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égarer. Déjà un ci-devant noble, le sieur Duchafaud, aide d'un ecclésiastique de ses affidés, était parvenu à séduire les habitans de sa paroisse au point de les porter à expulser un officier municipal dont le patriotisme lui faisait ombrage; il avait eu même la témérité de se transporter, assisté de plusieurs habitans, à la séance du directoire de district des Sablesd'Olonne, et d'y protester publiquement contre la vente des domaines nationaux de sa paroisse.

» L'accusateur public ayant rendu plainte de ces faits, le tribunal informa; le sieur Duchafaud fut décrété de prise de corps; mais il s'est soustrait par la fuite aux poursuites dirigées contre lui. L'éloignement du sieur Duchafaud ne découragea point ses coopérateurs ; le temps de Pâques leur parut propre à renouveler leurs menées : les exhortations, les sermons, l'abus des sacremens, tous les moyens furent mis en usage pour égarer le peuple en alarmant sa piété ; ces insinuations incendiaires exaltèrent les esprits des malheureux habitans de la campagne au point de jurer la perte de tous les citoyens connus sous le nom de bourgeois. L'explosion commença le 25 avril dans la paroisse d'Apremont; le tocsin fut sonné ; les bancs des ci-devant roturiers furent arrachés de l'église et brûlés, et l'on eut grand soin de conserver ceux des ci-devant nobles ou privilégiés.

» Le 1 mai suivant le signal de la sédition fut donné dans la paroisse de Saint-Christophe-Ligeron; le tocsin sonna dès le matin; une troupe de furieux entra dans l'église, brisa les bancs des ci-devant roturiers, et les fit brûler sur la place: de là ces furieux allèrent attaquer jusque dans leurs maisons la grade nationale et les corps administratifs, ainsi que les citoyens qui avaient montré le plus d'attachement à la Constitution. Les gendarmes nationaux des brigades de Chalans et Paluan envoyés pour le maintien de l'ordre, furent insultés, maltraités, obligés de se renfermer dans une maison particulière pour empêcher l'effusion du sang et mettre en sûreté leurs vie et celle des citoyens, dont quelques-uns avaient été déjà assez grièvement blessés.

>> Le directoire du district de Chalans, instruit de ces faits et que les factieux se proposaient de venir attaquer le directoire lui-même, requit les gardes nationales des municipalités et districts voisins, ainsi qu'un détachement des dragons de Conti, en garnison à Machecol; il arrêta que le procureur syndic se transporterait à Saint-Christophe avec toutes les troupes qu'il pourrait réunir, à l'effet de faire arrêter les chefs des factieux.

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Le lendemain 2 mai le procureur syndic du district,

assisté d'un grand nombre de gardes nationaux des municipa lites voisines, d'un détachement des dragons de Conti et des brigades de la gendarmerie nationale, se rendit à Saint-Christophe pour y remplir l'objet de sa mission. Un nombre de factieux, accourus tant de cette paroisse que des paroisses voisines, et dont la fureur n'avait pas été calmée par deux heures d'une pluie la plus abondante, se mirent en devoir de résister; cachés derrière des haies, des buissons, ils firent sur les troupes une décharge qui blessa deux dragons et plusieurs chevaux; les troupes fondirent sur les factieux, qui furent bientôt mis en fuite et dissipés, après avoir laissé quatre morts sur la place, et avoir plusieurs blessés, dont quelques-uns sont morts depuis; d'autres furent pris et conduits dans la maison

d'arrêt.

>> Des mouvemens pareils étaient prêts à éclater dans plusieurs paroisses des districts de Chalans, la Roche-sur-Yon et des Sables; mais ils furent contenus par un corps assez considérable de gardes nationales arrivé de Nantes au secours de leurs frères, et un détachement de troupes de ligne et de gardes nationales envoyé par le directoire du département.

4 Le peu de succès de ces premières tentatives n'avait pas rebuté les ennemis de la chose publique, et la nouvelle de l'évasion du roi et de la famille royale réunit leurs espérances.

Le 26 du mois dernier le directoire de district des Sables fut informé qu'un nombre de ci-devant nobles, qu'on porté à quatre-vingts, ayant avec eux deux cents paysans ou environ, et quelques ecclésiastiques non assermentés, étaient rassemblés avec des armes et des munitions de guerre au château de la Proutière, paroisse de Poiroux, appartenant au sieur Robert de Lézardière, connu depuis longtemps par son incivisme.

» Ce rassemblement donna les plus vives inquiétudes aux administrateurs du district des Sables: des ordres furent donnés à un détachement de trente soldats du régiment de Rohan et autant de gardes nationales, d'aller fouiller la maison de la Proutière et d'enlever les armes qui s'y trouveraient; le même détachement eut ordre de fouiller également la maison de la Marzelle, appartenant au sieur de Loyar, où l'on avait annoncé une réunion d'hommes et d'armes; ils ne trouvèrent que deux ou trois fusils dans ce château, mais ils dirent y avoir trouvé un billet, sans date ni signature, dont voici la

teneur ;

<< Le roi et la reine de France sont partis de Paris; grande rumeur partout; tous les départemens, districts, municipalités et gardes nationales, tout est en route; ce sont des » cavaliers de maréchaussée qui de brigade en brigade portent

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» les nouvelles. Il faut imaginer que la chose est certaine.... Partez............ Allons..... Communiquez-moi l'arrêté. Le parti » que........... Enfin, mon ami, un ensemble; c'est là l'instant de la crise; c'est là le moment de nous montrer dignes du sang qui coule dans nos veines..... Le secret du vrai franc» maçon........... Au champ de Mars et à la gloire!

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>>

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>> Ce billet, une lettre adressée au sieur Lézardière, et trouvée dans les souliers d'un commissionnaire, quelques petits bâtimens qu'on avait aperçus sur la côté, et à qui l'on avait cru voir faire des signaux d'intelligence, ne pouvaient qu'augmenter les inquiétudes. Le détachement arriva le 28 au château de la Proutière, et le trouva évacué; il y entra sur les trois heures du soir, et un instant après le château fut incendié et entièrement dévasté sans que le commandant de la troupe pût y apporter aucun obstacle.

» Dans la nuit du 29 au 30 juin le sieur Lézardière, ses deux fils et un domestique furent arrêtés à Saint-Fulgent, et conduits aux Sables par ordre des commissaires que le département a envoyés sur les lieux. Ces commissaires vous exposent, après le détail de ces faits, l'état de trouble et d'anarchie où se trouve le département de la Vendée; ils se plaignent des manquemens d'égards et même des insultes qu'ils ont éprouvés; ils vous supplient d'envoyer incessamment deux commissaires qui, investis de toute l'autorité et de la considé ration que leur donnera votre confiance, puissent rappeler les citoyens au respect pour les lois et à la déférance qu'ils doivent avoir pour eux. En conséquence, nous avons l'honneur de vous proposer, etc. »

RAPPORT de MM. Gallois et Gensonné, commissaires civils envoyés dans les départemens de la Vendée et des DeuxSèvres en vertu des décrets de l'Assemblée constituante, ait à l'Assemblée législative le 9 octobre 1791.

"

Messieurs, l'Assemblée nationale a décrété le 16 juillet dernier, sur le rapport de son comité des recherches, que des commissaires civils seraient envoyés dans le département de la Vendée pour y prendre tous les éclaircissemens qu'ils pourraient se procurer sur les causes des derniers troubles de ce pays, et concourir avec les corps administratifs au rétablissement de la tranquillité publique.

» Le 23 juillet nous avons été chargés de cette mission, et

nous sommes partis deux jours après pour nous rendre à Fontenai-le-Comte, chef lieu de ce département..

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Après avoir conféré pendant quelques jours avec les administrateurs du directoire sur la situation des choses et la disposition des esprits; après avoir arrêté avec les trois corps administratifs quelques mesures préliminaires pour le maintien de l'ordre public, nous nous sommes déterminés à nous transporter dans les différens districts qui composent ce département, afin d'examiner ce qu'il y avait de vrai ou de faux, de réel ou d'exagéré dans les plaintes qui nous étaient déjà parvenues; afin de constater en un mot avec le plus d'exactitude possible la situation de ce département.

» Nous l'avons parcouru presque dans toute son étendue, tantôt pour y prendre les renseignemens qui nous étaient nécessaires, tantôt pour y maintenir la paix, prévenir les troubles publics ou empêcher les violences dont quelques citoyens se croyaient menacés.

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» Nous avons entendu dans plusieurs directoires de district toutes les municipalités dont chacun d'eux est composé; nous avons écouté avec la plus grande attention tous les citoyens qui avaient soit des faits à nous communiquer, soit des vues à nous proposer; nous avons recueilli avec soin, et en les comparant tous les détails qui sont parvenus à notre connaissance : mais comme nos informations ont été plus nombreuses que variées, comme partout les faits, les plaintes, les observations, ont été semblables, nous allons vous présenter sous un point de vue général et d'une manière abrégée, mais exacte, le résultat de cette foule de faits particuliers.

» Nous croyons inutile de mettre sous vos yeux les détails que nous nous étions procurés concernant des troubles anté>rieurs ; ils ne nous ont pas paru avoir une influence bien directe sur la situation actuelle de ce département; d'ailleurs la loi de l'amnistie (1) ayant arrêté les progrès de différentes procé→ dures auxquelles ces troubles avaient donné lieu, nous ne pourrions vous présenter sur ces objets que des conjectures vagues et des résultats incertains.

(1) Voyez tome V, page 86.

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L'époque de la prestation du serment ecclésiastique a été pour le département de la Vendée la première époque de ses troubles; jusqu'alors le peuple y avait joui de la plus grande tranquillité; éloigné du centre commun de toutes les actions et de toutes les résistances, disposé par son caractère naturel à l'amour de la paix, au sentiment de l'ordre, au respect de la loi, il recueillait les bienfaits de la révolution sans en éprouver les orages.

» Dans les campagnes la difficulté des communications, la simplicité d'une vie purement agricole, les leçons de l'enfance et des emblèmes religieux destinés à fixer sans cesse ses regards, ont ouvert son âme à une foule d'impressions superstitieuses que dans l'état actuel des choses nulle espèce de lumière ne peut ni détruire ni modérer.

» Sa religion, c'est à dire la religion telle qu'il la conçoit, est devenue pour lui la plus forte et pour ainsi dire l'unique habitude morale de sa vie ; l'objet le plus essentiel qu'elle lui presente est le culte des images, et le ministre de ce culte, celui que les habitans de campagnes regardent comme le dispensateur des grâces célestes, qui peut par la ferveur de ses prières adoucir l'intempérie des saisons, et qui dispose du bonheur d'une vie future, a bientôt réuni en sa faveur les plus douces comme les plus vives affections de leurs âmes.

» La constance du peuple de ce département dans l'espèce de ses affections religieuses, et la confiance illimitée dont y jouissent les prêtres auxquels il est habitué, sont un des principaux élémens des troubles qui l'ont agité et qui peuvent l'agiter encore.

» Il est aisé de concevoir avec quelle activité des prêtres ou égarés ou factieux ont pu mettre à profit ces dispositions du peuple à leur égard: on n'a rien négligé pour échauffer le zèle, alarmer les consciences, fortifier les caractères faibles, soutenir les caractères décidés; on a donné aux uns des inquiétudes et des remords; on a donné aux autres des espérances de bonheur et de salut; on a essayé sur presque tout avec succès l'influence de la séduction et de la crainte.

» Plusieurs d'entre ces ecclésiastiques sont de bonne foi; ils! paraissent fortement pénétrés et des idées qu'ils répandent et

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