Page images
PDF
EPUB

ressante de nos forces qu'à applaudir aux mesures qui ont été prises, et presque toujours à confirmer celles qui n'étaient que projetées et dont le roi m'avait expressément ordonné de presser l'exécution : j'ai trouvé à cet égard de très grands secours dans le résultat des comptes rendus au mois d'octobre dernier par les commissaires-inspecteurs de l'artillerie et du génie nommés en vertu des décrets de l'Assemblée constituante. Ma confiance a dû se raffermir encore lorsqu'à mon retour j'ai reconnu que la plupart de ces vues étaient confirmées dans l'excellent rapport qui vient de vous être présenté par votre comité militaire sur l'état des frontières du royaume. (1)

» Je me bornerai donc aux considérations relatives aux points capitaux qui, par leurs rapports avec les positions des armées, peuvent influer le plus puissamment dans la balance de nos forces.

» La place de Lille, par exemple, nous a montré de plus grandes ressources que l'opinion ne lui en attribue communément: c'est avec des monumens de ce genre que nous pourrons adopter la maxime que les bons secrets en matière militaire sont ceux dont on peut faire confidence à ses ennemis. Nous ne craindrons donc pas de dire que, malgré l'état de perfection et d'achèvement complet des ouvrages de cette place, il existe cependant une partie faible, et il le faut bien lorsqu'on en vient à les apprécier comparativement; mais cette partie faible ( qu'un attaquant pourrait bien ne pas. saisir) est encore bien forte par l'obligation de faire quatre opérations majeures et successives avant de parvenir au terme définitif de tous les siéges. La citadelle, qui n'est véritablement attaquable que du côté de la ville, servirait ensuite de retraite, non pour capituler, mais pour donner le temps de recouvrer tous les avantages que la nature des choses aurait fait perdre dans les attaques de la place. Cette observation doit écarter toute espèce d'ombrage sur les citadelles, que quelques-uns prétendent menacer la liberté des citoyens : j'en appelle à cet égard à la révolution; il n'est pas une citadelle, pas un seul

(1) Ce rapport, fait le 27 décembre 1791 par M. Crublier-Opterre, offrait le tableau graphique des ouvrages faits, commencés ou restant à exécuter dans les places de guerre de première et de seconde classe.

réduit qui ait seulement essayé ni pu essayer d'opposer la plus légère résistance à la volonté prononcée des citoyens. Que produirait en effet le foudroiement supposé de quelques maisons qui se trouvent en butte au feu des citadelles? La masse des habitans n'en serait pas moins en sûreté; ils ne seraient qu'avertis des mesures à prendre, et qui ne peuvent leur échapper ces mesures consistent à n'approvisionner les citadelles en vivres que par les magasins de la ville, et au moment même où ces citadelles doivent commencer à être utiles.

1

» Lille doit être aussi considérée sous les rapports offensifs, c'est dans ce vaste dépôt de nos forces qu'on trouvera les plus importantes ressources, la sûreté des magasins et des munitions de tout genre, un appui redoutable dans les positions d'attente, un asile dans les revers, qu'il faut prévoir, mais dont les suites seraient d'autant moins à craindre que les débris d'une armée battue y seraient encore invincibles; ils le seraient par la seule proportion numérique des assiégeans aux assiégés, proportion qui, comme on sait, dans une place de cet ordre doit être au moins de six à un : ainsi vingt mille hommes dans Lille seraient encore. forts contre cent vingt mille attaquans.

» Ce que nous venons d'apercevoir sur les propriétés de la place de Lille est applicable avec plus ou moins d'avantage aux places de Douai, Valenciennes, Maubeuge, Charlemont, Sedan, Metz, Landau, Strasbourg, Besançon, et à une partie de celles dont le comité militaire vous a présenté le rapport: j'en adopte les résultats, et je ne fais ici que vous en rappeler les conséquences.

» Sous ce point de vue le camp retranché sous Maubeuge, proposé par M. de Rochambeau et exécuté par les officiers du génie, m'a paru suppléer au défaut d'espace de cette place. Une armée occupée sur un grand développement doit avoir nécessairement des instans de faiblesse ; il faut donc lui ménager des moyens de les soutenir, de reprendre haleine, de se maintenir par des communications sûres, et d'attendre le moment de reprendre le ton offensif. Sur ce qui concerne la défense propre de la place de Maubeuge nous n'avons pu qu'en approuver les dispositions.

»Charlemont est dans le meilleur état de défense; les Givet

et le Mont-d'Haure, qui n'en sont que des accessoires ne parais→ sent pas répondre au point capital; mais en les considérant comme des extensions propres à divers établissemens necessaires, ils prennent le caractère de camp retranché, et sous ce rapport on a pu se borner aux précautions qui y ont été prises.

:

» Les projets sur Mézières sont excellens on doit cependant les borner pour le moment à l'achèvement de la couronne de Champagne.

» Le grand défaut de la place de Sedan est d'être obstruée par des maisons cumulées pour contenir des manufactures précieuses et une population proportionnée : j'ai été frappé de l'utilité d'un projet qui ferait disparaître ce défaut essentiel en donnant à cette ville des emplacemens d'une grande étendue par une extension de l'enceinte du côté de la prairie : cette partie, déjà garantie par une inondation sûre, exigerait peu de dépense et nous procurerait une place du grand ordre. Comme ce n'est pas ici le moment de s'occuper de ce projet, M. le maréchal de Rochambeau y a suppléé par l'adoption d'un camp retranché sur la hauteur de la Garenne. Cette sition est un diminatif d'une autre beaucoup plus étendue en avant celle-ci est fortifiée par la nature; mais comme elle exigerait de très grandes forces, j'ai fait, d'après les ordres du roi, travailler sur le champ aux ouvrages du camp plus rapproché, sans renoncer à profiter de la grande position lorsque la proportion des forces à la disposition des généraux leur permettrait de l'occuper.

po

» Je passe sur les places et postes intermédiaires sur lesquels on a fixé d'une manière fort exacte l'attention de l'Assemblée.

» La place de Metz est dans l'état le plus respectable par l'étendue des positions qu'embrassent de grands fronts d'une disposition savante et d'une exécution achevée; aussi cette place est-elle regardée comme l'un des boulevarts de l'empire, comme un centre de forces propre à fournir à tous les moyens d'une guerre offensive dans cette partie, et comme l'asile le plus sûr et le point le plus utile de réunion en cas de revers. 15. ***£*

[ocr errors][merged small][merged small]
[ocr errors]

dant encore un défaut d'équilibre sensible, les grands fronts de la Moselle et de Belle-Croix paraîtraient en effet d'une force surabondante tant que l'ennemi aurait la liberté de se porter à son gré sur des parties faibles ou négligées; tel est le front de la place qui correspond à la hauteur de Montigny. C'est par cette raison qu'on avait projeté depuis longtemps de couronner cette hauteur par un grand ouvrage en avant de celui de Belle-Croix; mais les dépenses considérables d'une pareille entreprise en ont toujours fait différer l'exécution. Il s'agit donc aujourd'hui de corriger ce défaut; il s'agit surtout d'en sauver les dépenses énormes ainsi que la perte de temps qu'exigerait un si grand étalage : cela est d'autant plus nécessaire encore que l'on s'est trouvé dans l'obligation de relever le corps de la place en cette partie, en le reprenant depuis ses fondations; cette opération ne peut être que très lente, et semble laisser une porte ouverte qui a déjà causé des inquiétudes. Il m'a paru qu'il ne suffisait pas de bonifier l'ouvrage à corne qui couvre cette partie défectueuse; outre que cette bonification ajouterait peu aux moyens de la défense, elle entraînerait des bouleversemens longs à réparer, et prêterait peutêtre à l'espèce de scandale de défaire pour refaire; c'est donc ici le cas de s'emparer promptement de la hauteur de Montigny par un ouvrage tirant sa défense de lui-même : par cette position on découvre tous les points couverts qui pourraient favoriser les approches de l'ennemi dans cette partie. Quoique peu consistant en apparence, un ouvrage de ce genre forcerait l'assiégeant aux détails longs et meurtriers d'une attaque régulière; cette disposition imposerait d'ailleurs fortement à l'opinion; elle déroberait le faible actuel de la place, et en donnant le temps d'en reveler les défectuosités elle remplirait le but d'une résistance réelle par le développement de toutes les ressources de la guerre souterraine, favorisant les retours offensifs pour lesquels ce genre d'ouvrage est surtout disposé.

» La nécessité indispensable d'un prompt retour à Paris m'a forcé à me faire rendre compte de la place de Bitche. Ce poste, considéré individuellement, est excellent, et il est dans le meilleur état; mais les généraux m'ayant fait observer l'importance de sa situation relativement aux communications de la Lorraine avec la première tête de nos frontières à Landau,

nous avons regretté que le temps ne permit pas d'y compléter les dispositions d'un camp retranché propre à couvrir des troupes, des munitions et de grands magasins de tout genre: j'ai cependant ordonné aux officiers du génie de s'occuper promptement de cet objet, et de proposer les moyens les plus rapides de perfectionner cette position.

>>

Egalement condamné à ne pas voir Landau, je me suis assuré que ce chef-d'œuvre de Vauban promet une résistance prolongée au-delà du terme d'une campagne, et c'est bien plus que n'en exige le temps de rassembler des forces suffisantes pour en faire lever le siége.

» On trouve de nouveaux motifs de confiance dans la place de Strasbourg. On y voit une armée retranchée, et même si bien fortifiée que l'attaquant serait ramené à concentrer ses dispositions sur la seule esplanade des fronts attaquables; on a renforcé ces fronts par des galeries de mines et par différentes mesures; on a proposé en outre de porter un ouvrage en avant pour attirer à lui seul tous les efforts de l'assiégeant, et pour éloigner d'autant ses attaques : comme on hésitait d'entreprendre cet ouvrage avancé, dans la crainte qu'il ne pût pas être prêt pour le moment utile, j'ai cru devoir trancher cette question en adoptant des moyens d'industrie qni permettent la plus grande célérité, me fondant d'ailleurs sur les mesures offensives qui nous occupent, et qui donnent aux opérations défensives tout le temps qu'elles exigent.

» Sur ce qui concerne les places de Lauterbourg, FortLouis, Schelestadt, Brisach, Huningue, Béfort, Bélamont, Besançon, etc., je n'ai rien trouvé à changer aux mesures qui ont été prises; on en va poursuivre l'exécution avec d'autant plus de confiance qu'elles se trouvent en tout conformes à celles qui vous ont été présentées dans le rapport de votre comité militaire.

» Dans toutes les places que je viens de passer en revue l'artillerie est dans l'état le plus respectable. Je me suis assuré de l'exécution des ordres donnés par les commissaires du génie et de l'artillerie, et les comptes que je me suis fait rendre m'ont prouvé que ce qu'il reste à faire ne souffrira aucun retard.

VIII.

22

« PreviousContinue »