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des sentimens qu'ils inspirent : d'autres sont accusés de cou→ vrir du voile de la religion des intérêts plus chers à leurs cœurs; ceux-ci ont une activité politique qui s'accroît ou se modère selon les circonstances.

» Une coalition puissante s'est formée entre l'ancien évêque de Luçon et une partie de l'ancien clergé de son diocèse; on a arrêté un plan d'opposition à l'exécution des décrets qui devait se réaliser dans toutes les paroisses; des mandemens, des écrits incendiaires envoyés de Paris ont été adressés à tous les curés pour les fortifier dans leur résolution ou les engager dans une confédération qu'on supposait générale : une lettre circulaire de M. Beauregard, grand vicaire de M. de Merci, ci-devant évêque de Luçon, déposée au greffe du tribunal de Fontenai, et que cet ecclésiastique a reconnue lors de son interrogatoire, fixera votre opinion, messieurs, d'une manière exacte et sur le secret de cette coalition et sur la marche très habilement combinée de ceux qui l'ont formée.

» La voici :

» Lettre datée de Luçon, du 30 mai 1791, sous enveloppe, à l'adresse du curé de la Réorthe.

» Un décret de l'Assemblée nationale, monsieur, en date du 7 mai (1), accorde aux ecclésiastiques qu'elle a prétendu destituer pour refus du serment l'usage des églises paroissiales pour y dire la messe seulement; le même décret autorise les catholiques romains ainsi que tous les non conformistes à s'assembler pour l'exercice de leur culte religieux dans le lieu qu'ils auront choisi à cet effet, à la charge que dans les instructions publiques il ne sera rien dit contre la constitution civile du clergé.

» La liberté accordée aux pasteurs légitimes par le premier article de ce décret doit être regardée comme un piége d'autant plus dangereux que les fidèles ne trouveraient dans les églises dont les intrus se sont emparé d'autres instructions que celles de leurs faux pasteurs; qu'ils ne pourraient y recevoir les sacremens que de leurs mains, et qu'ainsi ils auraient avec ces pasteurs schismatiques une communication que les lois de l'église interdisent. Pour éviter un aussi grand mal, messieurs, les curés sentiront la nécessité de s'assurer au plutôt d'un' lieu où ils puissent, en vertu du second article de ce décret, exercer

(1) Voyez plus loin, à la note de la page 90, dans l'opinion de M. Torné, le décret de l'Assemblée constituante du 7 mai 1791.

leurs fonctions et réunir leurs fidèles paroissiens dès que leur prétendu successeur se sera emparé de leur église sans cette précaution les catholiques, dans la crainte d'être privés de la messe et des offices divins, appelés par la voix des faux pasteurs, seraient bientôt engagés à communiquer avec eux, et exposés aux risques d'une séduction presque inévitable.

» Dans les paroisses où il y a peu de propriétaires aisés il sera sans doute difficile de trouver un local convenable, de se procurer des vases sacrés et des ornemens; alors une simple grange, un autel portatif, une chasuble d'indienne ou de quelque autre étoffe commune, des vases d'étain suffiront dans ce cas de nécessité pour célébrer les saints mystères et l'office divin.

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» Cette simplicité, cette pauvreté, en nous rappelant les premiers siècles de l'église et le berceau de notre sainte religion, peut être un puissant moyen pour exciter le zèle des ministres et la ferycur des fidèles: les premiers chrétiens n'avaient d'autres temples que leurs maisons ; c'est là que se réunissaient les pasteurs et le troupeau pour y célébrer les saints mystères, entendre la parole de Dieu, et chanter les louanges du Seigneur ; dans les persécutions dont l'église fut affligée, forcés d'abandonner leurs basiliques, on en vit se retirer dans les cavernes et jusque dans les tombeaux, et ces temps d'épreuves furent pour les vrais fidèles l'époque de la plus grande ferveur. Il est bien peu de paroisses où messieurs les curés ne puissent se procurer un local et des ornemens tels que je viens de les dépeindre, et en attendant qu'ils se soient pourvus des choses nécessaires ceux de leurs voisins qui ne seront pas déplacés pourront les aider de ce qui sera dans leur église à leur disposition. Nous pourrons incessamment fournir des pierres sacrées à ceux qui en auront besoin, ef dès à présent nous pouvons faire consacrer les calices ou les vases qui en tiendront lieu.

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» M. l'évêque de Lucon, dans des avis particuliers qu'il nous a transpour servir de supplément à l'instruction de M. l'évêque de Langres, et qui seront également communiqués dans les différens diocèses, propose à messieurs les curés ;

11.

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» 1o. De tenir un double registre où seront inscrits les actes de baptême, mariage et sépulture des catholiques de leurs paroisses: un de ces registres restera entre leurs mains; l'autre sera par cux déposé tous les ans entre les mains d'une personne, de confianceense gun barr » 2o. Indépendamment de ce registre messieurs les curés en tiendront un autre, aussi ussi double, où seront inscrits les actes des dispenses concernant les mariages qu'ils auront accordées en vertu des pouvoirs qui leur sont donnés par l'artic l'article 18 de l'instruction: ces actes seront signés de deux témoins sûrs et fidèles, et pour,legr, donner plus d'authenticité les registres destinés à les inscrire seront approuvés, cotés et paraphés par M. l'évêque, ou en son absence par un de ses, vicaires géné

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VII.

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raux ; un double de ce registre sera remis, comme il est dit ci-dessus, & une personne de confiance:

>>3°. Messieurs les curés attendront s'il est possible, pour se retirer de leur église et de leur presbytère, que leur prétendu successeur leur ait notifié l'acte de sa nomination et institution, et qu'ils protesten t contre tout ce qui serait fait en conséquence.

» 40. Ils dresseront en secret un procès verbal de l'intrusion du prétendu curé et de l'invasion par lui faite de l'église paroissiale et du presbytère dans ce procès verbal, dont je joins ici un modèle, ils protesteront formellement contre tous les actes de la juridiction qu'il voudrait exercer. comme curé de la paroisse ; et pour donner à cet acte toute l'authenticité possible il sera signé par le curé, son vicaire s'il en a un, et un prêtre voisin, et même par deux des trois laïques pieux et discrets, en prenant néanmoins toutes les précautions pour ne pas compromettre le secret.

» 5o. Ceux de messieurs les curés dont les paroisses seraient déclarées supprimées sans l'intervention de l'évêque légitime useront des mêmes moyens ; ils se regarderont toujours comme seuls légitimes pasteurs de leurs paroisses, et s'il leur était absolument impossible d'y demeurer ils tâcheront de se procurer un longement dans le voisinage, et à portée de pourvoir aux besoins spirituels de leurs paroissiens, et ils auront grand soin de les prévenir et de les instruire de leurs devoirs à cet égard.

fidèles catholiques

>> 6. Si la puissance civile s'oppose à ce que les fi aient un cimetière commun, ou si les parens dés défunts montrent une trop grande répugnance à ce qu'ils soient enterrés dans un lieu particulier, quoique béni spécialement, comme il est dit article 19 de l'instruction, après que le pasteur légitime ou l'un de ses représentans aura fait à la maison les prières prescrites par le rituel et aura dressé l'acte mortuaire', qui sera signé par les parens, on pourra porter le corps du défunt à la porte de l'église, et les parens pourront l'accompagner; mais ils seront avertis de se retirer au moment où le curé et les vicaires intrus viendraient faire la levée du corps, pour ne pas participer aux cérémonies et prières de ces prêtres schismatiques.

» 7o. Dans les actes, lorsque l'on contestera aux curés remplacés leur titre de curé, its signeront ces actes de leurs noms de baptême et de famille sans prendre aucune qualité.

» Je vous prie, monsieur, et ceux de messieurs vos confrères à quivous croirez devoir communiquer ma lettre, de vouloir bien nous informer du moment de votre remplacement s'il a lieu, de l'installation de votre prétendu successeur, et de ses circonstances les plus remarquables, des dispositions de vos paroissiens à cet égard, des moyens que vous croirez devoir prendre pour le service de votre paroisse et de votre demeure, si vous êtes absolument forcé d'en sortir. Vous

ne doutez sûrement pas que tous ces détails ne nous intéressent bien vivement; vos peines sont les nôtres, et notre vœu le plus ardent serait de pouvoir en les partageant en adoucir l'amertume.

» J'ai l'honneur d'être, avec un respectueux et inviolable attachement, votre très humble et très obéissant serviteur. »

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» Ces manœuvres ont été puissamment secondées par des missionnaires établis dans le bourg de Saint-Laurent, district de Montaigu; c'est même à l'activité de leur zèle, à leurs sourdes menées, à leurs infatigables et secrètes prédications que nous croyons devoir principalement attribuer la disposition d'une très grande partie du peuple dans la presque totalité du département de la Vendée et dans le district de Chatillon, dés partement des Deux-Sèvres : il importe essentiellement de fixer l'attention de l'Assemblée nationale sur la conduite de ces missionnaires et l'esprit de leur institution.

>> Cet établissement fut fondé il y a environ soixante ans pour une société de prêtres séculiers vivant d'aumônes, et destinés en qualité de missionnaires à la prédication. Ces missionnaires, qui ont acquis la confiance du peuple en lui distribuant avec art des chapelets, des médailles et des indulgences, et en pla→ çant sur les chemins de toute cette partie de la France des calvaires de toutes les formes; ces missionnaires sont devenus depuis assez nombreux pour former de nouveaux établissemens dans d'autres parties du royaume; on les trouve dans les ci-devant provinces de Poitou, d'Anjou, de Bretagne et d'Aunis, voués avec la même activité au succès et en quelque sorte à l'éternelle durée de cette espèce de pratiques religieuses, devenue par leurs soins assidus l'unique religion du peuple. Le bourg de Saint-Laurent est leur chef-lieu, ils y ont bâti récemment une vaste et belle maison conventuelle, et y ont acquis, dit-on, d'autres propriétés territoriales. in do y

» Cette congrégation est liée par la nature et l'esprit de son institution à un établissement de sœurs grises fondé dans le même lieu et connu sous le nom de Filles. de la, sagesse, consacrées dans ce département et dans plusieurs autres au service des pauvres et particulièrement des hôpitaux, elles sont pour ces missionnaires un moyen très actif de correspondance générale dans le royaume ; la maison de Saint-Laurent est devenue le lieu de leur retraite lorsqué la ferveur intolé

rante de leur zèle ou d'autres circonstances ont forcé les administrateurs des hôpitaux qu'elles desservaient à se passer de leurs sécours.

» Pour déterminer votre opinion sur la conduite de ces ardens missionnaires et sur la morale religieuse qu'ils professent il suffira, messieurs, de vous présenter un abrégé sommaire des maximes contenues dans différens manuscrits saisis chez eux par les gardes nationales d'Agers et de Cholet.

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Ces manuscrits, rédigés en forme d'instruction pour le peuple des campagnes, établissent en thèse qu'on ne peut s'adresser aux prêtres constitutionnels, qualifiés d'intrus, pour l'administration des sacremens; que tous ceux qui y participent même par leur seule présence, sont coupables de péché mortel, et qu'il n'y a que l'ignorance ou le défaut d'esprit qui puissent les excuser;

19» ¿Que ceux qui auront l'audace de se faire marier par les intrus ne seront pas mariés, et qu'ils attireront la malédiction divine sur eux et sur leurs enfans;

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Que des choses s'arrangeront de manière que la validité des mariages faits par les anciens curés ne sera pas contestée, mais qu'en attendant il faut se résoudre à tout; que si les enfans no passent point pour légitimes ils le seront néan moins; qu'au contraire les enfans de ceux qui auront été mariés devant les intrus seront vraiment bátards, parce que Dieu n'aura point ratifié leur union, et qu'il vaut mieux qu'un ma↔ riage soft nal devant les hommes que s'il l'était devant Dieu;

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Qu'il ne faut point s'adresser aux nouveaux curés pour les enterremens, et que si l'ancien curé ne peut pas les faire sans exposer sa vie et sa liberté il faut que les parens ou amis du défunt les fassent eux-même secrètement. alle Eest

» On y observe que l'ancien curé caura le soin de tenir un registre exact pour y enregistrer ces différens actes; qu'à la vé— ritéil est possible que les tribunaux civils n'yaient aucun égard, mais que c'est un malheur auquel il faut se résoudre; que l'enregistrement civil est un avantage précieux dont il faudra ce pendant se passer, parce qu'il vaut mieux en être privé que d'apostasier en s'adressant à un intras.lebin is a mun

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>> Enfin on y exhorte tous les fidèles à n'avoir aucune communication avec l'intrus, aucune part à son intrusion ; on y

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