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que nos ennemis y ont suscités et constamment entretenus; mais ses triomphes et sa gloire lui ont coûté; elle demande de vous, messieurs, une protection qu'elle mérite par les pertes qu'elle a éprouvées, et qu'elle méritera toujours par sa fidélité et son obéissance. » (Longs applaudissemens.)

Réponse du président.

» Messieurs, l'Assemblée nationale aime à entendre l'expression de vos sentimens. La ville qui donna l'exemple d'un saint enthousiasme pour la liberté le donnera sans doute d'un amour ardent et constant pour les lois. Si le peuple se laisse quelquefois égarer par des méchans, sa conscience et sa raison le ramènent toujours à la justice et à la vertu : c'est donc des impressions étrangères qu'il faut le garantir. Il faut environner d'une surveillance active et l'audace de ses ennemis, qui voudraient lui inspirer de vaines terreurs, et l'hypocrisie de ses faux amis, qui le caressent pour le tromper. En vous nommant ses magistrats il vous a choisis pour être ses guides et ses appuis : vous le fûtes, vous le serez, et vous aurez son bonheur pour récompense. >>

Le discours et la présence de M. Bailly avaient porté dans les âmes de douces et profondes émotions; le discours et la présence de Louis XVI vont produire de ces élans impétueux qui ont leur source dans le besoin d'être confiant...... Un huissier annonce le roi; l'Assemblée se lèvè, se découvre, et observe en tout le cérémonial décrété par l'assemblée constituante; des cris de vive le roi, des transports unanimes éclatent et se prolongent jusqu'au moment où le monarque prend la parole:

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DISCOURS du roi à l'Assemblée nationale. (7 octobre 1791.) Messieurs, réunis en vertu de la Constitution pour exercer les pouvoirs qu'elle vous délègue, vous mettrez sans doute au rang de vos premiers devoirs de faciliter la marche du gouvernement, d'affermir le crédit public, d'ajouter s'il est possible à la sûreté des engagemens de la nation, d'assurer à la fois la liberté et la paix, enfin d'attacher le peuple à ses nouvelles lois par le sentiment de son bonheur. Témoins dans vos départemens des premiers effets du nouvel ordre qui vient de s'éta

blir, vous avez été à portée de juger ce qui peut être nécessaire pour le perfectionner, et il vous sera facile de reconnaître les moyens les plus propres à donner à l'administration la force et l'activité dont elle a besoin.

» Pour moi, appelé par la Constitution à examiner, comme représentant du peuple, et pour son intérêt, les lois présentées à ma sanction, chargé de les faire exécuter, je dois encore vous proposer les objets que je crois devoir être pris en considération pendant le cours de votre session.

» Vous penserez, messieurs, qu'il convient d'abord de fixer votre attention sur la situation des finances, pour en saisir l'ensemble et en connaître les détails et les rapports; vous sentirez l'importance d'assurer un équilibre constant entre les recettes et les dépenses; d'accélérer la répartition et le recouvrement des contributions ; d'établir un ordre invariable dans toutes les parties de cette vaste administration, et de préparer ainsi la libération de l'Etat et le soulagement du peuple.

» Les lois civiles paraissent aussi devoir vous occuper essentiellement; vous aurez à les mettre d'accord avec les principes de la Constitution; vous aurez à simplifier la procédure et à rendre ainsi plus faciles et plus prompts les moyens d'obtenir justice; vous reconnaîtrez la nécessité de donner par une éducation nationale des bases solides à l'esprit public; vous encouragerez le commerce et l'industrie, dont les progrès ont tant d'influence sur l'agriculture et sur la richesse de ce royaume ; vous vous occuperez de faire des dispositions permanentes pour assurer du travail et des secours à l'indigence.

» Je manifesterai à l'armée ma volonté ferme que l'ordre et la dicipline s'y rétablissent; je ne négligerai aucun moyen de faire renaître la confiance entre tous ceux qui la composent, et de la mettre en état d'assurer la défense du royaume : si les lois à cet égard sont insuffisantes je vous ferai connaître les mesures qui me paraîtront convenables, et sur lesquelles vous aurez à statuer.

» Je donnerai également mes soins à la marine, cette partie importante de la force publique, destinée à protéger notre commerce et nos colonies.

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du dehors j'ai pris depuis que j'ai accepté la Constitution et je continue de prendre les mesures qui m'ont paru les plus: propres à fixer l'opinion des puissances étrangères à notre égard, et à entretenir avec elles l'intelligence et la bonne harmonie qui doivent nous assurer la paix. J'en attends les meilleurs effets; mais cette espérance ne me dispensera pas de suivre avec activité les mesures de précaution que la prudence a dû prescrire.

Messieurs, pour que vos importans travaux, pour que votre zèle produise tout le bien qu'on doit en attendre, il faut qu'entre le corps législatif et le roi il règne une constante harmonie et une confiance inaltérable. Les ennemis de notre repos ne chercheront que trop à nous désunir; mais que l'amour de la patrie nous rallie, et que l'intérêt public nous rende inséparables.

Ainsi la puissance publique se déploiera sans obstacle; l'administration ne sera pas tourmentée par de vaines terreurs ; les propriétés et la croyance de chacun seront également protégées, et il ne restera plus à personne de prétexte pour vivre éloigné d'un pays où les lois seront en vigueur, et où tous les droits seront respectés.

» C'est à ce grand intérêt de l'ordre que tient la stabilité de la Constitution, le succès de vos travaux, la sûreté de l'Empire, le retour de tous les genres de prospérité.

» C'est à ce but, messieurs, que doivent en ce moment se rapporter toutes nos pensées ; c'est l'objet que je recommande le plus fortement à votre zèle et à votre amour pour la patrie.

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Réponse du président.

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Sire, votre présence au milieu de nous est un engagement nouveau que vous prenez envers la patrie. Les droits du peuple étaient oubliés et tous les pouvoirs confondus; une Constitution est née, et avec elle la liberté française. Vous devez la chérir comme citoyen; comme roi vous devez la maintenir et la défendre. Loin d'ébranler votre puissance, elle l'a affermie; elle vous a donné des amis dans tous ceux qu'on n'appelait autrefois que des sujets.

"

Vous avez besoin d'être aimé des Français, disiez-vous,

Sire, il y a quelques jours dans ce temple de la patrie; et nous aussi nous avons besoin de vous aimer!

» La Constitution vous a fait le premier monarque du monde : votre amour pour elle placera Votre Majesté au rang des rois les plus chéris, et le bonheur de la nation vous rendra plus heureux.

» Forts de notre réunion mutuelle, nous en sentirons bientôt l'influence salutaire. Épurer la législation, ranimer le crédit public, achever de comprimer l'anarchie; tel est notre devoir, tels sont nos vœux, tels sont les vôtres, Sire; telles sont nos espérances : les bénédictions des Français en seront le prix.

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Le discours de Louis XVI fut interrompu presque à chaque phrase par des applaudissemens et des cris de vive le roi. Les mêmes transports qui l'avaient accueilli à son entrée éclatèrent de nouveau lorsqu'il se retira; mais des cris de vive la loi, vive la nation se mêlèrent cette fois aux cris de vive le roi. La réponse du président fut également applaudie, et hautement approuvée comme ayant exprimé les sentiment de l'Assemblée; éloge qui n'était pas indifférent au sein d'une législature inquiète et susceptible: au commencement de la séance on avait agité la question de savoir si le président devait être autorisé à répondre au roi, et si dans ce cas la réponse ne devait être pas auparavant communiquée à l'Assemblée; M. Vaublanc avait demandé que la réponse eût lieu de la part de l'Assemblée inéditée; ces propositions, quoique rejetées, laissaient peser sur M. Pastoret une responsabilité dont il supporta le poids avec succès ajouterons-nous, avec tous les journaux du temps, qu'à la suite de cette discussion il demanda et obtint de l'Assemblée, la permission de se retirer quelques instans pour préparer à l'avance la réponse au discours que le roi viendrait prononcer?

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adresse

Du 8. L'Assemblée avait mandé les ministres pour qu'ils eussent à lui rendre compte de la situation du royaume; ils viennent tous occuper la place qui leur est réservée. Le ministère était ainsi composé à cette époque :

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M. Montmorin;

intérieur, M. Delessart; → guerre, M. Duportail; -marine, M. Bertrand-Molleville, nommé depuis huit jours en remplacement de M. Thévenard, démissionnaire; contributions, M. Tarbé.

La présence des ministres avait éveillé dans l'esprit de chaque représentant le droit qu'il a de les interpeller: on les accabla de questions; ils n'étaient pas préparés à répondre. Après de longs débats, ou plutôt après de pénibles frottemens entre deux pouvoirs également jaloux et soupçonneux, le ministère obtint jusqu'au 1er novembre pour présenter un compte général. Cette séance donna le premier exemple du combat qui se renouvellera à perpétuité dans les gouvernemens représentatifs tant que le pouvoir exécutif voudra prétendre au premier rang.

ORIGINE DE LA GUERRE DE LA VENDÉE.

Du 9. Après huit séances de travaux préliminaires l'attention de l'Assemblée fut enfin appelée sur un objet d'un intérêt majeur. Depuis plusieurs mois des troubles avaient éclaté dans le département de la Vendée; le 16 juillet 1791 il en avait été fait à l'Assemblée constituanté un premier rapport qui nous paraît devoir précéder celui qui fut présenté dans le mois d'octobre suivant à l'Assemblée législative; nous remonterons ainsi à l'origine de cette guerre où les succès comme les défaites portaient la douleur et le deuil dans des familles françaises.

Premier RAPPORt sur les événemens de la Vendée, fait à l'Assemblée constituante par M. Cochon-Lapparent. (Séance du 16 juillet 1791,)

" Messieurs " vos comités des rapports et des recherches m'ont chargé de vous rendre compte des événemens fâcheux qui se sont passés dans quelques districts du département de la Vendée et qui en ont aitéré la tranquillité.

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Depuis longtemps le peuple de ces malheureuses contrées était en butte aux menées perfides des ennemis du bien public; les prières, les menaces, les promesses, le moyen si puissant de la religion, enfin la calomnie contre les représentans de la nation, rien n'avait été oublié pour séduire les habitans des campagnes, naturellement bons, mais ignorans, et faciles à

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