!

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Quoi! messieurs, des législateurs, se transformant en officiers de justice, et d'une justice bottée, dédaigneraient et les témoins qu'exige le droit naturel et les procédures. sagement prescrites par la loi criminelle? Quoi pour le plaisir d'abréger les cérémonies ils condamneraient de plein vol aux ennuis de l'exil et aux horreurs de l'indigence une multitude d'hommes répandus dans l'empire, les uns paisibles, honnêtes, irréprochables, autant que les autres sont séditieux, incendiaires et turbulens? Quoi! des législateurs oseraient confondre dans la même proscription des hommes dignes d'une destinée si différente, et, dédaignant de discerner les nuances diverses du crime, ils oseraient mettre de niveau tous les coupables, et ne rougiraient pas de les soumettre tous également a une peine uniforme!

» Ah! messieurs, rendriez-vous contre eux un jugement plus commun, les condamneriez-vous à un châtiment plus égal quand tous ces hommes, au lieu d'être épars comme ils le sont dans leurs campagnes, auraient été saisis étant rassemblés sous les drapeaux de la contre-révolution, et tournant leurs armes contre la patrie? Quand tel serait, messieurs, leur crime commun, auriez-vous la cruauté de frapper tout à la

fois cette multitude de têtes; vous, clémens législateurs, quand les despotes, les cruels despotes ne feraient que les décimer? Et pourriez-vous ensuite soutenir les regards de l'opinion publique!

» Que reste-t-il donc à faire au législateur contre les non sermentés? Rien en lois rigoureuses; elles sont faites contre ceux d'entre eux qui se rendraient perturbateurs du repos public, elles sont faites contre ceux qui troubleraient l'exercice d'un culte quelconque : c'est maintenant au pouvoir judiciaire à les appliquer séparément à chaque accusé, et à graduer la peine sur la grandeur du délit; la tâche du pouvoir exécutif est de surveiller, de provoquer le judiciaire; la nôtre, messieurs, est consommée en fait de rigueur.

» Aussi je déclare ici d'avance que j'invoquerai la question préalable sur tout projet de loi sur les non sermentés qui renfermerait quelque sévérité.

» Il n'en est pas de même des projets de loi qui tendraient à leur accorder une plus grande latitude de protection et de liberté ; j'y applaudis à l'avance. (Applaudissemens.).

» III QUESTION. Quels sont les remèdes du mal dont on se plaint? En deux mots, messieurs, cherchons le remède dans les contraires du mal qu'il faut guérir.

» Les désordres publics qu'on vous a dénoncés viennent eu partie de l'aigreur des esprits imaginons donc des lois capables de les adoucir.

» Ces désordres viennent de la contrainte où sont restés les non sermentés à l'égard de leur culte imaginons donc des lois qui leur donnent à cet égard la latitude de liberté que la Constitution accorde à tous les cultes.

» Ces désordres viennent de l'inaction des pouvoirs constitués, inaction que favorise le gouvernement par sa feinte nullité il faut donc tout réveiller, tout exciter, tout ranimer, les pouvoirs constitués par le pouvoir exécutif, et l'exécutif par nous-mêmes.

>> Ces désordres viennent encore de l'intolérance du peuple, attaché fortement à son culte; et cette intolérance est le déplorable effet du peu de lumières politiques qui ait encore percé dans nos campagnes : tâchons donc d'accélérer dans le

peuple le progrès des lumières; affermissons-le dans les maximes de tolérance, surtout réligieuse, et donnons ainsi une base solide à la sûreté des non sermentés et à la liberté de tous les cultes.

» Or c'est là, messieurs, le but du projet que je vais bientôt soumettre à votre sagesse.

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Quoi! me dira-t-on, deux cultes séparés pour la même religion; quoi! les mêmes sacremens s'administreront dans deux espèces de temple et par deux classes de prêtres ; pourquoi ce double emploi en cérémonies religieuses?... Pourquoi, messieurs? Parce que ces deux classes de eroyans, avec les mêmes pratiques religieuses et les mêmes formes de prières, ont en matière grave et pour de grands intérêts des opinions toutes contraires; parce que la classe des non sermentés a pour l'autre une grande aversion, qui, si elle se tempère un jour, ne peut céder qu'à la longueur des temps, à la tolérance des hommes et à la douceur de la loi; parce que la même classe, imbue de l'erreur que l'autre classe est tombée dans le schisme, et craignant de s'en rendre complice, se fait une loi rigoureuse d'éviter toute communication avec des schismatiques, de se mêler à ce qu'ils appellent des intrus, de fuir même leurs églises; et sans doute c'est avec scrupule qu'ils vivent dans le même atmosphère et qu'ils respirent le même élément : avec d'aussi étranges disparités comment espérer de ces. hommes exaltés des rapprochemens prochains?

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Cependant par des égaremens de cette espèce ils n'ont pu perdre ni le droit d'être libres ni celui de fuir des monstres imaginaires; pourquoi donc ne jouiraient-ils pas de la faculté d'adorer à côté de nous le même Dieu que nous, pendant qu'au même lieu où on leur refuserait la célébration de nos, saints mystères on permettrait à des païens les mystères d'Isis. et d'Osiris, au mahométan d'invoquer son prophète, au rabin d'offrir ses holocaustes?

» Cette liberté de culte ne fût-elle pas un des droits sacrés du citoyen, nous devrions, messieurs, l'accorder aux non se mentés, dans l'espoir qu'un divorce consenti avec douleur, supporté avec modération, amènerait plutôt la réunion des deux partis, maintenant incompatibles.

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