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tions pacifiques et amicales qui l'animent avec le sentiment de sa dignité blessée, et de son repos compromis par les fruits de leurs manœuvres.

>> Cette phrase obscure contient une fausseté et une injure; ce que M. de Kaunitz désigne par des gens c'est l'Assemblée nationale, c'est la nation entière exprimant son vœu par ses représentans : ce n'est point un club qui a demandé des explications catégoriques, et l'on voit dans la distinction que fait le 、 ministre autrichien le projet perfide de représenter la France comme en proie à des factions qui òtent tous moyens de négocier avec elle. Le reste de cette note est une explosion de son humeur contre ce qu'il nomme le parti des Jacobins, qu'il qualifie de secte pernicieuse.

» La mort de l'empereur Léopold aurait dû amener d'autres principes de négociation; mais le système profondément ambitieux de la maison d'Autriche est toujours le même, et le changement des princes qui gouvernent n'y apporte aucune variation.

» Le roi de Bohême et de Hongrie, sollicité de répondre catégoriquement pour faire cesser les inquiétudes des deux nations et pour opérer la tranquillité de l'Europe, a fait connaître ses dernières résolutions à votre Majesté par une dernière note du prince de Kaunitz, datée du 18 mars.

» Comme cette note est l'ultimatum de la cour de Vienne, comme elle est encore plus provoquante que toutes les autres pièces de cette négociation, elle mérite aussi un examen réfléchi.

» Le premier mot de cette note est une injure artificieuse : le gouvernement français ayant demandé des éclaircissemens catégoriques, etc.

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Sire, il n'est donc plus question du roi des Français ! M. de Kaunitz vous sépare de la nation pour faire croire que Vous n'êtes pas libre, que vous n'êtes pour rien dans les négociations, que vous n'y prenez aucun intérêt : l'honneur de Votre Majesté est engagé à démentir cette perfide insinuation.

» M. de Kaunitz dit ensuite: mais à plus forte raison convenait-il à la dignité de grandes puissances de réfuter avec franchise, et de ne point traiter d'insinuations confidentielles qui puissent étre dissimulées dans la réponse, des imputations et des interprétations auxquelles se trouvaient mélés

les mots de paix ou guerre, et accompagnées de provocations

de tout genre.

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» Certainement le ministre des affaires étrangères doit regretter d'avoir placé dans une telle négociation des insinuations confidentielles, mais il ne pouvait pas imaginer que le prince de Kaunitz aurait la perfidie de les tronquer et de les dénaturer pour en abuser; et si la négociation reprenait une tournure pacifique la première démarche de Votre Majesté serait de demander au roi de Bohême et de Hongrie la punition d'un premier ministre infidèle, qui, par des abus de confiance, s'est efforcé d'aliénier le cœur de ce jeune monarque, et de rendre irréconciliable deux nations faites pour s'estimer.

» Le prince de Kaunitz parle ensuite de la justice des motifs sur lesquels se fondent les explications données par ordre de feu l'empereur, et il ajoute que le roi de Hongrie adopte complétement sur ce point les sentimens de son père. Il dit ensuite qu'on ne connaît point d'armement et de mesures dans les états autrichiens qui puissent être qualifiés de préparatifs de guerre. Le contraire est prouvé; le concert des puissances est connu; les armées autrichiennes s'assemblent, des places fortes s'élèvent, les camps sont tracés, les généraux et les armées sont désignés; et le prince de Kaunitz oppose à tant de faits une dénégation dénuée de toute vraisemblance; c'est à nous qu'il dit que les troubles des Pays-Bas sont suscités par les exemples de la France et par les coupables menées des Jacobins, comme si les troubles des Pays-Bas n'avaient pas précédé la révolution française! comme s'il avait pu oublier que l'Assemblée constituante avait refusé de prendre aucune part à ces troubles!

>>M. de Kaunitz ajoute quant au concert dans lequel feu sa majesté impériale s'est engagée avec les plus respectables puissances de l'Europe, le roi de Hongrie et de Bohéme ne saurait anticiper sur leurs opinions et sur leur détermination commune; mais toutefois il ne croit point qu'elles jugeront convenable ou possible de faire cesser ce concert avant que la France fasse cesser les motifs graves et légitimes qui en ont ou provoqué ou nécessité l'ouverture.

» Voilà donc le roi de Bohème et de Hongrie accédant à la

ligue formée par son père contre la France, déclarant que cette ligne doit durer jusqu'à ce que nous ay ons soumis notre Consti tution à son jugement, à sa révision! Le voilà donc avouant un traité qui rompt formellement celui de 1756!

» M. de Kaunitz dit ensuite: mais, dussent leurs desseins et leurs artifices prévaloir, Sa Majesté se flatte que du moins la partie saine et principale de la nation envisagera alors comme une perspective consolante d'appui l'existence d'un concert dont les vues sont dignes de sa confiance et de la crise la plus importante qui ait jamais affecté les intérêts communs de l'Europe.

» On ne dissimule pas même dans ces perfides expressions le projet d'armer les citoyens contre les citoyens ! C'est ainsi que ce ministre octogénaire lance au milieu de nous d'une main débile le tison de la guerre civile !

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Non, Sire, les Français ne se désuniront pas! Lorsque la France sera en danger beaucoup d'émigrés quitteront les étendards criminels qu'ils ont suivis, rougiront de leurs erreurs, et viendront les expier en combattant pour la patrie! Votre Majesté donnera l'exemple du civisme en ressentant les injures qui sont faites à la nation!

» Lorsque vous m'avez chargé du ministère des affaires étrangères j'ai dû remplir la confiance de la nation et la vôtre en employant en votre nom le langage énergique de la raison et de la vérité : le ministre de Vienne, se voyant trop pressé par une négociation pleine de franchise, s'est renferiné en lui-même, et s'est référé à cette note du 18 mars dont je viens de vous présenter l'analise : cette note est une véritable déclaration de guerre; les hostilités n'en sont que la conséquence, car l'état de guerre ne consiste pas seulement dans les coups de canon, mais dans les provocations, les préparatifs et les insultes.

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» 1o Que le traité de 1756 est rompu par le fait de la maison d'Autriche ;

» 2° Que le concèrt entre les puissances, provoqué par l'empereur Léopold au mois de juillet 1791, confirmé par le roi de Hongrie et de Bohème d'après la note du prince de

Kaunitz du 18 mars 1792, qui est l'ultimatum des négociations, étant dirigé contre la France, est un acte d'hostilité formelle;

» 3° Qu'ayant mandé par ordre de Votre Majesté qu'elle se regarderait décidément comme en état de guerre si le retour du courrier n'apportait pas une déclaration prompte et franche en réponse aux deux dépêches des 19 et 27 mars, cet ultimatum, qui n'y répond point, équivaut formellement à une déclaration de guerre,

4° Que dès ce moment il faut ordonner à M. de Noailles de revenir en France sans prendre congé, et cesser toute correspondance avec la cour de Vienne.

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Après toutes les réflexions qu'entraîne cne détermination aussi importante, dans laquelle il s'agit de peser dans la balance de l'équité la plus rigoureuse d'un côté le danger de ne pas soutenir et venger la souveraineté méconnue de la nation française, de l'autre les calamités que peut entraîner la guerre

» Considérant que les circonstances impérieuses où nous nous trouvons, et qui deviennent de jour en jour plus instantes par l'approche de différens corps de troupes autrichiennes qui s'assemblent de toute part sur nos frontières, nous ont amenés au point de prendre un parti décisif :

» Considérant que le roi a suivi le vœu de la nation, exprimé par ses représentans dans l'adresse du 29 novembre, en exigeant de la cour de Vienne une réponse catégorique, et en fixant un terme pour la cessation de l'état de guerre; que cette démarche a été repoussée par un silence outrageant; que le vœu de la nation, exprimé plus d'une fois dans la tribune, soutenu par les adresses de tous les départemens, s'est converti le 14 janvier en un serment solennel de déclarer infame et traître à la patrie, coupable du crime de lèse-nation, tout Français qui pourrait prendre part directement ou indirectement à un projet dont le but serait une modification de la Constitution, une médiation avec les rebelles, ou qui tendrait à rendre aux princes possessionnés en Alsace et en Lorraine quelqu'un des droits supprimés par les décrets de l'Assemblée constituante; serment qui a retenti dans toute la France, et que je rappelle à Votre Majesté pour l'opposer aux 26

VIII.

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trois propositions que le ministre Cobentzel a avancées dans sa conférence du 5 avril avec M. de Noailles : (1)

» Considérant que l'honneur du roi des Français et sa bonne foi sont perfidement attaqués par l'affectation marquée de le séparer de la nation dans la note officielle du 18 mars, qui répond au gouvernement français au lieu de répondre au roi des Français :

» Considérant que depuis l'époque de sa régénération la nation française est provoquée par la cour de Vienne et ses agens de la manière la plus intolérable; qu'elle a continuellement essuyé des outrages dans la personne de M. Duveyrier, envoyé par le roi et retenu indignement en état d'arrestation; dans celle d'un grand nombre de citoyens français, outragés ou emprisonnés dans les différentes provinces de la domination autrichienne par haine pour notre Constitution, pour notre uniforme national et pour les couleurs distinctives de notre liberté: Considérant dans toute la Constitution il ne se trouve

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que

(1)'« Le 29 novembre députation de l'Assemblée nationale au roi pour l'inviter à prendre les mesures les plus fermes pour mettre fin aux attroupemens et enrôlemens qui se faisaient sur les frontières, et pour exiger une réparation en faveur des citoyens français qui avaient reçu des outrages.

» Le 14 décembre le roi témoigne à l'Assemblée nationale la confiance qu'il avait encore à cette époque dans les bonnes dispositions de l'empereur, en ajoutant qu'il prenait en même temps toutes les mesures militaires et les plus propres à faire respecter ses déclarations, et que si elles n'étaient pas écoutées il ne lui resterait qu'à proposer la guerre. C'est alors que l'Assemblée nationale décrète le développement des forces qui garnissent les frontières de l'empire.

» Le 14 janvier le comité diplomatique propose à l'Assemblée nationale d'inviter le roi à demander à l'empereur au nom de la nation française des explications claires et précises sur ses dispositions; ił fixe le terme du 10 février pour les réponses, et à défaut de répondre ce procédé de l'empereur sera envisagé par la nation comme une rupture du traité de 1756, et comme une hostilité.

» Le 25 janvier l'Assemblée nationale donne un décret en cinq articles dont le troisième prolonge le terme fatal donné à l'empereur jusqu'au premier mars, et ajoute que son silence, ainsi que toute réponse évasive ou dilatoire, seront régardés comme une déclaration de guerre. »

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