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déclare que les officiers municipaux qui l'installeront seront apostats comme lui, et qu'à l'instant même les sacristains, chantres et sonneurs de cloche doivent abdiquer leurs emplois.

» Telle est, messieurs, la doctrine absurde et séditieuse que renferment ces manuscrits, et dont la voix publique accusé les missionnaires de Saint-Laurent de s'être rendus les plus ardens propagateurs.

» Ils furent dénoncés dans le temps au comité des recherches de l'Assemblée nationale, et le silence qu'on a gardé à leur égard n'a fait qu'ajouter à l'activité de leurs efforts et augmenter leur funeste influence.

» Nous avons cru indispensable de mettre sous vos yeux l'analise abrégée des principes contenus dans ces écrits, telle qu'elle est exposée dans un arrêté du département de Maine et Loire du 5 juin 1791 (1), parce qu'il suffit de les comparer avec la lettre círculaire du grand vicaire du ci-devant évêque de Luçon pour se convaincre qu'ils tiennent à un système d'opposition générale contre les décrets sur l'organisation civile du clergé, et l'état actuel de la majorité des paroisses de ce département ne présente que le développement de ce système et les principes de cette doctrine mis presque partout en action.

» Le remplacement trop tardif des curés a beaucoup contribué au succès de cette coalition : ce retard a été nécessité d'abord par le refus de M. Servant, qui, après avoir été nommé à l'évêché du département et avoir accepté cette place, a déclaré le 10 avril qu'il retirait son acceptation; M. Rodrigue, évêque actuel du département, que sa modération et sa fermeté soutiennent presque seules sur un siége environné ďorages et d'inquiétudes, M. Rodrigue n'a pu être nommé que dans les premiers jours du mois de mai. A cette époque les actes de résistance avaient été calculés et déterminés sur un płan uniforme; l'opposition était ouverte et en pleine activité § les grands vicaires et les curés s'étaient rapprochés et se tenaient fortement unis par le même lien ; les jalousies, les rivalités,

(1)« Extrait du registre des arrêtés du directoine du département de Mainc-et-Loire, séant à Angers; in-4o de dix pages. A Angers, chez. Mame, imprimeur du département.

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les querelles de l'ancienne hiérarchie ecclésiastique avaient eu le temps de disparaître, et tous les intérêts étaient venus se réunir dans un intérêt commun.

» Le remplacement n'a pu s'effectuer qu'en partie; la très grande, majorité des anciens fonctionnaires publics ecclésiastiques existe encore dans les paroisses, revêtue de ses anciennes fonctions; les dernières nominations n'ont eu presque aucun succès, et les sujets nouvellement élus, effrayés par la perspective des contradictions et des désagrémens sans nombre que leur nomination leur prépare, n'y répondent que par des refus.

» Cette division des prêtres en assermentés et non assermentés a établi une véritable scission dans le peuple de leurs paroisses; les familles y sont divisées; on a vu et l'on voit chaque jour des femmes se séparer de leurs maris, des enfans abandonner leurs pères; l'état des citoyens n'est le plus souvent constaté que sur des feuilles volantes, et le particulier qui les reçoit n'étant revêtu d'aucun caractère public, ne peut donner à ce genre de preuve une authenticité légale.,

» Les municipalités se sont désorganisées, et un grand nombre d'entre elles pour ne pas concourir au déplacement des curés non assermentés.

» Une grande partie des citoyens a renoncé au service de la garde nationale, et celle qui reste ne pourrait être employée sans danger dans tous les mouvemens qui auraient pour principe ou pour objet des actes concernant la religion, parce que le peuple verrait alors dans les gardes nationales non les instrumens impassibles de la loi, mais les agens d'un parti contraire au sien.

»Dans plusieurs parties du département un administrateur, un juge, un membre du corps électoral sont vus avec aversion par le peuple, parce qu'ils concourent à l'exécution de la loi relative aux fonctionnaires ecclésiastiques,

» Cette disposition des esprits est d'autant plus déplorable que les moyens d'instruction deviennent chaque jour plus difficiles; le peuple, qui confond les lois générales de l'Etat avec les réglemens particuliers pour l'organisation civile du clergé, en fuit la lecture et en rend la publication inutile. » Les mécontens, les hommes qui n'aiment pas

le nouveau

régime, et ceux qui dans le nouveau régime n'aiment pas les lois relatives au clergé, entretiennent avec soin cette aversion du peuple, fortifient par tous les moyens qui sont en leur pouvoir le crédit des prêtres non assermentés, et affaiblissent le crédit des autres ; l'indigent n'obtient de secours, l'artisan ne peut espérer l'emploi de ses talens et de son industrie qu'autant qu'il s'engage à ne pas aller à la messe du prêtre assermenté, et c'est par ce concours de confiance dans les anciens prêtres d'une part et de menaces et de séduction de l'autre qu'en ce moment les églises desservies par les prêtes assermentés sont désertes, et que l'on court en foule dans celles ou par défaut de sujets les remplacemens n'ont pu encore s'effectuer.

Rien n'est plus commun que de voir dans des paroisses de cinq à six cents personnes dix ou douze seulement aller à la messe du prêtre assermenté; la proposition est la même dans tous les lieux du département; les jours de dimanche et de fête on voit des villages et des bourgs tout entiers dont les habitans désertent leurs foyers pour aller à une et quelquefois deux lieues entendre la messe d'un prêtre non assermenté. Ces déplacemens habituels nous ont paru la cause la plus puissante de la fermentation, tantôt sourde, tantôt ouverte, qui existe dans la presque totalité des paroisses desservies par les prêtres assermentés: on conçoit aisément qu'une multitude d'individus qui se croient obligés par leur conscience d'aller au loin chercher les secours spirituels qui leur conviennent doivent voir avec aversion, lorsqu'ils rentrent chez eux excédés de fatigue, les cinq ou six personnes qui trouvent à leur portée le prêtre de leur choix; ils considèrent avec envie et traitent avec dureté, souvent même avec violence, des hommes qui paraissent avoir un privilége exclusif en matière de religion; la comparaison qu'ils font entre la facilité qu'ils avaient autrefois de trouver à côté d'eux des prêtres qui avaient leur confiance, et l'embaras, la fatigue et la perte de temps qu'occasionnent ces courses répétées diminuent beaucoup leur attachement pour la Constitution, à qui ils attribuent tous ces désagrémens de leur situation nouvelle.

» C'est à cette cause générale, plus active peut-être en ce moment que la provocation secrète des prêtres n on assermentés, que nous croyons devoir attribuer surtout l'étatde discordeinté

rieure ou nous avons trouvé la plus grande partie des paroisses du département desservies par les prêtres assermentés.

Plusieurs d'entre elles nous ont présente, ainsi qu'aux corps administratifs, des pétitions tendant à être autorisées à louer des édifices particuliers pour l'usage de leur culte religieux; mais comme ces pétitions, que nous savions être provoquées avec le plus d'activité par les personnes qui ne les signaient pas, nous paraissaient tenir á un système plus général et plus secret, nous n'avons pas cru devoir statuer sur More une séparation religieuse que nous croyions à cette époque, et vu la situation de ce département, renfermer tous les caractères d'une scission civile entre les citoyens; nous avons pensé et dit publiquement que c'était à vous, messieurs, à déterminer d'une manière precise comment et par quel concours d'influences morales, de lois et de moyens d'exécution, l'exercice de la liberté d'opinions religieuses doit sur cet objet et dans les circonstances actuelles s'allier au maintien de la tranquillité publique.

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On sera surpris sans doute que les prêtres non assermentés qui demeurent dans leurs anciennes paroisses ne profitent pas de la liberté que leur donne là loi d'aller dire la messe dans l'église desservie par le nouveau curé, et ne s'empressent pas en usant de cette faculté d'épargner à leurs anciens paroissiens, à des hommes qui leur sont restés attachés, la perte de temps et les embarras de ces courses nombreuses et forcées pour expliquer cette conduite en apparence si extraordinaire il importe de se rappeler qu'une des choses qui ont été le plus fortement recommandées aux prêtres non assermentés par les hommes habiles qui ont dirigé cette grande en réprise de religion est de s'abstenir de toute communication avec les prêtres qu'ils appellent intrus et usurpateurs, de peur que le peuple, qui n'est frappé que des signes sensibles, ne s'habituât enfin à ne voir aucune différence entre des prêtres qui feraient dans la même église l'exercice du même culte.

Malheureusement cette division religieuse a produit une séparation politique entre les citoyens, et cette séparation se fortifie encore par la dénomination attribuée à chacun des deux partis : le très petit nombre de personnes qui vont dans l'église des prêtres assermentés s'appellent et sont appelées patriotes;

celles qui vont dans l'église des prêtres non assermentés sout appelées et s'appellent aristocrates: ainsi pour ces pauvres habitans des campagnes l'amour où la haine de la patrie consiste aujourd'hui non point à obéir aux lois, à respecter les autorités légitimes, mais à aller ou ne pas aller à la messe du prêtre assermenté; la séduction, l'ignorance et le préjugé ont jeté à cet égard de si profondes racines que nous avons eu beaucoup de peine à leur faire entendre que la Constitution politique de l'État n'était point la Constitution civile du clergé; que la loi ne tyrannisait point les consciences; que chacun était le maître d'aller à la messe qui lui convenait davantage, et vers le prêtre qui avait le plus sa confiance; qu'ils étaient tous égaux aux yeux de la loi, et qu'elle ne leur imposait à cet égard d'autre obligation que de vivre en paix et de supporter mutuellement la différence de leurs opinions religieuses. Nous n'avons rien négligé pour effacer de l'esprit et faire disparaître des discours du peuple des campagnes cette absurde dénomination, et nous nous e. sommes occupés avec d'autant plus d'activité qu'il nous était aisé de calculer à cette époque toutes les conséquences d'une telle démarcation dans un département où ces prétendus aristocrates forment plus des deux tiers de la population.

Tel est, messieurs, le résultat des faits qui sont parvenus à notre connaissance dans le département de la Vendée, et des réflexions auxquelles cès faits ont donné lieu.

» Nous avons pris sur cet objet toutes les mesures qui étaient en notre pouvoir soit pour maintenir la tranquillité générale, soit pour prévenir ou pour réprimer les attentats contre l'ordre public; organes de la loi nous avons fait partout entendre son langage; en même temps que nous établissions des moyens d'ordre et de sûreté nous nous occupions à expliquer ou éclaircir devant les corps administratifs, les tribunaux ou les particulièrs, les difficultés qui naissaient soit de l'intelligence des décrets, soit de leur mode d'exécution; nous avons invité les corps administratifs et les tribunaux à redoubler de vigilance et de zèle dans l'exécution des lois qui protégent la sûreté des personnes et la propriété des biens, à user en un mot, avec la fermeté qui est un de leurs premiers devoirs, de l'autorité que la loi leur a conféréc; nous avons distribué une partie de la force publique qui était à notre réquisition dans les lieux

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