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au gouvernement français, il est dit en termes formels que · les deux cours s'emploieront et s'entendront pour effectuer incessamment le concert auquel l'empereur vient d'inviter les principales puissances de l'Europe sur les affaires de France," et qu'elles se prêteront de plus à leur réquisition respective, secours et assistance réciproques, en cas que l'un ou l'autre de leurs états fût menacé de troubles.

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» Ce concert, arrêté primitivement à Padoue, renouvelé à Pilnitz (1), est encore consacré de nouveau par une circulaire de l'empereur aux différentes cours de l'Europe, dont la date est postérieure à la notification de l'acceptation du roi : il y déclare qu'il ne trouve plus de raison suffisante de ne pas reconnaitre la parfaite liberté du roi; mais il invite les états auxquels cette circulaire est adressée à laisser toujours subsister le concert pris préalablement entre lesdites puissances pour prévenir d'autres mouvemens et entreprises préjudiciables à la dignité du roi.

» Dans sa réponse à la notification de la Constitution française acceptée par le roi l'empereur déclare qu'il ne renonce

(1) DECLARATION DE PILNITZ, signée en commun par l'empereur et le roi de Prusse le 27 août 1791.

Sa majesté l'empereur et sa majesté le roi de Prusse, ayant entendu les désirs et représentations de Monsieur et de M. le comte d'Artois, se déclarent conjointement qu'elles regardent la situation où se trouve actuellement le roi de France comme un objet d'un intérêt commun à tous les souverains de l'Europe. Elles espèrent que cet intérêt ne peut manquer d'être reconnu par les puissances dont le secours est réclamé, et qu'en conséquence elles ne refuseront pas d'employer conjointement avec leursdites majestés les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces pour mettre le roi de France en état d'affermir dans la plus parfaite liberté les bases d'un gouvernement monarchique également convenable aux droits des souverains et au bien-être de la nation française. Alors, et dans ce cas, leursdites majestés l'empereur et le roi de Prusse sont résolues d'agir promptement d'un mutuel accord avec les forces nécessaires pour obtenir le but proposé et commun. En attendant elles donneront à leurs troupes les ordres convenables qu'elles soient à portée de se mettre en activité.

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point à ce concert, en exprimant le désir qu'il a que la résolution du roi des Français réponde à ses vœux pour la félicité publique; il ajoute qu'il désire aussi que les causes qui sont communes aux rois et aux princes, et qui, par ce qui s'est passé dernièrement, ont donné lieu à de funestes augures, cessent pour l'avenir, et que l'on prévienne la nécessité de prendre des précautions sérieuses contre leur retour.

» Enfin, messieurs, dans la note officielle remise le 21 décembre dernier à l'ambassadeur de France par le chancelier prince de Kaunitz, l'empereur, après avoir annoncé l'ordre donné au général Bender déclare qu'il est trop sincèrement attaché au roi et prend trop de part au bien-être de la France et au repos général pour ne pas désirer vivement d'éloigner cette extrémité et les suites infaillibles qu'elle entraînerait, tant de la part du chef et des états de l'Empire que de la part des autres souverains réunis en concert pour le maintien de la tranquillité publique et pour la sûreté et l'honneur des couronnes, et c'est, ajoute-t-on, par un effet de ce désir que le prince de Kaunitz est chargé de s'en ouvrir sans rien dissimuler avec l'ambassadeur de France.

Ainsi, messieurs, il ne peut pas être douteux en premier lieu que l'empereur n'ait violé le traité de 1756 en contractant à notre insu une alliance avec la Prusse ; il l'est encore moins qu'il n'ait été l'auteur de cette réunion, de ce concert actuellement existant entre les principales puissances de l'Europe, et dont, d'après les termes du traité avec le roi de Prusse, les affaires de France sont le principal objet.

» Si l'on rapproche ensuite de ces faits incontestables la protection que les émigrés ont obtenue, l'intervention accordée à l'électeur de Trèves contre nous, et ce cordon de troupes impériales qui s'est insensiblement formé sur nos frontières, comment pourrait-on douter que l'empereur n'ait déjà renoncé à notre alliance?

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Quelles peuvent être ses vues? Quel est le but de cette politique tortueuse, embarrassée, qui, changeant tout à coup les rapports extérieurs de la maison d'Autriche, ne lui prépare que des chances désavantageuses; de ce système qui, réunissant par des noeuds éphémères et mal assortis les intérêts inconci

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liables, tend à diriger des ressorts qui ne peuvent agir qu'en sens contraire; que l'empereur ne pourra jamais maîtriser, et que le hasard des événemens peut bientôt tourner contre lui-même? L'empereur a-t-il donc quelque intérêt à favoriser la cause des émigrés? Comment n'aurait-il pas calculé les difficultés insurmontables que présente le projet de reconquérir la France au despotisme? Comment n'aurait-il pas prévu que, quand bien même le succès serait possible, l'épuisement des deux empires, qui en deviendrait la suite infaillible, le livrerait lui-même à l'ambition de ses rivaux et à la discrétion de ses ennemis !

» Il est plus probable que ce concert des principales puissances de l'Europe, que l'empereur a formé, et qu'il se flatte de diriger à son gré, n'a d'autre but que d'effrayer la France par l'appareil des forces qui se réunissent contre elle, que de dominer tous ses mouvemens, que de river encore les fers qui l'enchaînent à l'Autriche, et d'amener insensiblement l'adoption d'un congrès qui modifierait les bases de la Constitution française, renverserait le principe de l'égalité des droits, sur lequel elle repose, et donnerait au trône une autorité presque

absolue.

» Tel est, messieurs, le projet auquel s'est ralliée la majeure partie des ennemis de la Constitution française: formé peut-être dans le sein de la France, des correspondances secrètes et la possibilité de lui ménager des partisans au milieu de nous en ont inspiré l'idée, et ont entretenu l'espoir de le faire adopter.

» Nous n'avons point sans doute à en redouter l'événement; après avoir conquis leur liberté les Français ne consentiront point à subir le joug d'une domination étrangère; une nation de vingt-quatre millions d'hommes libres qui ne veut que sa liberté, et qui la veut tout entière, ne s'avilira pas au point de soumettre sa souveraineté à des arbitres; ce n'est pas au moment où le ferment de la révolution agite encore toutes les têtes, où le feu sacré de la liberté embrase tous les cœurs, que les Français se livreront à un sommeil léthargique qui ne leur laisserait à leur réveil d'autre alternative que l'esclavage ou la mort!

» C'est à vous, messieurs, que le peuple a investis du droit

de parler en son nom, à qui il a confié la surveillance de ses plus chers intérêts, d'éclairer l'opinion publique sur les dangers qui nous entourent; c'est à vous qu'il appartient de faire connaître au peuple ses véritables ennemis : ils seront vaincus à l'instant même où vous les aurez démasqués.

» Sur la notification que le roi vous a fait faire de l'office de l'empereur la Constitution vous appelle au droit de concerter avec lui les mesures ultérieures que les circonstances peuvent exiger; c'est donc à vous d'examiner si les démarches de l'empereur ne doivent pas être envisagées comme des actes d'hostilité, et si l'intérêt national ne commande pas une guerre, qui, après une agression aussi formelle, ne pourrait être envisagée comme offensive.

Telle est notre situation actuelle, que l'éloignement de la guerre, de ce fléau que dans le cours ordinaire des choses l'humanité ne peut envisager sans frémir, serait aujourd'hui pour la France une véritable calamité: cette crise salutaire élèvera le peuple français à la hauteur de sa destinée, rappellera sa première énergie, affermira le crédit public, et étouffera les germes de nos divisions intestines! Ah! sans doute ils étaient loin de le prévoir les premiers agens de cette politique ténébreuse qui en a insensiblement amené la nécessité, et c'est ainsi qu'un génie bienfaisant semble tourner en faveur de la Constitution tous les efforts qu'on fait pour la détruire, et que les digues impuissantes qu'on oppose sans cesse au torrent de la liberté ne font qu'accroître l'activité de son cours et en redoubler la violence! (Applaudissemens.)

>> Une utile expérience indique à la France les mesures qui conviennent à sa sûreté. Dans une situation semblable un roi dont les talens peuvent seuls servir d'excuse au despotisme, Frédéric le Grand, ne surmonta les efforts de la ligue que la cour de Vienne avait formée contre lui qu'en allant au devant de ses coups; il ne connaissait pas par des actes publics et authentiques la coalition qui le menaçait, et une invasion prompte et soudaine assura sur sa tête une couronne que le moindre délai aurait pu lui ravir. ( Applaudissemens.)

» Votre comité vous propose d'accélérer autant qu'il sera possible les préparatifs pour la guerre, et d'inviter le roi à

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demander à l'empereur les explications les plus claires et les plus décisives sur ses dispositions à l'égard de la France : il faut exiger des réponses telles qu'il ne puisse vous rester le moindre sujet d'inquiétude, ou que l'Europe, assurée des mesures hostiles qui se préparent contre vous, soit convaincue de la nécessité où est la France de les prévenir.

» La réponse que le roi a faite à l'office de l'empereur, et qu'il vous a communiquée, a paru à votre comité convenir à la dignité nationale: vous devez applaudir à la fermeté qu'il a montrée, et lui porter par un message l'expression de la reconnaissance publique; mais vous devez aussi le prémunir contre les suggestions perfides et les fausses considérations dont il serait possible que les ennemis de la patrie cherchassent encore à l'entourer.

» Dites-lui que ceux-là le trompent qui voudraient lui persuader que des citoyens rebelles ont conservé quelque attachement pour lui lorsqu'ils ont trahi leur patrie; qu'il deviendrait la première victime de leur succès, si leur succès était possible; qu'il subirait bientôt le joug d'une aristocratie qui, siégeant à ses côtés, et exerçant sous son nom la plus insupportable tyrannie, ne lui laisserait que les dehors de la royauté ! :

» Dites-lui que ceux-là le trompent qui chercheraient à lui faire envisager le congrès des puissances étrangères comme un moyen de donner une nouvelle influence à l'autorité que la nation lui a déléguée ; que l'exécution de ce projet serait pour le peuple français et pour son roi le dernier degré de l'avilissement et de la honte ; qu'il ne tendrait qu'à rendre le royaume tributaire des puissances qui lui offrent leurs secours, qu'à le dégrader lui-même par la plus humiliante subordination, et à le rendre en quelque sorte le vice-roi d'une province des états autrichiens! (Applaudissemens réitérés.)

.de

>> Dites-lui que la guerre est utile, qu'elle est nécessaire, que l'opinion publique la provoque, et que le salut du peuple en impose la loi! ( Applaudissemens. Bravo! — Oui, oui!) » Dites-lui enfin que la nation française ne. désire que resserrer les nœuds qui l'attachent à lui; qu'il lui doit le sacrifice de tout ménagement, de toute considération étrangère au salut de la patrie; que l'Europe entière l'observe; que la nation

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