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Le roi poursuit au nom de la nation française une satisfaction que, réclament également la justice, le droit des gens et l'intérêt de l'Europe entière. Si le roi a fait des préparatifs militaires c'est parce qu'il a prévu la possibilité d'un refus, et il a dû se mettre en état de vaincre une injuste résistance; mais Sa Majesté ne désespère point encore du succès de ses instances: elle les a renouvelées, elle les suit avec activité, et elle a lieu de croire que des explications plus précises feront naître des dispositions plus justes. Ceux donc qui oseraient troubler le cours des négociations par des démarches précipitées, pardes attaques particulières, seraient des ennemis publics, odieux à tous les peuples, et condamnables par toutes les lois.

» En conséquence le roi mande et ordonne aux corps administratifs, aux officiers généraux et commandans des troupes nationales et de ligne, de veiller avec la plus grande attention à ce que tout le territoire étranger soit inviolablement respecté ; de veiller également à ce que tous les étrangers qui peuvent se trouver en France, de quelque nation qu'ils soient, y jouissent de tous les égards de l'hospitalité et de la protection des lois, en s'y conformant; enfin de prendre les mesures les plus efficaces pour que nulle altercation ne puisse s'élever entre les habitans et les troupes des frontières respectives, et pour qu'elle soit promptement apaisée.

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Enjoint Sa Majesté à tous les corps administratifs de réprimer de tout leur pouvoir et de faire poursuivre tous ceux qui pourraient contrevenir aux dispositions des lois et troubler l'ordre public; ordonne en outre Sa Majesté que la présente proclamation sera imprimée, publiée et affichée dans tout le royaume.

>> Fait au conseil d'état tenu à Paris le 4 janvier 1792.

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Signé Louis. Et plus bas B. C. Cahier. » RAPPORT sur l'office de l'empereur, fait au nom du comité diplomatique par M. Gensonné. (Séance du 14 janvier 1792.)

» Messieurs, vous avez renvoyé à l'examen de votre comité diplomatique la note officielle que le prince de Kaunitz a communiquée à l'ambassadeur français à Vienne, et dont la noti

VIII.

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fication vous a été faite au nom du roi par le ministre des affaires étrangères.

» Les questions les plus importantes naissent de cet examen. Quelle est notre situation politique à l'égard de l'empereur? Qu'avons-nous à espérer ou à craindre des dispositions qu'il a manifestées? Pouvons-nous envisager comme des actes formels d'hostilité les démarches de la cour de Vienne qui nous sont officiellement connues? Devons-nous accélérer, en attaquant, l'instant d'une rupture qu'on peut envisager comme prochaine, ou nous borner à exiger dans le plus bref délai des explications tellement claires et précises qu'en les obtenant il ne nous reste plus le moindre sujet d'inquiétude, ou que leur refus ne laisse plus de prétexte pour éviter la guerre?

» C'est du succès de la détermination que vous allez prendre, c'est de l'issue des grands événemens qui se préparent que dépendra notre considération politique au dehors, et l'affermissement de la liberté publique. Il est temps de donner à la nation française l'attitude qui lui convient auprès des puissances étrangères, de signaler notre indépendance, de déjouer cette politique ténébreuse qui tend sans cesse à donner à la révolution une marche rétrograde, à soumettre notre gouvernement intérieur à l'influence de quelques princes étrangers, et à subordonner la volonté générale d'un grand peuple à des lois qu'elle n'aurait point dictées! Il est temps de faire cesser des sujets d'inquiétude qui entretiennent dans un état habituel de fermentation le levain de nos divisons intestines, et de donner à l'Europe entière une nouvelle preuve de l'énergie et du courage des Français!

» Votre comité a pensé qu'il devait écarter de cette discussion tous les faits qui peuvent paraître étrangers à la conduite particulière de la cour de Vienne; les prétentions des princes possessionnés en Alsace et l'appui que l'empereur leur donne formeront l'objet d'un second rapport que votre comité se propose de vous faire très incessamment la lenteur des formes auxquelles ce dernier objet peut être assujéti et la différence des mesures qu'il peut entraîner ont déterminé votre comité à l'envisager d'une manière isolée, et à le séparer des autres objets. qui devront vous occuper aujourd'hui.

:

» Telle est notre situation politique à l'égard de l'empercur qu'il semble que l'alliance qui nous unit à lui n'ait été formée que pour les intérêts particuliers de la maison d'Autriche. Depuis le traité de 1756 la France a continuellement prodigué ses trésors et ses soldats, soutenu une guerre désastreuse pendant sept années, employé son crédit et l'influence qu'elle avait acquise dans la balance politique de l'Europe pour élever la puissance autrichienne, l'enrichir par des subsides, et lui ménager les traités les plus avantageux; non seulement elle a renoncé en faveur de cette nouvelle alliance à tous les rapports qu'elle avait si longtemps entretenus avec d'autres puissances, et qu'une politique plus éclairée lui eût fait conserver, mais telle a été sa fidélité à remplir ses engagemens qu'elle n'a pu être arrêtée dans les services qu'elle n'a cessé de rendre à l'Autriche ni par l'aigreur que d'anciens démêlés auraient pu produire, ni par les prétentions souvent exagérées de cette maison, ui enfin par la crainte d'augmenter une puissance dont l'ambition pourrait devenir un jour un sujet d'inquiétude pour l'Europe entière.

» Des procédés de cette nature devaient au moins assurer à la France un juste retour lorsqu'elle aurait à réclamer de l'Autriche les secours réciproques stipulés par un traité dont depuis plus de trente ans elle a supporté seule tout le poids.

>>

Cependant, messieurs, quel garant l'empereur donne-t-il à la France de sa fidélité dans l'exécution de ce traité? Quelles peuvent être sur cet objet vos espérances ou vos craintes? Quelle a été, quelle est encore sa conduite à notre égard? Nous ne remonterons point à une époque antérieure à la révolution; nous consentons à regarder les griefs plus anciens comme une suite nécessaire de la corruption ou de l'impéritie de notre ministère : mais en nous fixant à cette dernière époque nous croyons devoir appeler votre attention premièrement sur la protection ouverte que l'empereur a accordée aux émigrés; secondement sur cette réunion, ce concert de puissances préparé et formé à notre insu par l'empereur lui-même, dont l'existence est attestée par des actes authentiques, avoués et publiés par la cour de Vienne, et dont le but est ouvertement dirigé contre la liberté française.

>>

Lorsque les représentans de la nation fondèrent sa Cons

titution sur l'éternelle base de l'égalité des droits politiques; lorsque des hommes assez aveugles pour préférer des préjugés à leur patrie s'exilèrent de son sein, formèrent l'odieux projet d'y porter le fléau de la guerre civile, et de redonner au peuple français les fers qu'il avait brisés, c'est dans les états de l'empereur, de l'allié de la France, que des citoyens rebelles, devenus ses plus cruels ennemis, ont obtenu une protection ouverte et déclarée.

» C'est à Luxembourg que le traître Bouillé a trouvé un asile après avoir inutilement tenté de débaucher une partie de l'armée française; C'est de Luxembourg qu'était écrite cette lettre (1) ou plutôt ce manifeste où il menaçait la France des horreurs d'une invasion étrangère, où il osait annoncer qu'il dirigerait contre nous les forces des puissances voisines, sans que la cour de Vienne ait daigné le démentir! On vit alors se former de nombreux rassemblemens de Français émigrés à Ath, à Binch et à Tournay.

» Vainement voudrait-on distinguer dans la conduite de l'empereur à notre égard les faits qui ont précédé l'acceptation du roi de ceux qui l'ont suivie : cette distinction serait un nouvel outrage, et la souveraineté du peuple serait par cela même

méconnue.

» Vainement dirait-on que le gouvernement autrichien a rendu ensuite des ordonnances pour faire cesser ces rassemblemens: ces témoignages purement ostensibles sont démeurés sans effet; les rassemblemens ont continué, et les émigrés n'ont cessé de porter dans les états de l'empereur les caractères distinctifs de la rébellion en arborant la cocarde blanche et un uniforme particulier; et, comme si cette prédilection pour la cause des émigrés n'était pas assez marquée, dans le même temps des citoyens français n'ont pu sans s'exposer à des insultes publiques porter sur le territoire autrichien les couleurs nationales.

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Enfin, messieurs, à l'époque du 14 décembre dernier, lorsque l'acceptation formelle du roi, reconnue et avouée par l'empereur lui-même, ne laisse plus de prétexte à des démar

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ches équivoques, quelles sont les marques de bienveillance que l'empereur nous a données?

>> L'électeur de Trèves' tolérait dans ses états des rassemblemens de Français émigrés et tous les préparatifs d'une invasion prochaine : sur votre invitation l'empereur a été requis par le roi d'employer ses bons offices et même son autorité comme chef de l'Empire pour faire cesser les rassemblemens qui s'étaient formés dans l'électorat de Trèves; et il a répondu à cette invitation non pas, il est vrai, par un refus formel, mais par une inaction absolue.

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Quelle a été ensuite la conduite de l'empereur lorsque l'électeur de Trèves a réclamé son intervention sur la déclaration que le roi des Français lui a fait faire qu'il le regarderait comme ennemi si les rassemblemens n'étaient pas dissipés dans ses états au 15 janvier prochain?

» Cette intervention de l'empereur contre nous l'électeur de Trèves l'a obtenue à l'instant même où il l'a réclamée : le général Bender a reçu ordre de protéger contre les Français le territoire de l'électeur de Trèves; nulle explication n'a précédé cet ordre; l'empereur l'a notifié au roi des Français par un office rédigé dans les termes les moins ménagés.

» A la vérité il paraît certain qu'à la même époque l'empereur écrivait à l'électeur de Trèves qu'il ne devait pas compter sur ce secours; mais cette contradiction donne à sa conduite à notre égard un caractère plus injurieux : il était impossible que l'empereur annonçât d'une manière plus formelle à toute l'Europe l'incroyable ascendant qu'il veut prendre sur le gouvernement français, le peu d'importance qu'il attache à ses dispositions, la frayeur qu'il croit lui inspirer, et l'état de subordination absolue auquel il s'efforce de le réduire. Mais quelque décisives que soient les preuves de l'attachement du cabinet de Vienne à la cause des émigrés, les alliances qu'il a contractées à notre insu, cette réunion, ce concert qui s'est formé par ses soins entre les principales puissances présentent des considérations plus importantes que nous devons nous hâter de développer.

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Dans le traité passé entre l'empereur et le roi de Prusse le 25 juillet 1791, traité dont on n'a donné aucune connaissance

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