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pour la liberté, une si grande ardeur pour la défendre, qu'il faut se commander pour ainsi dire d'écouter les plaintes qui ont été faites contre les désordres que quelques bataillons volontaires sont accusés d'avoir commis sur leur route et dans leurs garnisons: il faut convenir aussi que la précipitation des mesures qui les ont portés sur les frontières n'avait pas permis de prendre toutes les précautions nécessaires pour soulager les habitans qui étaient tenus de les recevoir; les citoyens fatigués. ont pu quelquefois les juger avec sévérité.

» Autrefois nos jeunes officiers passaient pour aimer à se battre, à inquiéter leurs hôtes, et à casser des vitres : nos gardes nationales, jeunes militaires, ont à cet égard un peu trop adopté les manières anciennes (on rit); je leur ai fortement demandé l'exemple du respect pour la loi, dont ils sont l'armée, et j'ose compter sur l'effet de mes discours.

» Leur habillement étant confié par les décrets de l'Assemblée nationale aux soins des directoires de département, je me suis empressé de faire passer à ces directoires les fonds qui leur étaient nécessaire, et j'ai lieu d'espérer que la totalité des bataillons sera incessamment habillée : quant à leur équipement, la rareté du buffle avait ralenti cette fabrication; mais les mesures que j'ai prises y ont suppléé; les gardes nationales n'éprouveront plus de retard sur cette partie.

» Toutes les dispositions ont été faites pour leur armement; les réparations ordonnées aux fusils qui en ont besoin sont dans la plus grande activité : non seulement j'ai donné ordre à cet effet aux directeurs de l'artillerie d'employer tous les moyens qui sont à leur disposition pour accélérer ces réparations, mais encore j'ai autorisé les commandans de bataillon à faire réparer les armes qui auraient pu éprouver quelques dégradations dans leur transport.

» A l'égard des sabres il avait été fait, en vertu de la loi du 10 septembre dernier, une adjudication au rabais de cette fourniture aux fourbisseurs de Paris; mais la trop grande concurrence les ayant fait adjuger à des prix fort au-dessous de la valeur du travail, les adjudicataires demandent aujour d'hui la résiliation de leur marché, et pour y suppléer j'ai donné sur le champ des ordres dans les principales villes qui

présentent le plus de ressources pour cette fabrication; nais je ne puis encore déterminer à l'Assemblée les époques auxquelles elle pourra être faite.

» Le décret que vous venez de rendre préviendra pour l'avenir une grande partie des autres réclamations des gardes nationales; il est cependant un article de ce décret qui peutêtre mérite de nouveau l'attention de l'Assemblée : ne trouvera-t-elle pas, en y apportant un plus sévère examen, que c'est à ceux qui ont longtemps appris et pratiqué l'art difficile de la guerre à conduire, à commander les autres? Ce n'est ni la convenance des individus ni celle de quelque troupe qui doit décerner le commandement; le courage vraiment patriotique est celui qui appelle l'expérience, et qui demande qu'elle lui serve de guide.

« J'ai recueilli avec la plus scrupuleuse attention toutes les plaintes que les bataillons de volontaires m'ont adressées, je dois m'en souvenir pour eux, car ils les ont complètement oubliées dès l'instant où je le leur ai promis des coups de fusil.

» Il faut donc regarder les volontaires comme donnant à l'armée le plus imposant des caractères, celui de la force et de la volonté nationale.

» Les soldats savent trop bien qu'ils vont défendre leur propre cause pour qu'il ait été nécessaire d'affermir leurs résolutions. Je n'ai pu juger qu'imparfaitement de leur instruction; mais pour eux tout le secret de la guerrre est dans la discipline, et, si elle fut quelques instans relâchée, mon opinion est que la confiance dans les chefs suffira pour la rétablir. Les insurrections excitées par des causes politiques, en éloignant les subordonnés de l'obéissance, avaient nécessairement dégoûté les officiers du commandement; j'ai cru voir dans les soldats un sincère désir de se soumettre désormais aux ordres de leurs chefs, et je ne doute pas des heureuses suites de ces dispositions si l'Assemblée veut bien regarder, comme je l'ai annoncé, la désobéissance envers les officiers comme un crime de lèse-nation puisqu'elle peut mettre en péril la cause de la liberté : toutefois, je dois le dire, l'insubordination dans plusieuss régimens a été provoquée par les préventions que les circonstances semblaient quelquefois autoriser; les chefs dont les opinions sort

les plus constitutionnelles sont en même temps ceux dont les régimens donnent l'exemple du plus grand ordre et de la plus exacte discipline. J'ai dû regarder comme le principal but de mon voyage d'interroger la loyauté des officiers : je leur ai cité jusqu'à l'exemple de leurs camarades absens. Il en est qui, ne partageant pas nos opinions, ont refusé de s'engager par le serment qui nous y attache; mais les sacrifices mêmes qu'ils ont faits à ce refus sont une preuve du mépris dont ils couvriraient ceux qui auraient prêté ce serment sans vouloir le tenir, et seulement pour ménager tous leurs intérêts jusqu'à la veille d'une trahison.

» Il est une partie des officiers qui nous restent que leurs propres opinions et leurs propres sentimens lient à notre cause; il en est une autre que l'acceptation du roi a décidée à le servir : j'ai été utile auprès de ceux-ci en ajoutant à leur certitude sur la loyauté des intentions de sa majesté. Ces officiers méritent l'estime et toute la confiance de l'Assemblée, ils respectent le serment qu'ils ont fait; ils n'ont pas craint de voir le nom du roi devenu garant de la sincérité de leur attachement à la Constitution; ils ne forment plus de doute sur ses vrais sentimens.

» Je voudrais maintenant répondre qu'il n'existe plus un seul officier dans l'armée dont on puisse craindre la défection; que ceux qui pensent encore que leur devoir ne les oblige pas de marcher sous les drapeaux de la nation et du roi suivront dès ce moment l'exemple de quelques officiers qui m'ont donné ou envoyé leur démission, convaincus par moi, j'ose le dire, de l'impossibilité de rester honorablement à leur poste sans être résolus à respecter leur serment; je le voudrais, je le garantirais sur la foi de l'honneur français si par cet acte de loyauté je ne compromettais que moi mais je peux au moins répondre que s'il reste encore quelques désertions à craindre elles n'entraîneront aucun corps, et que l'horreur même qu'elles inspireront redoublera le vrai courage. Je peux répondre que la très-grande majorité de l'armée est invariablement attachée à la Constitution et au roi ; que je surveillerai, que le roi repoussera par des refus constans ceux dont on peut douter encore, et que les remplacemens n'intro

duiront dans l'armée que les meilleurs citoyens : mais pour lui donner toute sa force il faut, j'ose le dire, que l'Assemblée nationale s'attache les officiers en encourageant ceux qui, restés fidèles, ont droit à la confiance des soldats, et ne la demandent que pour les conduire plus sûrement à la victoire.

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» Dans des temps orageux la défiance est peut-être le plus naturel, mais le plus dangereux des sentimens : plus une nation a de rebelles à combattre, plus il lui importe d'engager par son estime tous ceux qui se rallient à sa cause; une nation qui veut la liberté n'aurait pas le sentiment de sa force si elle se livrait à des terreurs sur les intentions de quelques individus. Quand la volonté générale est aussi fortement prononcée qu'elle l'est en France, en arrêter l'effet n'est au pouvoir de personne; la confiance fût-elle même un acte de courage, il importerait au peuple comme aux individus de croire à la prudence de la hardiesse.

» Voici dans l'état actuel le nombre de troupes que l'on peut porter hors des frontières sans exposer la sûreté des places.

Quatre-vingt-huit bataillons et quarante-huit escadrons étant nécessaires à la sûreté des places frontières et des différens postes, il nous reste pour entrer en campagne cent cinquante bataillons et cent treize escadrons, lesquels, en les comptant sur le pied de cinq cents hommes par bataillon et de cent vingt par escadron, nous donneront soixante-quinze mille homines d'infanterie et treize mille cinq cents de cavalerie; ces corps, portés au complet de guerre, présenteront un total de cent dix mille hommes d'infanterie et de vingt mille de cavalerie,

» Ce résultat doit prouver à l'Assemblée que si l'intérêt national exige la guerre elle peut être entreprise et soutenue avec honneur. Le roi et l'Assemblée, d'après cet état de situation, voudront sans doute une paix éclatante autant qu'assurée, ou une guerre prochaine ; il doit leur être démontré que tout nous est possible, excepté de supporter la honte d'un traité qui permettrait aux étrangers de s'immiscer dans nos débats politiques.

» Il est des observations importantes que je vais soumettre à l'Assemblée; il dépend d'elle de lever les difficultés que je lui présente si pour les décider je ne me sers jamais d'aucun

motif de crainte, c'est que si j'ai pu espérer de lui offrir la démonstration de la raison j'ai dû me croire dispensé d'y ajouter l'appui d'aucun genre de terreur.

» Messieurs, il m'est pénible sans doute de vous annoncer que l'armée, qui par vos décrets doit être portée au complet de guerre, cette armée, à qui dans la cause qu'elle va défendre il n'est pas permis de compter le nombre de ses ennemis, présente un déficit de cinquante-un mille hommes; et vous concevrez facilement la presque impossibilité du recrutement depuis que la formation des volontaires nationaux a porté vers ce genre de service la classe précieuse d'hommes qui fournissait le plus généralement aux recrues. Je dois ajouter que l'établissement des auxiliaires n'offre par la même raison aucune ressource majeure, et que le travail du recrutement, suspendu partout, ne donne aucun espoir d'être ranimé avec succès, à moins de se soumettre à des conditions ruineuses pour nos finances par un prix excessif dans les engagemens.

» Mon devoir me prescrit donc de mettre sous vos yeux le résultat de mes observations sur cet objet, aussi délicat qu'urgent.

» J'ai remarqué dans tous les bataillons de volontaires nationaux placés sur ma route un zèle si unanimement manifesté, que profondément occupé des moyens de recruter les troupes, j'ai pressenti ces soldats de la liberté sur mon désir de les voir concourir à renforcer les troupes de ligne et à accélérer l'instant qui doit assurer à l'armée et sa force et sa gloire.

» J'ai été rassuré, messieurs, sur la crainte qui s'est d'abord présentée à mon esprit de voir s'affaiblir des corps en qui réside à si juste titre l'espérance de la nation; mais le décret qui les organise ayant chargé les départemens des remplacemens, pour qu'ils existent toujours sur le pied du complet, les ressources aussi promptes qu'heureuses qu'ils présenteraient à l'armée de ligne assureraient encore à la patrie de nouveaux défenseurs par l'exactitude et le zèle des départemens à leur donner des successeurs.

>> Cette mesure, je me plais à le croire, peut devenir l'objet de vos délibérations, et peut-être même que, soumise à votre discussion et renfermée dans de justes bornes, vous la placerez

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