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tisme, et le font couler jusqu'à épuisement hors de son enceinte.. Qui donc osera dire qu'il faut encore les soudoyer et qu'il ne convient pas à la patrie de se soulager de tant de millions pris dans son trésor et prodigués à ces ingrats? On parle de la générosité de la nation française; mais ce n'est point de la générosité; c'est de la stupidité. Il vaut mieux sans doute enrichir nos caisses pour salarier nos nombreux indigens que de nous réduire à la détresse pour continuer des dons insensés aux plus furieux ennemis de la liberté de la France et de la libération du genre humain. (Applaudissemens.)

» Ils ne sont pas animés tous d'une fureur égale, il est vrai, mais tous abhorrent nos lois et voudraient les avoir renversées, et tous enfin sont au moins inutiles à la patrie: or nous avons assez de serviteurs utiles que nous ne pouvons pas payer aux termes mêmes de la justice et de l'humanité, pour que ce soit non-seulement une inconvenance, mais une immoralité, mais un crime national d'amoindrir nos ressources pour les prostituer à de pareils hommes; payons le travail, et non pas l'inutilité, et encore moins la perfidie. On s'écriera que . nous allons réduire des infirmes, des vieillards à l'indigence en supprimant le traitement de tous les prêtres oisifs et réfractaires... Non, messieurs, non, ce n'est pas nous qui serons des inhumains; l'infirmité, la vieillesse, lors même qu'elles maudissent la patrie, recueilleront ses bienfaits; les municipa lités, les administrations de district et de département enverront les listes de ces réfractaires infirmes ou vieux; le comité des secours présentera les projets d'une sainte allégeance à leur égard, et l'Assemblée nationale décrétera la mesure convenable de la bénéficence publique envers ces faibles ennemis, qui balbutieront s'ils le veulent encore des imprécations contre les lois qui les protégeront avec soin et les nourriront avec amour. (Applaudissemens.)

» Il me reste à prouver, messieurs, que la loi qui supprimera le traitement de tous les prêtres valides et qui ne voudront servir la patrie dans aucune des fonctions qu'elle salarie avec les fonds publics est suffisante: sa justice et sa convanance sont assez démontrées, son efficacité seule pour contenir les réfractaires et faire cesser les troubles qu'ils excitent permet,

des doutes; essayons de vous convaincre de la suffisance de

cette loi.

» D'abord par l'effet de ce décret la moitié au moins de l'armée du fanatisme va disparaître : les chanoines, les moines, les bénéficiers simples, qui, considérés à juste titre comme des ecclésiastiques sans fonctions, n'avaient pas été obligés à prêter le serment, et avaient cependant conservé des traitemens fort bons, penseront à deux fois au sort qui les attend s'ils se constituent définitivement et légalement réfractaires; vous en verrez les trois quarts revenir de bonne grâce à la patrie, jurer à haute voix de lui être fidèles, demander des fonctions constitutionnelles aux départemens et aux évêques, et bien satisfaits de conserver le tiers de leur traitement avec le salaire de leur place de curé ou de vicaire. De là double avantage; deux tiers de traitemens gagnés pour le trésor public, et des fonctionnaires, que la nécessité autant que le devoir rendront très-attentifs à conserver leurs places, trouvés enfin pour une immense quantité de paroisses qui restent au dépourvu ou que les réfractaires encore en exercice soulèvent à plaisir contre les lois.

Il faut en convenir, la plupart des ci-devant fonctionnaire's révoltés contre la Constitution et un quart peut-être des ancien's oisifs du clergé, brûlés d'un fanatisme ardent, resteront cuirassés dans leur prétendue conscience et obstinés dans leur fureur; mais la faim chassera bientôt ces loups dévorans d'une bergerie où ils ne trouveront plus de pâture; les fidèles, désabusés par deux grands moyens de lumière, le bon sens et l'intérêt (on rit), ne voudront pas longtemps payer un culte qu'ils peuvent avoir plus commodément, plus majestueusement et pour rien dans les mêmes temples où ils l'ont toujours exercé; ils reviendront sur les tombeaux de leurs pères, dans leurs églises natives, et aux rits solennels qui firent leur édification dès l'enfance; les habitans senses des campagnes ne voudront plus entendre des prêtres toujours écumant de rage, ni boursiller continuelle– ment pour payer un culte sans pompe et des prédications sans charité : l'évangile de la concorde générale,l'évangile des saintes lois sera annoncé par les ministres constitutionnels, et toutes les âmes sincères en recueilleront avidemment la doctrine, ainsi la sanction du ciel sera donnée aux fraternelles institutions de la

liberté; on goûtera la simplicité des mœurs, l'unité des principes, le charme de l'union et le bonheur de la paix? Dans les premiers momens, je l'avoue, ces restes de prêtres effrénés et affamés, ennemis de la révolution, redoubleront leurs cris, et trouveront quelques dupes qui soudoieront leur religion de haine et seconderont leur fanatisme implacable; mais quelques grands exemples de justice légale contre les instigateurs des troubles frapperont leurs disciples imbéciles d'une utile terreur; ils sentiront soudain qu'il vaut mieux garder leur argent et respecter l'ordre public que s'appauvrir pour des brouillons, et s'exposer en partageant leurs crimes à la vengeance des lois; ceux de ces prêtres moins coupables qui se trouveront alors dénués, mais valides, seront reduits à embrasser une utile profession pour vivre : ils deviendront des commerçans ou des agriculteurs, et seront doucement surpris de se trouver ensuite eux-mêmes des citoyens.

»Ne craignons point que la liste civile vienne à leur secours: ou en a besoin pour d'autres usages; elle ne suffirait pas pour soudoyer dans les diverses contrées de l'empire les prédicateurs de la contre-révolution, qui ne savent garder aucune mesure; d'ailleurs soyons assurés, messieurs, que le roi, la reine, et ce qu'il y a d'hommes éclairés dans le conseil, ne veulent pas plus que nous une contre-révolution, dans laquelle ils n'auraient rien à gagner, et courraient risque de tout perdre...(Applaudissemens.) La Constitution élève le trône assez haut; les méchans et les conspirateurs parlent du roi des Français avec assez d'insolence pour qu'il lie d'une manière intime ses intérêts avec ceux de la Constitution, et sa sécurité avec celle de la patrie; il se dégoûtera bientôt des prêtres fanatiques qui torturent sa conscience, des vils courtisans qui mettent leur noblesse à ramper devant lui, des bas valets qui l'outragent en le traitant toujours comme un despote; il se débarrassera de toute cette vermine de la cou→ ronne (ah, ah, ah !), et mettra sa pure, son immortelle gloire à se montrer le digne chef de la plus grande, de la plus libre des nations. Le fanatisme ne sera donc plus soutenu par l'erreur de la cour ni par l'imbécillité populaire : nous l'aurons mis à nu; ses convulsions hideuses le rendront un objet d'horreur à tout le monde; il s'anéantira dans son impuissance. » ( Applaudissemens.)

» Voici donc, messieurs, le projet de décret que je vous présente.

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Dans son projet de décret l'orateur parut encore plus sévère que dans son discours; non seulement il refusait tout traitement et pension au prêtre non assermenté, mais il condamnait jusqu'à cinq ans de gêne le prêtre convaincu de tentative de troubles des murmures accueillirent ces dispositions. L'impression du discours de M. Fauchet avait été demandée et combattue les opposans prétendaient que l'Assemblée se déshonorerait en paraissant approuver la publication d'une telle pièce, et que c'était assez qu'elle fût propagée par les journalistes. M. Quatremère-Quincy partageait cette opinion; cependant, l'impression ayant été ordonnée, il se réunit ainsi à ceux qui l'avaient votée : « Hé bien, dit M. Quatremère, j'appuie la motion de l'impression, afin qu'il soit notoire que le projet de loi le plus intolérant qui ait été proposé sur cet objet est celui d'un prêtre. Et d'un évêque », ajouta M. Chéron. Un autre évêque va s'attacher à réfuter M. Fauchet.

OPINION de M. Torné, évéque de Bourges. (Séance du 27 octobre 1791.)

«Messieurs, on vous dénonce avec le plus grand éclat des désordres publics et menaçans pour le repos de l'empire; on vous a dit que ces désordres sont causés par les ecclésiastiques du royaume non sermentés,qui sèment de toutes parts des germes de discorde etde guerre intestine; on vous apeintcette plaie comme profonde, et pouvant si on la néglige devenir incurable; les descriptions du mal ont été vives, nême véhémentes ; vous avez entendu des déclamations qui ne vous ont pas éclairés, des diatribes contre les prêtres plus propres à aigrir leur âme qu'à les corriger; on vous a proposé ou des remèdes violens capables de cela seul, de faire empirer les maux de l'Etat, qu'il faut guérir,ou des vues générales de douceur et de tolérance avec des moyens insuffisans; certains, en commençant par déclamer contre la pérsécution, ont fini par proposer avec une éloquence cruelle un projet de décret hérissé d'intolérance et de sévérité, qui condamnait les non sermentés

aux horreurs de la misère et de la faim. Je tâcherai, messieurs, d'être plus conséquent; tolérant dans mon préambule, je le serai plus encore dans la suite de mon discours et dans mon projet de décret. (Applaudissemens.)

» Pour guérir un Etat comme pour guérir un individu trois choses sont nécessaires; rechercher profondément les causes du mal, en discerner exactement la nature, et en choisir sagement les remèdes ; telle sera, messieurs, la marche de mon opinion.

ont

»jer QUESTION. Quelles sont les causes du mal. — Les maladies du corps politique, comme celles des individus, des causes éloignées ou des causes prochaines : le grand art est d'attaquer les premières ; c'est extirper jusqu'à la racine du mal.

» La cause éloignée des convulsions politiques qui ébranlent aujourd'hui l'empire, n'en doutons pas, messieurs, remonte à un certain luxe de sermens; à certaines autres lois dont la révision est ajournée à la sixième législature, moins par l'impé-" rieuse autorité du dernier titre de la Constitution que par sa grande sagesse soyons fidèles à notre serment, et ne nous occupons que des causes prochaines qui nous agitent.

» Il n'est pas difficile d'apercevoir les principales : ce sont le sommeil affecté du pouvoir exécutif, et, ce qui en est une suite nécessaire, la lâche inaction des accusateurs publics, la marche indolente des tribunaux, l'apathie en certains départemens des corps administratifs, en d'autres peut-être des lenteurs qu semblent attendre des événemens, le relâchement en un mot de tous les ressorts du gouvernement intérieur. ( Applaudismens.)

» Maís pourquoi chercher tant de coupables où dans le fond il n'y a qu'un coupable principal? Déjà vous voyez, messieurs, qué je veux parler du pouvoir exécutif. C'est la manie de ce pouvoir, quand il est circonscrit par une sage Constitution, de se plaindre qu'il en est entravé; c'est sa manie de ralentir tõus ses mouvemens et d'affaiblir ses ressorts pour faire croire que c'est le nouveau régime qui l'a paralyse; c'est sa manie enfin d'user peu de l'autorité royale pour la faire juger insuffisante, ét de n'affecter de l'impuissance que pour mendier des forces nouvelles. (Vifs applaudissemens.)

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