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» Dans ces places presque toutes les bouches à feu, déjà mises en batterie, sont exposées à toutes les injures de l'air : je m'occupe des moyens de rendre moins destructive pour les affûts cette mesure, uniquement commandée par le besoin de calmer des inquiétudes.

» Les fonderies et les arsenaux sont en pleine activité, et de nouvelles découvertes ou des applications ingénieuses de celles dues aux puissances voisines sont la meilleure preuve du patriotisme éclairé d'un corps qui jusqu'à présent a servi de modèle à tous les autres.

» Au nombre des inventions utiles est celle qui, sans avoir aucun des inconvéniens justement reprochés aux couvreplatines, réunit tous leurs avantages: j'ai donné l'ordre d'en envoyer sur le champ des modèles dans les manufactures d'armes à feu.

»Je dois aussi les plus grands éloges à l'activité que le corps de l'artillerie a mise dans ses essais pour perfectionner le système d'une artillerie volante, déjà adoptée par les Prussiens et les Autrichiens. Ces essais, dont j'ai moi-même été témoin, ne laissent rien à désirer sur l'utilité dont peut être cette manière nouvelle de servir une arme dont la prodigieuse influence à la guérré est déjà si connue; cette artillerie a d'ailleurs pour elle le suffrage imposant des généraux, qui la regardent comme indispensablement nécessaire dans les circonstances actuelles : soumise à une discussion éclairée, elle fera l'objet d'un mémoire particulier que je mettrai incessammént sous les yeux de l'Assemblée, en lui proposant son organisation.

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» Je crois inutile d'entrer dans des détails sur les munitions guerre ; je me bornerai donc à dire que l'exposé qu'en a fait votre comité est plutôt affaibli qu'exagéré.

» A l'égard des vivres, effets de campement et d'hôpital, et autres objets de tout genre, les précautions ont été prises pour que celles des places qui dans l'état actuel des choses pourraient être investies soient approvisionnées complètement; on s'est borné pour les autres à disposer tellement les grands dépôts que l'on soit toujours en mesure de les pourvoir au moment utile.

Vous voyez, messieurs, combien sont imposans nos Toyens de défense contre toute attaque étrangère, de quelque ananière qu'elle soit combinée mais, en restant toujours fidèles au principe qui vous interdit toute conquête, à ce principe qui est un des plus beaux titres de la Constitution à l'amour des peuples, les circonstances doivent nous forcer à porter nos troupes sur le territoire ennemi si nous nous voyons condamnés à une guerre, qui, provoqués comme nous le sommes, ne peut plus être depuis longtemps pour nous qu'une guerre défensive; et c'est d'après cette idée que j'ai dirigé les observations de mon voyage.

» L'armée du Nord, dans les garnisons dont il vient de vous être rendu compte, est la première que j'ai vue, et je dois dire à l'honneur de M. de Rochambeau qu'elle est dans un état bien supérieur à celui qu'on pouvait attendre des circonstances orageuses qui l'ont troublée, et que ce général a su trouver dans la confiance qu'inspire son amour pour la liberté les moyens de faire exécuter les ordres nécessaires au maintien de la discipline.

>> Parmi les officiers qui ont puissamment secondé ce général, qu'il me soit permis de citer M. de Biron comme un des hommes les plus dignes de l'amour des soldats et de l'estime des patriotes.

» A Metz l'élève de M. de Rochambeau, M. Berthier, au zèle et aux services duquel j'aime à rendre ici un hommage public, m'a remis la lettre du roi et le décret de l'Assemblée qui permettait de nommer maréchaux de France MM. de Rochambeau et Luckner: je me félicite d'avoir désiré ce décret; il associe l'Assemblée nationale à la faveur qu'accorde le roi, et lui donne des droits personnels sur la reconnaissance des généraux de l'armée. Je les ai proclamés maréchaux de France à la tête de la garnison, en présence des en présence des corps administratifs et de la garde nationale: les troupes m'ont paru fières de la récompense de leurs chefs. C'est à Metz, dans une conférence que sa majesté m'avait ordonné d'avoir avec MM. Luckner, Rochambeau et Lafayette, que des plans de campagne, d'après différentes hypothèses, ont été proposés. Le secret est nécessaire à tous ces plans: mais ce qui peut, ce qui doit être

dit à l'Assemblée nationale, c'est la force actuelle de nos trois armées, et la certitude de leurs approvisionnemens.

>>

Depuis Dunkerque jusqu'à Besançon l'armée présente une masse de deux cent quarante bataillons et cent soixante escadrons, avec l'artillerie nécessaire pour deux cent mille hommes: les magasins, tant en vivres qu'en fourrages, assurent la subsistance de deux cent trente mille hommes et vingt-deux mille chevaux pendant six mois; on travaille avec la plus grande activité à les augmenter encore.

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Indépendamment des effets de campement qui se trouvent dans les places frontières, il en sera incessamment rendu dans les magasins de seconde ligne pour cent mille hommes.

>> Six mille chevaux sont déjà rassemblés pour le service de l'artillerie et des vivres; on travaille au rassemblement de six mille autres: j'ai pris des mesures pour compléter le nombre nécessaire aux différens services de l'armée, et la construction des caissons et attirails qu'ils entraînent est en grande partie terminée.

>> Le service des hôpitaux ambulans est également assuré pour cent cinquante mille hommes.

» Enfin tous les approvisionnemens ont été prévus, et les mesures ont été prises pour l'activité qu'exigeraient les campagnes.

>> Un des objets sur lesquels devait surtout porter mon attention était le dépôt des remontes générales. Ce nouvel établissement, qui doit préparer et fournir en tout temps à la cavalerie de promptes ressources pour la porter au complet, a déjà vaincu les principaux obstacles à sa parfaite organisation, celui de l'emplacement et celui, si délicat, d'une distribution impartiale des chevaux aux divers régimens : je me suis assuré que les règles établies au dépôt général pour cette répartition prévenaient jusqu'au soupçon de la plus légère faveur.

» Lunéville, centre de ce dépôt, offre de vastes écuries pour deux mille chevaux ; des lieux très rapprochés, et qu'un même chef surveille, peuvent ajouter une nouvelle ressource de douze cents places : à de si grands moyens pour les logemens se joignent encore l'abondance des fourrages à un prix trèsmodéré, et l'heureux avantage de se trouver tout à la fois à

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portée et des armées qui doivent s'y recruter et des pays nous serons condamnés longtemps sans doute à acheter la majeure partie de nos remontes.

» Ce n'est pas ici le lieu de vous présenter, messieurs, les encouragemens que vous devez à une mesure aussi économique que politique dont la Prusse éprouve l'utilité, et à laquelle elle doit en grande partie la supériorité de sa cavalerie; mais je ne puis me dispenser de vous observer que si, sous le régime sévère de ce gouvernement, il a fallu une espèce de courage pour lutter avec succès contre tous les intérêts individuels, les combats de l'amour-propre, disons même l'excès du zèle de certains régimens, qui ne pouvaient plus se dessaisir du prétendu droit de faire partiellement leurs remontes, vous devez vous attendre dans les circonstances actuelles à des réclamations dont vous saurez apprécier les motifs. Mon objet en cet instant est de vous présenter les avantages que vous offre déjà cet établissement, dû aux soins de mon prédécesseur ; il a fourni les moyens d'acheter et de rassembler à la fois une très grande quantité de chevaux; déjà près de quatre mille sont entrés en France malgré les obstacles de tout genre, de la concurrence d'achats faits en même temps par des autres puissances, et de la difficulté de les faire arriver.

» La réception de ces chevaux s'accélère sous l'inspection d'un officier général, de plusieurs officiers expérimentés, et d'un artiste vétérinaire depuis longtemps célèbre. Deux mille quatre cents chevaux sont déjà reçus; près de sept cents sont distribués aux régimens des différentes armes, et neuf cents sont prêts à l'être, l'incomplet en hommes dans la cavalerie ayant nécessité quelque retard dans cette distribution.

» Comme je partais de Metz pour me rendre à Longwy, j'ai reçu un courrier de M. Delessart, qui m'a apporté le dernier office de l'empereur : cette nouvelle pouvant changer les plans de campagne politiques et militaires, je me suis hâté d'aller à Strasbourg pour revenir plus tôt à Paris; j'ai chargé M. de Lafayette de visiter les places des départemens où il commande, et dans cette circonstance, comme dans toutes celles où il s'agira de guerre et de liberté, j'engagerai toujours ma responsabilité sur la parole de M. de Lafayette.

* J'ai reconnu à Strasbourg que la place la plus împortante du royaume était en même temps la plus redoutable par sa garnison et par la garde nationale, que le ministre de la guerre lui-même pouvait confondre avec des troupes de ligne. L'infatigable activité de M. de Luckner, sa surveillance continuelle sur toutes les parties de l'art militaire, le patriotisme et les talens de M. Diétrick, maire de la ville, donnent toutes les raisons possibles de sécurité sur cette place.

» En quittant Strasbourg j'ai pu me dispenser de voir Huningue et Neuw-Brisach, villes que j'ai habitées récemment comme colonel, et que je connais dans tous leurs détails.

» Je suis arrivé à Béfort; j'ai appris qu'on y retenait encore près de 500,000 livres que des décrets de l'Assemblée constituante et un de cette Assemblée ordonnaient de rendre à l'état de Soleure j'ai demandé qu'on donnât force à la loi; et l'Assemblée me pardonnera d'avoir oublié dans cette occasion l'ancienne gravité ministérielle pour me souvenir que j'avais été gardé national depuis 1789, et pour en faire le service avec mes compagnons de voyage et les troupes de ligne. Comme ministre de la guerre j'ai dû jouir aussi de pouvoir faire rendre justice à l'un des cantons suisses, car je ne dois pas méconnaître le prix de l'alliance d'une nation dont les troupes sont à la fois si courageuses et si fidèles.

» De Béfort j'ai été à Besançon ; j'y étais appelé par l'affaire dont l'Assemblée m'avait ordonné de lui rendre compte : M. de Montesquiou, commissaire nommé par le roi, l'avait terminée, car en la remettant entre les mains de la justice il l'avait arrachée à la lutte de toutes les préventions. Il m'était nécessaire toutefois de revoir ines premiers amis dans la cause de la révolution, ceux à qui je dois peut-être le périlleux honneur auquel j'ai osé me dévouer.

» Dans le cours du voyage que je viens de tracer rapidement à l'Assemblée je me suis arrêté partout pour parler aux officiers et aux soldats, ainsi qu'aux volontaires nationaux, au nom de la Constitution et du roi ; j'invoque à cet égard tous les témoignages, sans en redouter aucun; j'ai donc le droit de parler avec sincérité sur les dispositions que j'ai rencontrées. » Les gardes nationales ont un sentiment si vif d'amour

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