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limite des assignats en circulation, que l'Assemblée constituante avait portée à douze cents, et qu'elle avait été forcée d'augmenter de cent millions dans ses dernières séances, l'Assemblée nationale s'est occupée des moyens de prévenir toute augmentation ultérieure qui ne serait pas commandée par l'intérêt de la sûreté publique et de la défense de la patrie; elle a cherché si même il ne serait pas possible de diminuer cette masse, afin de se tenir toujours au dessous de celle que la circulation peut souffrir, et de se ménager des ressources plus étendues pour les besoins extraordinaires.

» Mais ces questions étaient nécessairement liées aux moyens à prendre pour l'acquittement de la dette et la perception plus régulière des contributions publiques.

» L'Assemblée a cru qu'il n'était plus temps de fonder des opérations si importantes sur de simples aperçus; qu'il fallait d'un côté établir une balance rigoureuse entre la valeur des biens nationaux à vendre et la masse des asssignats qu'ils doivent éteindre; comparer d'un autre le montant de la dette exigible avec la valeur des biens dont la vente est réservée; hypothèque non moins solide, et sur laquelle il est possible de fonder le système d'une liquidation certaine et complète.

» La confiance du patriotisme a suffi longtemps; mais le moment est venu où il faut que l'enthousiasme fasse place à la raison et au calcul, où l'on a besoin de cette confiance paisible et durable qui ne s'appuie que sur des faits.

» Ainsi l'Assemblée s'est procuré des états exacts de la valeur de tous les biens dont la vente est décrétée, de ceux dont par différens motifs la vente avait été suspendue, de ceux enfin dont la conservation pouvait paraître utile, telles sont les forêts nationales.

» Pour connaître ensuite le montant de la dette elle a fixé aux créanciers un terme où ils sont tenus de présenter les titres sur lesquels ils fondent leurs prétentions : en effet, alors on connaîtra quelle sera la masse des créances; en supposant que toutes les demandes sont légitimes, on aura une limite qu'elle ne peut excéder, et en faisant ainsi le calcul sur des bases nécessairement défavorables on sera certain d'agir avec une sûreté plus entière.

>> Mais il faut beaucoup de temps pour rassembler ces faits; il en faut pour les apprécier, pour en déduire des résultats; il en faut encore pour fonder sur ces résultats un système général d'opérations liées entre elles, dont le succès soit à l'abri de toutes les ruses de l'avidité, de toutes les noirceurs de la trahison : il serait donc injuste de regarder comme une inaction coupable un travail obscur, mais pénible, mais nécessaire, dans lequel une portion considérable de députés a consumé toutes les heures que le devoir d'assister aux séances leur permettait d'y con

sacrer.

» Le déficit des impositions de 1791 avait porté un coup fatal au crédit, et parce qu'il forçait d'augmenter la masse des assignats monnaie existans à la fois dans la circulation, et parce qu'il fournissait aux ennemis de la patrie un prétexte de calomnier la révolution. L'état de la nation, appuyée sur des preuves authentiques, offre encore une sûreté entière; mais cette sûreté s'anéantirait si l'on pouvait croire qu'il fallût encore longtemps suppléer par la consommation des capitaux aux dépenses qui doivent chaque année être acquittées par les impôts: la confiance ne peut donc exister tant qu'on regardera leur recouvrement comme incertain; la défiance doit augmenter à mesure que les retards, en s'accumulant, semblent annoncer que le moment d'une perception exacte est encore éloigné.

» L'Assemblée constituante a fixé la forme et le montant des impôts : tout changement à cet égard serait une imprudence. » La confection des rôles arrêté seule le recouvrement, et cette confection est confiée aux corps administratifs.

» L'Assemblée s'est occupée de compléter les lois relatives à la perception, d'en préparer de nouvelles qui puissent l'accélérer; de choisir entre les mesures qui lui ont été présentées celles qui lui paraîtraient à la fois les plus efficaces et les plus douces.

» Nous ne ferons pas aux citoyens l'outrage de leur rappeler que le paiement des contributions consenties par les représentans de la nation est pour eux un véritable devoir; nous n'exhorterons pas à un sacrifice pécuniaire des hommes qui volent avec ardeur sur les frontières pour défendre au prix de leur sang la cause de la liberté.

» Nous ne leur ferons point observer que la gêne dans la circulation, la baisse du change, le défaut de numéraire, le renchérissement des denrées sont pour chacun d'eux une charge plus onéreuse, et qu'en payant la contribution réclamée par la patrie ils seront encore soulagés.

des

» Mais nous leur dirons ne croyez pas aux insinuations perfides des prêtres non sermentés, des anciens privilégiés, ennemis de la révolution, qui vous persuadent que la masse des nouveaux impôts est plus pesante que celle des anciens : des calculs rigoureux ont prouvé qu'elle était moindre de près d'un tiers. Si pour tel département, tel district, tel individu, cette diminution est plus faible, si même vous pouvez croire payer davantage, défiez-vous d'abord de l'exactitude de ces calculs particuliers dans lesquels les erreurs sont si faciles; examinez si l'on n'a pas atténué vos charges anciennes ; voyez ensuite si votre département, votre canton, si tel genre de propriété ne payait pas autrefois moins qu'il ne devait payer: alors si cette perte, ou plutôt cette diminution d'avantages est réelle, si elle est injuste, que faut-il en conclure? Qu'il s'est glissé, des erreurs dans la ré-partition, et que vous devez non acquitter avec répugnance l'impôt nécessaire à la défense de la liberté, mais solliciter suivant les formes que la loi vous offre les moyens de réparer une inexactitude commise dans son application. Avez-vous donc oublié que la justice souveraine de la nation a détruit pour toujours ces priviléges humilians, cette inégalité onéreuse, ces violations de vos domiciles, ces amendes ruineuses, ces vexations fiscales, ces supplices prodigués avec tant de barbarie, infligés avec tant de légèreté, ces dîmes si nuisibles à l'industrie, ces droits féodaux personnels, monumens odieux de l'antique servitude?

>> Nous dirons aux administrateurs : votre vigilance, votre activité pour le recouvrement de l'impôt ne sont pas en ce moment une simple obligation de votre place, une fonction que la loi vous confie; c'est un devoir impérieusement imposé par le salut public, par l'amour de la liberté.

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Chaque heure que vous consacrerez à ce travail, chaque ligne que vous inscrirez sur cc registre est un pas que vous ferez faire à la révolution; chaque obstacle que vous leverez est une

victoire remportéc sur les ennemis de la patrie. Que ces fonctions minutieuses et pénibles prennent à vos yeux un plus grand caractère; qu'elles s'ennoblissent par l'idée que les circonstances y ont attaché le sort de la liberté française, et peut-être de celle du genre humain.

>> Mais en pressant le recouvrement des impositions les représentans du peuple ont veillé sur leur emploi. Les dépenses publiques doivent être fixées par l'Assemblée nationale, et les ministres étaient obligés par la loi de lui en présenter le tableau au commencement de sa session : trois mois se sont écoulés, et c'est au moment même où l'examen devait être terminé que les aperçus nécessaires ont été remis à l'Assemblée. Cependant jamais ces dépenses n'avaient été soumises à une discussion sévère et détaillée ; la rouille de tous les abus les infectait encore: devions-nous donc nous contenter d'un établissement provisoire? Devions-nous, pour acquérir l'honneur d'une fausse activité, laisser les anciens désordres s'identifier avec le nouveau régime, et leurs racines meurtrières s'étendre sur le sol de la liberté ? Non, sans doute : il faut enfin au peuple français un système de dépenses publiques lié à celui de la Constitution, fondé sur les mêmes principes d'égalité, combiné pour la conservation de nos droits, et qui par sa sagesse comme par sa justice fasse reconnaître une nation libre et souveraine. L'Assemblée conduite malgré elle à l'inaction jusqu'à la fin du mois de décembre, n'a donc voulu abandonner à la routine que les premiers mois de cette année; elle a fixé au premier mars le terme de son travail, au premier avril l'époque de cette révolution dans les finances.

>> Des épargnes importantes en seront la suite, et les repré→ sentans du peuple lui montreront par une économie sévère que, fidèles à leur devoir, ils ont également cherché à ménager le trésor du pauvre et à éloigner de la liberté les dangers de la corruption. On ne laissera subsister que les places nécessaires; on ne donnera pour chacune que le juste salaire des talens indispensables pour la bien remplir; et, sans flatter jamais la cupidité par une libéralité coupable, une parcimonie non moins funeste n'éloiguera point des emplois la pauvreté éclairée et laborieuse.

» L'Assemblée nationale n'ignore pas que les portions de l'impôt les moins nécessaires au service public sont précisément celles qui coûtent le plus aux citoyens indigens, celles qui obligent d'étendre jusque sur eux le fardeau des impositions, et que les derniers vingt millions sont une charge plus pénible que les deux cents premiers.

» La crainte arrache l'impôt aux peuples esclaves; l'homme libre acquitte volontairement la contribution employée pour lui-même : elle ne souffrirait aucun obstacle dans un pays où tous les citoyens pourraient dire pour chacune des dépenses générales ce que les habitans d'un village disent tous les jours pour une dépense locale: voilà ce qu'on me demande; mais voilà l'utilité que je dois en retirer.

» Tel est le but que l'Assemblée nationale s'efforcera d'atteindre.

» Ainsi, sur ces objets importans, sur cet ensemble des finances, malgré le travail assidu qu'exigeaient une foule de lois de détails, rien n'a été négligé de ce qui devait conduire à des opérations plus vastes, appuyées sur des bases certaines, et propres à rappeler enfin le crédit et la prospérité. Déjà presque tout ce qui tient à la perfection du système monétaire est terminé, et dans l'organisation du bureau de comptabilité, dans le refus d'augmenter le nombre des visiteurs de rôles, on voit l'assurance précieuse d'une rigide économie, et d'une volonté ferme de ne confier le trésor du peuple qu'à des mains indépendantes et pures.

>> La réforme du Code civil, l'établissement de l'instruction nationale demandaient de longues préparations; et les membres de l'Assemblée qui ont été chargés de ces travaux ont préféré d'entendre inculper leur lenteur, et de ne pas s'exposer aux reproches que les imperfections d'un ouvrage trop précipité leur auraient justement attirés.

» Aucune grande nation n'avait jamais été appelée à une régénération totale des lois civiles et de l'instruction publique ; jamais le système entier de ces deux parties essentielles de l'ordre social n'avait été soumis à l'examen de la raison, et une foule de questions qu'on n'avait jamais examinées, parce qu'on

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