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cause en donnant les motifs de votre décision, en montrant que vous obéissez à vos devoirs : dans les actes rigourenx le législateur doit montrer qu'il agit d'après le sentiment de sa conscience et non d'après ses passions. Je dis que la justice, la raison et la bonne politique exigent un considérant.

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» J'observe d'ailleurs que ce décret, destiné à obtenir la blicité d'une loi, admet fort bien un considérant, et que c'est l'acte d'accusation qui seul ne doit porter que les faits. Je demande donc la conservation du considérant. »

Le considérant est conservé, sauf quelques amendemens, et le décret d'accusation, rendu à une très-grande majorité, est proclamé au bruit d'applaudissemens qui éclatent seulement dans les tribunes publiques : l'Assemblée garde le silence.

Le lendemain le rapporteur du comité diplomatique présenta la rédaction définitive des deux décrets ci-après, que l'Assemblée adopta sans nouvelle discussion.

I

Décrets des 1 et 2 janvier 1792. — Non sujets à la sanction (1). – L'exécution en a été ordonnée par le roi le 4 du même

mois.

« L'Assemblée nationale, considérant que la notoriété publique et des actes extérieurs connus de l'Europe entière ne permettent plus de douter que des Français fugitifs ont formé le coupable projet d'attenter à la liberté de leur patrie; que des princes français se sont déclarés les chefs de cette conspiration; qu'ils ont calomnié la nation, ses représentans et son roi; tenté d'élever des doutes sur la sincérité de l'acceptation que Louis XVI a solennellement proclamée ; appelé autour d'eux une foule de rebelles; fait des préparatifs hostiles, suivis de négociations auprès des puissances étrangères; sollicité d'elles des secours en hommes, en armes et en argent, ouvertement dirigés contre la France; fomenté dans le sein du royaume des divisions funestes; tenté d'ébranler la fidélité de plusieurs agens de la force

(1) « Ne sont sujets à la sanction les actes relatifs à la responsabilité des ministres, ni les décrets portant qu'il y a lieu à accusation. (Constitution, tit. III, chap. III, sect. III, art. 7.)

publique; entretenu des relations suspectes dans l'intèrieur, et fait en ôler et recruter au nom du roi jusque dans le sein de la France;

» Considérant que les mesures décrétées par l'Assemblée nationale au commencement du mois de novembre dernier, et le délai qu'elle avait accordé, n'ont fait qu'accroître l'audace des rebelles, ont provoqué des réponses séditieuses et insolentes aux exhortations fraternelles du roi, nécessité des armemens considérables et entretenu des inquiétudes funestes au crédit, et une fermentation dangereuse pour la tranquillité publique ; » Décrète qu'il y a lieu à accusation contre Louis-Stanislas Xavier, Charles-Philippe et Louis-Joseph, princes français : N. Calonne, ci-devant contrôleur général; N. Laqueuïlle l'aîné et Grégoire Riquetti (1), tous les deux ci-devant députés à l'Assemblée nationale constituante, comme prévenus d'atten- › tats et de conspiration contre la sûreté générale de l'état et de la Constitution. >> blysha, oldura, A

» L'Assemblée nationale, considérant qu'il inìporte à la tranquillité publique de prendre sans délai les mesures les plus propres pour déjouer les projets des conspirateurs et hâter l'exécution du décret d'accusation qu'elle a rendu :...!

» Que les agens du pouvoir exécutif lui doivent compte de tous les éclaircissemens qu'ils ont dû se procurer sur les démar ches officielles des révoltés auprès des cours étrangères, sur les circonstances qui ont accompagné et suivi leurs complots, la désignation de leurs principaux agens, l'état et le nombre de leurs complices.

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» Décrète que ses comités diplomatique et de législation réunis lui présenteront, dans le délai de trois jours, un projet d'acte d'accusation contre Louis-Stanislas-Xavier, CharlesPhilippe et Louis-Joseph, princes français, et contre N. Calonne, ci-devant contrôleur général, N. Laqueuille l'aîné et Grégoire Riquetti, tous les deux ci-devant députés à l'Assemblée nationale constituante;

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(1) Mirabeau cadet, célèbre par l'immense distance qui le séparait de son frère. Le comité avait d'abord employé le nom de Mirabeau; on le supprima sur cette observation d'un membre, qu'un nom aussi illustre ne devait pas être souillé par un décret d'accusation.

» Décrète que le ministre des affaires étrangères sera tenu de remettre au comité diplomatique, dans le même délai, toutes les notes et éclaircissemens relatifs auxdits complots et aux circonstances qui les ont accompagnés ou suivis, que les agens de la nation après des puissances étrangères ont dû lui. faire parvenir, comme aussi de dénoncer à l'Assemblée nationale ceux d'entre lesdits agens qui peuvent s'être rendus coupables de connivence avec les révoltés, soit en favorisant' ouvertement leurs projets, soit en négligeant d'instruire le gouvernement des dispositions hostiles qu'ils ont manifestées et des négociations qu'ils ont préparées et suivies sous leurs yeux dans les cours étrangères.

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En vertu de ce second décret les comités présentèrent à l'Assemblée un acte d'accusation qu'elle adopta sans discussion le 6 février suivant; et dont voici la teneur: a heg

ACTE D'ACCUSATION contre, etc. (Non sujet à la sanction.) Décrété le 6 février 1792. L'exécution en a été ordonnée le roi le 8 du méme mois.

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1

Une conspiration a été formée contre la Constitution et la liberté de la nation française par des Français émigrés.... Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe et Louis-Joseph Bourbon, princes français, sont prévenus de s'en être montrés publiquement les chefs.

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Calonne, ci-devant contrôleur-général des finances de France, Jean-Baptiste Laqueuille l'aîné et Grégoire Riquetti ́, l'un et l'autre députés à l'Assemblée nationale constituante, sont également prévenus de s'être montrés les principaux agens de cette conspiration, d'avoir répandu des doutes sur la volonté du peuple français et sur son adhésion à la Constitution, sur la pureté des intentions de ses représentans et sur la sincérité de l'acceptation de la Constitution par le roi; d'avoir provoqué l'émigration, fait des armemens, réclamé des secours auprès des puissances étrangères pour soutenir cette ligue contre la France, excité dans l'intérieur de l'Empire des troubles et la rébellion contre la loi et les pouvoirs constitués; tenté de séduire les différens agens de la force publique, et fait faire

des enrôlemens au nom du roi jusque dans le sein de la France.

» L'Assemblée nationale, dans sa séance du 2 janvier dernier, a décrété qu'il y avait lieu à accusation contre ces cons~ pirateurs, et en conséquence elle accuse par le présent acte, devant la hautecour nationale, Louis-Stanislas-Xavier, CharlesPhilippe et et Louis-Joseph Bourbon, princes français; Calonne, ci-devant contrôleur-général des finances de France; JeanBaptiste Laqueuille l'aîné et Grégoire Riquetti, l'un et l'autre anciens députés à l'Assemblée nationale constituante, et tous prévenus de complots et de conspiration contre la sûreté générale de l'Etat et de la Constitution. >>

Décret de DÉCHÉANCE, etc., du 19 janvier 1792. ( Non sujet à la sanction.) L'exécution en a été ordonnée pas le roi le 20 du même mois.

On a vu plus haut, pages 208 et 209, le décret et la proclamation concernant le prince français premier appelé à la régence. D'après les ordres du pouvoir exécutif la proclamation avait été affichée et publiée dans Paris le 7 novembre: le délai qu'elle accordait au prince pour rentrer dans le royaume étant expiré, l'Assemblée nationale, dans ses séances des 18 et 19 janvier 1792, rendit le décret suivant, dont l'exécution fut ordonnée dès le lendemain par le roi :

« L'Assemblée nationale considérant que Louis-StanislasXavier, prince français premier appelé à la régence, n'est pas rentré dans le royaume sur la réquisition du corps législatif prononcée le 7 novembre, et que le délai de deux mois fixé par la proclamation est expiré, déclare, aux termes de l'article 2 de la troisième section du chapitre II du titre III de la Constitution, que Louis-Stanislas-Xavier, prince français, est censé avoir abdiqué son droit à la régence, et qu'en conséquence il en est déchu.

» Le pouvoir exécutif fera proclamer le présent acte du corps législatif dans les trois jours de la présentation qui lui en aura été faite, et il rendra compte à l'Assemblée nationale des mesures qui auront été prises à cet effet. w

Décret concernant les biens des émigrés.

février 1792.

Des 9 et 12

Le séquestre des biens des émigrés avait été prononcé par le décret des 8 et 9 novembre ( voyez plus haut, page 224); mais, ce décret n'ayant pas été sanctionné, la mesure restait encore à porter, et devenait une conséquence des décrets d'accusation. Le 12 février le roi ordonna l'exécution du décret ci-après, que l'Assemblée avait rendu le 9:

« L'Assemblée nationale considérant qu'il est instant d'assurer à la nation l'indemnité qui lui est due pour les frais extraordinaires occasionnés par la conduite des émigrés, et de reprendre les mesures nécessaires pour leur ôter les moyens de nuire à la patrie, décrète qu'il y a urgence;

» L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les biens des émigrés sont mis sous la main de la nation et sur la surveillance de scorps administratifs.

» Elle charge son comité de législation de lui présenter un mode d'exécution du présent décret, et les exceptions qui pourraient y être admises.» (Le décret d'exécution est du 31 mars 1792; sanctionné par le roi le 8 avril suivant. )

DE LA NÉCESSITÉ DE RÉUNIR TOUS LES FRANÇAIS DANS UN MÊME ESPRIT.

Dans les renvois aux comités, dans l'examen ajourné de la note diplomatique communiquée par le roi, dans les délibérations de l'Assemblée sur des affaires de détail, l'ardent patriotisme de M. Isnard voyait de dangereuses lenteurs ; il s'effrayait surtout de la divergence des opinions qui partageaient l'Assemblée. Le 5 janvier M. Isnard, frappé du péril de la chose publique, interrompt, l'ordre du jour pour faire, dit-il, une motion d'ordre public : L'Assemblée consent à l'entendre. Nous pensons que nos lecteurs le liront avec intérêt; il est à l'ordre de tous les temps de chercher les moyens de concilier tous les esprits.

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