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attend de son roi une conduite ferme, franche et loyale, et que la confiance et l'amour de tous les Français seront toujours à ce prix! (Applaudissemens prolongés.)

Voici le projet de décret :

» L'Assemblée nationale, applaudissant à la fermeté avec laquelle le roi a répondu à l'office de l'empereur du 21 décembre dernier, et après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, décrète :

» Art. 1er. Le roi sera invité par un message de demander à l'empereur, au nom de la nation française, des explications claires et précises sur ses dispositions à l'égard de la France, et notamment s'il s'engage à ne rien entreprendre contre la nation française, sa Constitution, et sa pleine et entière indépendance dans le réglement de son gouvernement, et si, dans le cas où la France serait attaquée, il lui fournira les secours stipulés par le traité du premier mai 1756.

» 2. Le roi sera également invité à demander que ces explications lui soient données avant le 10 février prochain, et à déclarer à l'empereur qu'à défaut d'une réponse entièrement satisfaisante à cette époque ce procédé de sa part sera envisagé par la nation française comme une rupture du traité de 1756, et comme un acte d'hostilité envers elle.

» 3. Le roi sera également invité de donner les ordres les plus précis pour continuer et accélérer autant qu'il sera possible les préparatifs de guerre et le rassemblement des troupes sur les frontières, de manière qu'elles soient en état d'agir dans le plus bref délai. »>

DÉCLARATION DE L'ASSEMBLÉE concernant le maintien de la Constitution. (Du 14 janvier 1792.)

L'impression et l'ajournement du rapport de M. Gensonné venaient d'être décrétés! néanmoins M. Guadet demande à l'Assemblée la permission de lui communiquer quelques réflexions que ce rapport a fait naître dans son esprit... Parlez, parlez, s'écrient plusieurs membres.

M. Guadet.« De tous les faits sur lesquels le comité diplomatique appelle l'attention de l'Assemblée, celui qui m'a le plus

frappé c'est le projet de formation d'un congrès dont l'objet serait d'obtenir la modification de la Constitution française; projet annoncé depuis si longtemps dans les journaux, mais toujours repoussé sur son invraisemblance jusqu'au moment où le discours du ministre de la guerre et le rapport de votre comité diplomatique ont dû faire croire qu'il a quelque consistance.

>>

Quel est donc ce complot nouveau formé contre la liberté de notre patrie, et jusques à quand souffrirons-nous que nos ennemis nous fatiguent par leurs manœuvres et nous outragent par leurs espérances.

» Ces espérances sont folles, j'en conviens : les députés des nations réunis pour assurer la liberté du monde, voilà le seul congrès possible aujourd'hui en Europe, voilà le seul probable! (Applaudissemens.)

« Mais s'il est vrai, comme on l'assure, que le fil de cette intrigue est tenu par des hommes qui croient voir dans son succès le moyen de sortir de la nullité politique dans laquelle ils viennent de descendre; s'il est vrai que quelques uns des agens du pouvoir exécutif, soit par attachement pour la maison d'Autriche, soit pour donner cette chance de plus à leur autorité, secondent de toute la puissance de leurs relations cet abominable complot; enfin s'il est vrai que l'état de défense, état ruineux dans lequel on nous a mis sans vouloir peut-être permettre que nous en sortions ni par la paix ni par la victoire, n'ait d'autre but que de nous amener par le découragement et par l'épuisement de nos finances à accepter comme une faveur cette honteuse médiation, l'Assemblée nationale doit-elle fermer les yeux sur de tels dangers? Non, messieurs; cette sécurité serait dangereuse et funeste; elle appellerait peut-être des crimes; il faut les prévenir.

>>

Apprenons donc, messieurs, à tous les princes de l'Empire que la nation française est décidée à maintenir sa Constitution tout entière! Nous mourrons tous ici.... >>

« A ceś mots tous les membres, animés du même sentiment, se lèvent, s'écrient: Oui, nous le jurons! Ce mouvement d'enthousiasme se communique à toutes les âmes, échauffe tous les cœurs; les ministres, les huissiers, les

citoyens, les citoyennes présens à la séance s'unissent aux representans du peuple, prêtent avec eux le même serment; les cris de vivre libre ou mourir! la Constitution ou la mort se font entendre; la salle retentit d'applaudissemens, et l'orateur répète: >> (Expression du procès-verbal.)

« Oui, nous mourrons tous ici plutôt que de permettre, je ne dis pas qu'on mette en question si le peuple français demeurera libre, mais seulement qu'il soit porté la moindre atteinte à la Constitution! Apprenons aux intrigans qu'ils peuvent bien chercher à égarer le peuple, qu'ils peuvent essayer de jeter des soupçons sur les intentions de ses représentans, mais que ce sera en défendant cette Constitution même contre eux que nous répondrons à leurs calomnies! (Vifs applaudissemens.)

» En un mot, marquons à l'avance une place aux traîtres, et que cette place soit l'échafaud! (Les applaudissemens redoublent.)

» Je propose à l'Assemblée nationale de déclarer dans l'instant même infâme, traître à la patrie, coupable du crime de lèse-nation, tout agent du pouvoir exécutif, tout Français, etc. » (Oui, oui ! · Bravo! bravo! La Constitution ou la mort! En prononçant ces mots tous les membres sont debout; ils tendent les bras, ils agitent leurs chapeaux : dans les tribunes publiques même attitude, mémes cris.)

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M. Guadet. « Voici la rédaction :

« L'Assemblée nationale, considérant que dans un moment » où la liberté du peuple français est menacée de toute part » il importe que les représentans du peuple écartent par tous » les moyens qui sont en leur pouvoir les efforts dirigés contre » la Constitution française, décrète qu'il y a urgence.

» L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, » décrète ce qui suit:

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L'Assemblée nationale déclare infâme, traître à la patrie » et coupable du crime de lèse-nation tout agent du pouvoir exécutif, tout Français qui pourrait prendre quelque part » directement ou indirectement soit à un congrès dont l'objet >> serait d'obtenir la modification de la Constitution française, » soit à une médiation entre la nation française et les rebelles

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conjurés contre elle, soit enfin à une composition avec les » princes possessionnés dans la ci-devant province d'Alsace qui » tendrait à leur rendre sur notre territoire quelqu'un des » droits supprimés par l'Assemblée nationale constituante, » sauf une indemnité conforme aux principes de la Consti

>> tution.

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» L'Assemblée nationale décrète que cette déclaration sera portée au roi par une députation, et qu'il sera invité de la » faire connaître aux puissances de l'Europe en leur annon»çant, au nom de la nation française, que, résolue de maintenir » la Constitution tout entière ou à périr tout entière avec elle, » elle regardera comme ennemi tout prince qui voudrait y porter atteinte. »

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Cette déclaration, mise sur le champ aux voix, est décrétée à l'unanimité, et saluée par de nouvelles acclamations qui se prolongent pendant plusieurs minutes. Ainsi qu'elle l'avait déjà fait en faveur de MM. Vaublanc et Condorcet, l'Assemblée décide que l'auteur de la motion décrétée présidera la députation au roi.

Louis XVI, en recevant la déclaration des mains de M. Guadet, lui dit :

« Vous connaissez mon attachement à la Constitution: assurez l'Assemblée nationale que je ne négligerai jamais rien de ce qui concourir à són affermissement. pourra

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>>

La déclaration du 14 janvier 1792 fut sanctionnée le même jour par le roi.

Au moment où l'enthousiasme du patriotisme subjuguait toutes les âmes, où le saint amour de l'indépendance nationale éclatait de toute part et confondait tous les vœux, M. Hérault-Séchelles avait obtenu la parole pour faire une proposition dont l'objet lui semblait devoir ajouter encore à la solennité de la délibération : M. Hérault avait rédigé, en improvisant, un projet d'adresse au peuple français : il en donna lecture; on l'applaudit; mais l'Assemblée, en ordonnant l'envoi aux départemens de la déclaration et du procès verbal de la séance dans laquelle elle avait été proposée et

décrétée, jugea inutile tout autre acte; le projet de M. Hérault fut renvoyé au comité diplomatique. Le voici :

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Projet d'adresse au peuple français, présenté par M. Hérault-
Séchelles. (Séance du 14 janvier 1792. )

« Français, vous pensiez il n'y a pas longtemps que le plus pressant intérêt de la patrie n'appelait vos regards que sur les mouvemens des princes étrangers et des ennemis extérieurs; mais vous apprendrez qu'ils ne sont en quelque sorte eux-mêmes que les agens et les mandataires des ennemis enfermés dans le sein de l'empire.

» Il existe un complot perfide dont la trame est brisée dès qu'elle est connue. On voulait, on veut encore faire rétrograder ' la nation vers la servitude par la corruption au dedans, par de vaines menaces au dehors; on veut diriger l'action de ce double moyen vers la convocation d'un congrès où quelques puissances étrangères, c'est à dire des cabinets, mais non pas des nations, oseront dire au peuple français : Nous vous permettons

de vous dire libres, mais à tel degré, à telle mesure ; c'est à nous de peser les droits de l'homme dans la balance du despotisme. Il nous plaît qu'une de vos castes l'emporte sur la nation; qu'en voulant régénérer votre empire vous n'ayez en effet régénéré que la féodalité, et qu'une chambre haute éternise chez vous, avec le patriciat, l'orgueil et les préjugés qui depuis huit siècles ont tenu les Français dans les fers.

» Si l'on ne vous impose pas immédiatement ces conditions, si le despotisme se relève d'abord avec moins d'audace, redoutez, ô Français, les combinaisons lentes et perfides par lesquelles on mutilerait plus sûrement encore votre Constitution sous le prétexte de la consolider par la paix ! On appelle clôture de la révolution le plan d'une transaction insensée dont l'idée seule est un crime de lese-majesté nationale, et doit vouer à l'indignation publique la mémoire de ceux qui l'ont conçue! Irrités contre une loi sacrée, patrimoine inalienable de l'homme, l'égalité, c'est la haine pour l'égalité qui les a liés d'intérêt avec des rebelles enhardis jusqu'à ce jour par nos ménagemens pusillanimes: comme si des rebelles étaient une puissance européenne! comme si les Français pouvaient, sans encourir le mépris du

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