Page images
PDF
EPUB

au rang de ces moyens tout à la fois vastes et simples de maintenir toujours au complet et nos bataillons de volontaires et nos régimens de ligne.

>> Les volontaires nationaux, dont il m'est commandé par tant de raisons de surveiller les intérêts, n'éprouveraient dans cette destination momentanée qu'une différence bien légère; par leur dévouement ils sont engagés comme de véritables soldats de ligne et soumis au même régime tant que la patrie réclamera leur secours, et ceux qui seraient placés dans les régimens de ligne devraient n'être soumis que pour le temps où les volontaires nationaux seraient en activité.

» Oui, messieurs, les gardes nationales, créées avec la liberté, désireront avant tout le triomphe de sa cause • ce n'est pas pour obtenir tels ou tels avantages qu'on les voit tout quitter pour la défense de nos frontières; la place la plus utile est leur poste de gloire; elles doivent être avides des sacrifices que leurs ennemis redoutent, des sacrifices dont ils aiment à les défier, des sacrifices qui, n'appartenant pas à l'élan d'un moment, présentent à l'Europe le sentiment qui doit le plus imposer, la persévérance!

» Soit que l'Assemblée nationale daigne s'arrêter sur ce que je viens d'avoir l'honneur de lui soumettre, soit qu'elle préfère d'autres mesures pour rendre l'activité aux travaux des recrues, je la supplie de vouloir bien considérer que rien n'est plus urgent qu'une détermination quelconque si elle veut rendre possible l'exécution de son décret sur le complet de l'armée.

» La loi du 10 juillet dernier, qui fait passer le commandement des places à l'officier le plus ancien, a déchargé le trésor public d'une dépense onéreuse et perpétuelle. Les officiers pourvus inamoviblement de ces emplois ne servaient jamais militairement; on était même obligé de les remplacer lorsqu'il s'agissait de servir; mais ce commandement sans choix, passant de droit au plus ancien, est tombé par le fait dans une sorte de nullité; ces commissions éventuelles existent sans considération, sans intérêt, et avec une si grande mobilité qu'il en résulte nécessairement dans ceux qui les occupent passagèrement une indifférence absolue. Ainsi donc, pour faire valoir la loi de suppression du 10 juillet, et pour remédier

aux inconvéniens qu'elle produit en faisant languir le commandement des places entre des mains auxquelles il est toujours près d'échapper, ne serait-il pas à désirer, et seulement dans ce temps de crise, que ce commandement fût confié à des hommes choisis dans la partie active de l'armée, en leur donnant des lettres de commandement à temps avec des traitemens qui seraient nécessairement modiques, puisqu'ils n'existeraient que pour le moment du besoin ?

que

[ocr errors]
[ocr errors]

» Je prépare les élémens nécessaires au remplacement des officiers, afin de le terminer aussitôt le travail des revues municipales, ordonné par votre décret du 11 décembre, aura fourni l'état positif des places vacantes au 10 janvier, délai fixé par ce même décret.

» Mais ce décret, en traitant du mode de ce remplacement, qui exige un service dans la garde nationale, n'explique point assez clairement si les citoyens que leur zèle a placés comme volontaires dans la troupe de ligne sont compris dans cette disposition, de même que les frères et parens des officiers patriotes demeurés à leur poste, lesquels sont encore dans les diverses écoles, où les derniers instans de leur éducation militaire étaient autrefois considérés comme un véritable service.

» Il devient indispensable, messieurs, que vous vouliez bien par une décision prompte éclairer mon travail, afin que je puisse me conformer à ce que vous aurez regardé comme le plus utile à son succès, et ne pas perdre un seul instant pour consommer une opération dont dépend la force de l'armée.

» J'ai déjà demandé dans mes différens mémoires à l'Assemblée nationale une augmentation de huit lieutenans généraux, douze maréchaux de camp, quatre adjudans généraux, deux aides de camp généraux attachés au ministre, et huit commissaires des guerres : je renouvelle aujourd'hui la même demande, qui devient plus instante encore ; je n'en répéterai pas les motifs, qui sont développés dans mon dernier mémoire.

» La difficulté que le soldat épouve, surtout dans les garnisons frontières à échanger les assignats de cinq livres qu'on lui donne sur son prêt, et la perte qui en résulte pour lui, me font un devoir de vous représenter combien il est instant que l'Assemblée nationale vienne à son secours : je

[ocr errors]

crois que le seul parti à prendre serait de lui procurer des moyens d'échange soit par de la monnaie de cuivre, soit par des assignats au-dessous de cinq livres : l'Assemblée sentira sûrement que rien n'est plus pressant que cette mesure.

» Si l'Assemblée nationale daigne avoir égard à ces considérations j'ose lui répondre d'une armée redoutable, qui, si elle éprouvait des revers, saurait toujours s'en relever, et ne se croira jamais vaincue, parce que sa cause ne peut pas se perdre! Cette armée n'est pas cependant le seul élément de force sur lequel reposent nos espérances; c'est au sein de cette Assemblée que sont les plus grandes ressources de la France: le décret sur les Brabançons, grand exemple de la justice que la France réclame pour elle, le manifeste que vous avez adopté à l'unanimité, voilà aussi de véritables armes, et si vous étiez condamnés à la guerre c'est par des préjugés détruits que vous marqueriez votre passage!

» Si la paix de l'Europe est troublée il est fortement à désirer que nous formions des alliances: en rétablissant l'ordre vous deviendrez une puissance que toutes les autres rechercheront: quoi qu'on en puisse dire, ce qui leur importé uniquement pour s'unir à vous c'est de compter sur la force et la stabilité de notre gouvernement; la cause de la noblessé est étrangère aux rois comme aux peuples. L'Assemblée constituante a renversé toutes les erreurs ; la gloire qui vous reste doit se composer de bienfaits réels : c'est vous qui pouvez par la sagesse de vos délibérations assurer d'avance tous les succès auxquels nous aspirons. Les soldats, les gardes nationales, les départemens que j'ai vus, tous m'ont paru animés du même esprit, tous sont attachés à la Constitution, tous deviendraient ennemis du pouvoir qui voudrait empiéter sur l'autre ; et si des esprits exagérés croyaient voir par delà la Constitution des idées de liberté plus étendues, il importe qu'ils sachent que la Constitution seule peut rallier la France!

» Ceux qui ont eu le bonheur de contribuer à la révolution, ceux dont les noms ont mérité depuis la proscription de vos ennemis, cette armée enfin qui va combattre pour l'inébranlable établissement de la Constitution tout entière, ont le droit de vous demander de consacrer tous vos moméns et toutes vos

lumières aux grandes mesures qu'exige le succès de notre

cause.

[ocr errors]

› Rejetons tous les moyens qui n'ont ni utilité ni grandeur? et faisons perdre deux fois à la noblesse sa cause en nous emparant des vertus généreuses dont elle osait se croire la possession exclusive! Toutefois ne pensez pas, messieurs, qu'en me livrant ainsi à vous exprimer ce que je crois nécessaire à notre triomphe je puisse en douter un instant; tous les efforts réunis l'assureront, et le plus insensé comme le plus coupable des ministres serait celui qui croirait à la possibilité d'une gloire indépendante de la vôtre. Ne soyons donc point effrayés de la grandeur de la circonstance! L'Assemblée nationale et le roi veulent marcher à l'affermissement de la Constitution la paix ou la guerre se trouveront sur cette route : n'importe; le but est marqué; nous l'atteindrons! Il n'est aucun moment depuis la révolution dans lequel on ait dû trouver autant de bonheur à la défendre : il a pu en coûter peut-être d'être d'un parti tout puissant alors qu'il pouvait abuser de sa force; mais on nous menace d'un assez grand nombre d'ennėmis pour faire cesser ce scrupule de la fierté, et quand le danger ennoblit encore une cause elle n'a plus que des soutiens dignes d'elles ! »>

Des applaudissemens, souvent réitérés et toujours unanimes, ne furent pas le seul prix des travaux du ministre de la guerre; l'Assemblée offrit son rapport à la reconnaissance publique en en décrétant l'envoi aux départemens, aux gardes nationales et aux troupes de ligne.

SITUATION DE LA FRANCE AU COMMENCEMENT DE

L'ANNÉE 1792.

On a vu que la note du cabinet autrichien communiqué à l'Assemblée le 31 décembre (voyez plus haut, page 289) troubla la sécurité qu'on avait pu concevoir de la situation de la France à la fin de l'année 1791; cette circonstance provoqua d'abord de la part du roi la proclamation qui suit ; et bientôt après un rapport du comité diplomatique.

[ocr errors]

1

PROCLAMATION DU ROI Concernant le maintien du bon ordre sur les frontières. - Du 4 janvier 1792.

« Le roi a donné connaissance à l'Assemblée nationale de l'office remis le 21 décembre dernier à l'ambassadeur de France près de sa majesté impériale. Cet office exprime la crainte qu'avant la manifestation de la volonté nationale, et même contre le vœu de la nation, le territoire de l'empire germanique ne soit insulté par des Français.

» C'est par ce motif que l'empereur a ordonné à ses généraux dans les Pays-Bas de marcher au secours de l'électeur de Trèves.

» Le roi a senti ce qu'une telle inquiétude pouvait avoir d'offensant pour le peuple français.

>>

L'Europe est en paix, et certes ce ne sera point aux Français restés fidèles à leur patrie et a leur roi qu'on pourra reprocher d'avoir troublé son repos.

>> Qui pourrait croire d'ailleurs que des Français voulussent violer le droit des gens et la foi des traités en considérant comme ennemis des hommes auxquels la guerre n'aurait pas été solennellement déclarée? La loyauté française repousse avec indignation un soupçon si outrageant.

» Il se pourrait néanmoins que des suggestions perfides, que des manœuvres adroitement concertées fissent naître quelques différens entre les habitans et les troupes des frontières respectives, et que des provocations inconsidérées produisissent des actes véritablement hostiles; mais pour déjouer ces manœuvres il suffit de les faire connaître. Le roi recommande donc aux corps administratifs et aux généraux d'employer tous leurs efforts pour prévenir les effets des moyens qui pourraient être employés pour irriter l'impatience du peuple et l'ardeur de l'armée.

[ocr errors]

Français, dans la grande circonstance où nous nous trouvons il dépend de vous de donner un exemple mémorable à l'Europe: forts de la bonté de votre cause, fiers de votre liberté que votre modération et votre soumission à la loi vous fassent respecter par vos ennemis! Sachez qu'attendre le signal de la loi est pour vous un devoir, que le prévenir serait un crime.

« PreviousContinue »