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ménager l'opinion du peuple, dont il faut guérir les pré»jugés avec le remède de la lenteur et de la prudence; car, »'ajoute-t-il, il faut prévenir toute guerre à l'occasion de la

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religion, dont les plaies saignent encore... Il est à craindre » que les mesures rigoureuses nécessaires dans les circonstances >> contre les perturbateurs du repos public ne paraissent plutôt >> une persécution qu'un châtiment infligé par la loi... Quelle prudence ne faut-il pas employer! La douceur, l'instruc» tion sont les armes de la vérité. »

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» Tel est, messieurs, le résultat général des détails que nous avons recueillis et des observations que nous avons faites dans le cours de la mission qui nous a été confiée. La plus douce récompense de nos travaux serait de vous avoir facilité les moyens d'établir sur des bases solides la tranquillité de ces départemens, et d'avoir répondu par l'activité de notre zèle à la confiance dont nous avons été honorés. »

Ce rapport avait souvent été interrompu par de grands applaudissemens ; il mérita aux commissaires un témoignage flatteur de l'Assemblée, qui par acclamation rendit en leur faveur un décret de remercîment; elle ordonna en outre que mention honorable serait faite au procès verbal du rèspectable pasteur dont on venait d'entendre les paroles de paix. Des deux commissairés l'un était député, M. Gensonné; il prononça le rapport en avouant que M. Gallois' en était l'auteur; aveu modeste qui ne lui ôtait rien de sa part d'éloges : ce qui appartenait à tous deux, ce que surtouti l'Assemblée avait applaudi et reconnu, c'était la sagesse de leur conduite.

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3 DES PRÈTRES NON ASSERMENTÉS.

Le rapport de MM. Gallois et Gensonné provoquait une prompte délibération sur les troubles religieux, que nous avons vus naître avec la constitution civile du clergé(1): mais en même temps d'autres malheurs réclamaient d'autres mé

(1) Voyez, tome III, le discours de l'abbé Grégoire, l'adresse de Mirabeau, l'instruction de l'Assemblée constituante, etc., sur la constitution civile du clergé.

sures; l'émigration ne cessait d'arracher, à la patrie et ses richesses et ses enfans; d'indignes Français, encore revêtus de grades militaires, abusaient de leur influence sur le soldat pour ravir à l'Etat des citoyens et des défenseurs; des plaintes des dénonciations, des récits alarmans arrivaient chaque jour de toutes les parties du royaume, et imposaient à l'Assemblée le devoir de s'occuper à la fois et de réprimer l'audace des prêtres rebelles, et d'arrêter les maneuvres des émigrans, et de punir la déloyauté des officiers de l'armée. En effet, l'assemblée nationale partagea dès lors ses séances entre les discussions que devait entrainer l'examen particulier de ces différentes causes de la tourmente publique. Nous commen-cerons par la discussion qui se rattache le plus aux troubles de la Vendée; c'est celle relative aux prêtres non assermentés; elle s'ouvrit le 21 octobre.

Déjà plusieurs orateurs avaient été entendus; ceux-ci voulaient sévir sans délai, ceux-là menacer et attendre, d'autres envoyer au pouvoir exécutif.

OPINION de M. Lémontey sur les prêtres non assermen!és. (Séance du 24 octobre 1791.).

« Il est donc vrai, messieurs, que la fin du dix-huitième siècle devait voir les prodiges de la philosophie mêlés aux atroces folies du fanatisme, et la plus sublime révolution se débattre contre de honteuses erreurs ! Il est donc vrai que la partie humiliante de ce contraste devait être l'ouvrage de ces pasteurs qui fatiguèrent si longtemps l'ancien régime de leurs plaintes légitimes contre la tyrannic épiscopale, de ces pasteurs que la plume des philosophes vengea si bien d'un injuste avilissement! Quel est donc cet esprit jaloux qui ne veut jamais laisser aux hommes que la moitié de leur bonheur? Quand le peuple gémissait dans l'oppression des mains libérales lui ouvraient le ciel; mais depuis qu'un nouvel ordre de choses Ini promet quelques douceurs sur la terre on effraie sa conscience, on le menace des vengeances divines! Ah! la religion, toute sainte, toute bienfaisante, ne fait pas ces avares calculs !

» Je conçois facilement que des esprits sages et paisibles répugnent à s'occuper de ces misérables querelles, et en livrent

la guérison au temps et au mépris; mais les circonstances nous permettent-elles cette indifférence, quelquefois si utile?

» Vous ne pouvez vous le dissimuler; le mal a fait de grands progrès; il n'est aucun de nous qui ne puisse citer quelques faits particuliers, quelques troubles excités dans son département; les familles divisées, l'état civil des citoyens mis en oubli, des paroisses réunies et armées pour repousser les prêtres assermentés, une lutte très active entre l'intolérance et l'opiniâtreté, enfin un grand complot de résistance à la loi, conduit avec autant d'art que d'activité.

» Les lois faites jusqu'à ce jour sont-elles suffisantes pour le déconcerter? Je ne le pense pas ; les tribunaux sont trop éloignés, leurs formes trop lentes, leurs preuves trop difficiles, et, faut-il le dire, leur force trop impuissante quand le soulèvement est parvenu à un certain degré de chaleur ou d'étendue.

» Des mesures générales et sévères sont-elles préférables ? Faut-il déporter tous les agens présumés des troubles! Faut-il déraciner avec violence toutes les plantes suspectes? A Dien ne plaise que jamais la liberté devienne intolérante et le patriotisme persécuteur! J'ai bien des raisons de croire que les ennemis de la Constitution verraient avec joie cette proscription, ces pasteurs, ces vieillards arrachés aux larmes feintes ou véritables de leurs paroissiens; ils savent l'effet qu'un tel spectacle produirait sur l'âme combustible de la multitude; ils savent que quand le fanatisme à couvent les têtes de son crêpe ardent tous les objets se dénaturent à leurs yeux; le crime est une vertu, la révolte un devoir, et la hache du supplice une palme qui descend des cieux. ( Applaudissemens.)

Mais faudra-t-il donc céder lâchement, et par un retour impolitique compromettre la dignité des lois? Non sans doute; le danger serait égal. Sinous n'avions à ramener que des hommes de bonne foi je vous conseillerais peut-être de fermer les yeux et d'attendre; mais vous n'ignorez pas que la conduite des anciens curés est le résultat d'un système général; que quelques uns sont véritablement trompés ; qu'un très grand nombre est égaré par l'esprit de parti, mais que tous sont les instrųmens d'une entreprise criminelle. J'ai entre les mains un plan de leur conduite surpris à un de leurs séducteurs, bien plus

VIII.

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considérable que celui que les commissaires ont trouvé dans le département de la Vendée, et qui est terminé par ces mots : collationné sur l'original envoyé de Paris le 22 mai 1791; ce qui vous prouve que l'effroyable régie des troubles religieux a placé ses bureaux à côté de nous.

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Quel guide nous conduira donc entre tous ces écueils? Voyons si la Constitution elle-même ne nous fournirait pas quelque calmant salutaire.

» Elle contient trois dispositions relatives aux cultes religieux. » 1o. Liberté à tout homme d'exercer le culte religieux auquel il est attaché ;

» 2o. Les citoyens ont le droit d'élire ou choisir les ministres de leur culte ;

» 3°. Le traitement des ministres du culte catholique pensionnés, conservés, élus ou nommés en vertu des décrets de l'Assemblée constituante, fait partie de la dette nationale.

» La première disposition est la sauvegarde de notre tranquillité; il faut maintenir à tout prix la liberté des cultes religieux; la moindre intolérance nous jetterait dans des malheurs incalculables.

» La seconde disposition, et surtout ces expressions, les citoyens ont le droit d'élire ou choisir, vous démontrent qu'ils ne sont point soumis à se donner des prêtres de telle ou telle manière, et que par réciprocité l'Etat ne peut les forcer à en accepter malgré eux, et ne doit leur en donner que lorsqu'ils lui en demandent : c'est pourquoi la Constitution s'est bien gardée de diviser le royaume en diocèses et en paroisses.

» Enfin vous reconnaîtrez par la troisième disposition que les ministres du culte catholique ne tiennent à la Constitution que par le traitement, et qu'ils n'en sont point fonctionnaires; qu'ils n'ont droit à ce traitement qu'autant qu'ils sont conservés ou nommés en vertu des décrets, parce que l'Etat ne doit pas nourrir de sa substance ceux qui refusent d'obéir à ses lois. (Applaudissemens.)

Essayons maintenant de trouver dans les conséquences de ces principes un remède applicable aux circonstances.

» Un des principaux désordres occasionnés par la tempête sacerdotale c'est le recélé des naissances, des morts et des ma-,

riages; outre que cette confusion est déjà un grand mal en soi, c'est que, touchant à nos plus précieux intérêts, elle verse dans les esprits une sombre terreur et ébranle les imaginations les plus apathiques: le remède sera facile et prompt ; nous le trouverons dans une loi qui, réglant les formes propres à constater l'état civil des citoyens, les rendra indépendans de tous les cultes et toutes les croyances.

» Mais des paroisses, mais des cantons entiers veulent conserver leurs pasteurs... Hé bien, qu'ils les gardent; la Constitution les y autorise; on attendra leur demande pour leur en donner qui soient assermentés : mais jusque là les paroisses doivent payer les pasteurs qu'elles tiendront de leur caprice et non pas de la loi. (Applaudissemens.) Ou je m'abuse, ou ce régime ne leur conviendra pas longtemps, et elles feront bientôt ou jurer ou partir des curés qu'il faudra payer le fanatisme est une fièvre violente qui ne peut durer, à moins qu'on ait l'imprudence d'y appliquer des irritans ; au lieu que l'intérêt est un mobile de tous les instans, un agent subtil qui pénètre toutes les déterminations humaines, une lime sourde qui use sans relâche les grandes passions. (Applaudissemens.)

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Cependant vous ne pouvez ignorer qu'en général les prêtres qui ont refusé le serment professent une doctrine chagrine et turbulente, et traitent d'usurpateur le clergé de la loi ; or il faut prévoir les excès auxquels ces vertiges pourraient conduire ou les prêtres ou leurs créatures: il faut un tribunal qui punisse sûrement, promptement, non pas avec sévérité, mais avec utilité, par l'éloignement à temps, par la privation partielle ou totale de la pension : la police correctionnelle m'a paru propre à cet emploi avec les précautions que j'indiquerai.

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Enfin qui de nous n'a compris que ce désordre a deux causes générales qu'il faut attaquer dans leur source ? L'une est l'espoir si chimérique et si criminel d'une contre-révolution, qui soutient les chefs, qui intimide les faibles, qui excite les artisans de nos troubles : l'activité des pouvoirs intérieurs et une dignité prudente dans nos rapports extérieurs tempéreront cette maladie volontaire. La seconde cause est l'ignorance du peuple: mais ces querelles de religion, où l'on se débat sans jamais s'entendre, sont des orages de nuit qu'il vaut mieux dissiper par la lumière que par la foudre; l'instruction est un moyen sûr,

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