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mais lent; l'Assemblée ne pourrait-elle pas dès à présent faire une adresse aux Français, et particulièrement à ces hommes simples et bons qu'on a si méchamment égarés? Elle leur dirait avec le style de la vérité :

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Citoyens utiles et respectables, votre bonheur fut l'objet de » nos sollicitudes; voyez les fruits que vous en avez recueillis; vous ne connaissez plus ni dîmes, ni corvés, ni aides, ni » belles, ni privilégiés; vous avez des assemblées primaires, des municipalités pour défendre vos droits; vous aurez bientôt » des écoles gratuites pour les mieux connaître. Les hommes qui » opprimaient votre volonté et dévoraient votre substance n'ont pu voir ces bienfaits sans douleur; ils se sont bien gardé de » vous parler de leurs pertes; mais ils ont saisi avec adresse un » moyen de vous intéresser à leurs projets de vous armer contre » vous-mêmes. La justice exigeait que les pasteurs salariés par » l'Etat fui prêtassent un sérment de fidélité tout-à-fait étranger » à la religion et aux vérités de la foi ; c'est le serment civique, » le même que vous avez prêté sous vos drapeaux et dans vos » assemblées. Voyez donc dans quel piége on vous a entraînés! » On a trompé vos curés, et l'on vous trompe vous-mêmes? » N'avez-vous pas remarqué que ceux qui affectent le plus de pleurer sur la religion sont ceux qui auparavant se piquaient de n'en point avoir? (Applaudissemens.) Oui, leur religion » n'est pas la vôtre, car vous aimez la paix, le travail et la vertu; » et eux ils regrettent leurs vices commodes, la profusion des

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finances; ils regrettent vos malheurs, la dîme, la corvée, » la gabelle, les priviléges qui vous écrasaient, et qu'ils vou» draient rétablir; leur religion, c'est la contre-révolution : encore une fois leur dieu n'est pas le vôtre; leur dieu est » au-delà du Rhin. (Vifs applaudissemens.)

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M. Lémontey lut un projet de décret conforme aux propositions qu'il avait développées. Son discours paraissait à un membre devoir terminer la discussion et servir d'adresse au peuple; ce sentiment ne fut point goûté.

OPINION M. Fauchet, évéque du Calvados. (Séance du 26 octobre 1791.)

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« Messieurs, une loi définitive qui réprime efficacement la révolte des prêtres réfractaires contre la Constitution, et qui fasse cesser les troubles qu'ils excitent dans toutes les parties de l'empire, est urgente; mais il faut combiner cette loi avec les droits de l'homme et du citoyen, avec la liberté des opinions, avec la liberté de la presse, avec la liberté des cultes, avec toutes les libertés il faut donc ici une grande mesure de tolérance, de justice, de sagesse et de force. Point de persécution, messieurs; le fanatisme en est avide, la philosophie l'abhorre, la vraie religion la réprouve, et ce n'est pas dans l'Assemblée nationale deFrance qu'on l'érigera en loi: gardons-nous d'emprisonner les réfractaires, de les exiler, même de les déplacer; qu'ils pensent, disent, écrivent tout ce qu'ils voudront: nous opposerons nos pensées à leurs pensées, nos vérités à leurs erreurs, nos vertus à leurs calomnies, notre charité à leur haine. (Applaudissemens.) Ainsi, et seulement ainsi, nous assurerons dans l'esprit public notre triomphe et leur défaite. En attendant cet infaillible succès, qui ne peut être que l'ouvrage du temps et l'effet de la progression des lumières, il faudrait trouver un moyen efficace et prompt pour les empêcher de souleyer les faibles esprits contre les lois, de souffler la guerre civile, d'entretenir le désir et l'espoir d'une contre-révolution : ce n'est pas là une religion, messieurs; c'est la plus grande des impiétés; elle est intolérable, puisqu'elle tend à la dissolution de l'ordre social, et qu'elle ferait du genre humain un troupeau de bêtes féroces. Le fanatisme est le plus grand fléau de l'univers; il faut l'anéantir; la liberté n'est pas compatible avec cet asservissement brutal qui sanctifie la haine et déifie les tyrans. Voyez à quelles horreurs se portent au nom de Dien ces détestables arbitres des consciences abusées, et comme ils réussissent à leur inoculer la rage contre leurs frères comme la plus sainte des vertus! Ils voudraient nager dans le sang des patriotes : c'est leur douce et familière expression. ( Applaudissemens.) En comparaison de ces prêtres les athées sont des anges. ( Bravo!) Cependant, messieurs, je le répète, tolé→

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rons-les; mais du moins ne les payons pas pour déchirer la patrie: c'est à cette unique mesure que je réduis la loi répri¬ mante que nous devons porter contre eux. Je soutiens que la suppression de toute pension sur le trésor national pour les prêtres non assermentés est juste, convenable et suffisante; je mets la justice avant les convenances et les avantages, car une Joi qui serait opportune et utile, si elle n'était juste, devrait être réprouvée : nous n'irions pas brûler la flotte des alliés sur l'avis de Thémistocle; nous nous rangerions à l'opinion d'Aristide prouvons donc d'abord l'équité de cette loi.

'» 'Il n'est rien dû par l'Etat aux prêtres non assermentés. A quel titre possédaient-ils des revenus de bénéfices? A titre d'office; c'est leur propre loi canonique, et cela est incontestable en príncipe : qui ne fait rien dans l'église n'a droit à rien dans l'église; qui ne sert pas la nation ne doit pas être payé par la nation. (C'est juste? Applaudissemens.) Comment se pourrait-il donc que celui qui invoque la destruction des lois et prépare la ruine de la patrie eût des titres à ses largesses? Ils avaient des offices qu'on leur a ôtés..... Faux; ce sont eux qui les ont quittés librement par haine des lois. Ils ont suivi leur conscience..... Leur conscience, qui les pousse aux dernières mesures du crime contre la liberté publique ! Faut-il une solde pour une pareille conscience? (Applaudissemens.) Cetté conscience infernale la patrie la supporte; c'est le dernier excès de la tolérance: la payer encore c'est une inique absurdité. La loi constitutionnelle met au rang des dettes de la nation leur traitement convenu..... Si cela était, messieurs, il ne serait pas possible de le supprimer, si ce n'est pour chacun des coupables en particulier, et par voie de confiscation prononcée dans les tribunaux selon les formes judiciaires établies: heureusement cela n'est point, il n'est pas question d'eux dans l'article constitutionnel qu'on invoque en leur faveur; le voici cet article :

>>> Le traitement des ministres du culte catholique pensionnés, » conservés, élus ou nommés en vertu des décrets de l'Assemblée >> nationale constituante fait partie de la dette nationale.

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» Or il est manifeste que la loi ne peut pas les considérer comme ministres du culte catholique, dont elle a mis les sa

laires au nombre des premières dettes de la nation; elle ne reconnaît paş deux cultes catholiques; cela est même contradictoire dans les termes; le culte dont elle reconnaît et salarie les ministres est celui qui est exercé par les fonctionnaires publics avoués et constitués par elle; les prêtres réfractaires ne sont donc pas considérés par la loi comme ministres du culte catholique, qu'elle veut et doit payer. Si ces ennemis de la constitution civile du clergé veulent exercer un culte opposé à celui des prêtres constitutionnels c'est leur affaire personnelle et celle des disciples abusés qu'ils pourront séduire ; la loi ne s'en mêle pas, si ce n'est pour en protéger la liberté, et mettre ceux qui auront la fantaisie de le suivre à l'abri de toute insulte. La nation permet tous les cultes mais elle n'en paie qu'un; celui-là seul dont elle avoue et constitue les ministres comme des fonctionnaires est à sa solde; elle ne reconnaît donc pas dans sa Constitution d'autres ministres du culte catholique à sa charge: il n'est point de sophisme qui puisse obscurcir cette évidence.

» On objectera cependant encore que si leur traitement n'est pas assuré par l'acte constitutionnel il l'est du moins par les lois réglementaires, qui leur ont alloué des pensions, et qui n'ont pas exigé la prestation du serment pour qu'elles leur soient payées... Mais vous savez, messieurs, que l'Assemblée constituante elle-même a élevé plusieurs fois la question de revenir sur ces lois réglementaires, et d'abolir une charge publique qui pèse sur la nation sans profit pour elle, sans droit de justice pour ceux qui en jouissent, et contre toute convenance à l'égard de ceux qui en abusent; elle a eu un soin très attentif de ne rien mettre dans l'acte constitutionnel qui pût fier les législateurs prêts à lui succéder, et par cette attention remarquable elle leur a indiqué une suppression que les circonstances pouvaient rendre bientôt nécessaire et urgente.

» Les momens sont arrivés ; et après avoir démontré la justice decette mesure je vais en développer maintenant les convenances. » Il convient beaucoup à la nation de se délivrer d'une surcharge de trente millions de rente qu'elle paie déraisonnablement à ses plus implacables ennemis (applaudissemens); il est même impossible d'imaginer une convenance plus sensible:pour

quoi des phalanges d'anciens fonctionnaires qui ont abjuré lapatrie; des légions de moines et de chanoines qui n'ont jamais rien fait d'utile au monde, et qui travaillent aujourd'hui dans les ténèbres à renverser l'édifice des lois; des cohortes d'abbés, prieurs et bénéficiers de toute espèce qui n'étaient auparavant remarquables que par leur afféterie, leur inutilité, leur intrigue, leur licence, et qui le sont maintenant par un fanatisme affecté, par une fureur active, par des complots affreux, par une haine implacable contre la liberté d'autrui; pourquoi toute cette armée d'adversaires furibonds du bien public et de contempteurs insolens de la majesté nationale serait-elle stipendiée sur les fonds nationaux? Il y aurait plus que de l'inconvenance; ce serait de la déraison. Ajoutez à cette considération celle des conjectures cruelles où, par l'effet de leurs suggestions perfides, se trouve placée la patrie! Ils ont encouragé les émigrations, le transport du numéraire et tous les projets hostiles conçus et préparés contre elle:Allez, ont-ils dit aux ci-devant nobles, allez, épuisez l'or et l'argent de la France; coinbinez au dehors les attaques pendant qu'au dedans nous vous disposerons d'innombrables complices: le royaume sera dévasté, tout nagera dans le sang; mais nous recouvrerons nos priléges!...,

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» Abimons tout plutôt ! C'est l'esprit de l'église.

Dieu bon, quelle église! Ce n'est pas la vôtre, et si l'enfer peut en avoir un parmi les hommes c'est de cet esprit qu'elle doit être animée; et ils osent parler de l'évangile, de ce code divin des droits de l'homme qui ne prêche que l'égalité, la fraternité qui dit : « Tout ce qui n'est pas contre nous est avec »> nous; annonçons la nouvelle de la délivrance à toutes les na»tions de la terre malheur aux richesses et aux oppres»seurs! N'invoquons point les fléaux contre les cités qui nous dédaignent; appelons-les au bonheur de la liberté par le doux éclat de la lumière. » (Applaudissemens.)

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» Les prêtres ennemis des lois ont tenule langage opposé,et ce qu'ils ont dit d'horrible contre leurs concitoyens ils l'ont fait: ils appellent tous les malheurs contre la France; ils l'investissent de malédictions; ils lui suscitent des ennemis jusqu'aux extré→ mités de l'Europe; ils fondent son numéraire au feu du fana

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