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la guerre, mais elle aime la paix; elle sent qu'elle en a besoin, et elle a trop la conscience de ses forces pour craindre de I l'avouer.

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Lorsqu'en demandant aux nations de respecter son repos elle a pris l'engagement éternel de ne jamais troubler le leur, peut-être aurait-elle mérité d'en être écoutée; peut-être cette déclaration solennelle, ce gage de sécurité et de bonheur pour les peuples voisins devait-il lui mériter l'affection des princes qui les gouvernent: mais ceux de ces princes qui ont pu craindre que la nation française ne cherchât à produire dans les autres pays des agitations intérieures apprendront que le droit cruel de représailles, justifié par l'usage, condamné par la nature, ne la fera point recourir à ces moyens employés contre son repos; qu'elle sera juste envers ceux mêmes qui ne l'ont pas été pour elle; que partout elle respectera la paix comme la liberté, et que les hommes qui croient pouvoir se dire encore les maîtres des autres hommes n'auront à craindre d'elle que l'autorité de son exemple!

» La nation française est libre, et, ce qui est plus que d'être libre, elle a le sentiment de la liberté : elle est libre, elle est armée; elle ne peut être asservie! En vain compteraiton sur ses discordes intestines : elle a passé le moment dangereux de la réformation de ses lois politiques; et, trop sage pour devancer la leçon du temps, elle ne veut que maintenir sa Constitution et la défendre. Cette division entre deux pouvoirs émanés de la même source, dirigés vers le même but, ce dernier espoir de nos ennemis s'est évanoui à la voix de la patrie en danger; et le roi, par la solennité de ses démarches, par la franchise de ses mesures, montre à l'Europe la nation française forte de tous ses moyens de défense et de prospérité. Résignée aux maux que les ennemis du genre humain réunis contre elle peuvent lui faire souffrir, elle en triomphera par sa patience et par son courage; victorieuse, elle ne cherchera ni réparation ni vengeance.

» Tels sont les sentimens d'un peuple généreux dont ses représentans s'honorent d'être ici les interprètes; tels sont les projets de la nouvelle politique qu'il adopte. Repousser la force, résister à l'opposition, tout oublier lorsqu'il n'aura

plus rien à redouter, et ne plus voir que des frères dans des adversaires vaincus, réconciliés ou désarmés; voilà ce que veulent tous les Français, et voilà quelle est la guerre qu'ils déclareront à leurs ennemis! »>

Communication à l'Assemblée d'une note diplomatique du cabinet autrichien.

Jusqu'ici le tableau de la situation politique de la France ne présente pas un état d'hostilités imminentes: Louis XVI ne croit avoir à se plaindre que de quelques petits princes d'Allemagne ; dans la personne de l'empereur il voit encore un allié fidèle....... A la réception d'une note diplomatique ce tableau va se rembrunir.

LETTRE du roi à l'Assemblée nationale.

Paris, le 31 décembre 1791.

« J'ai chargé le ministre des affaires étrangères, messieurs, de vous communiquer l'office que l'empereur a fait remettre à l'ambassadeur de France à Vienne. Cet office, je dois le dire, m'a causé le plus grand étonnement : j'avais droit de compter sur les sentimens de l'empereur et sur son désir de conserver avec la France la bonne intelligence, et tous les rapports qui doivent régner entre deux alliés. Je ne peux pas croire encore que ses dispositions soient changées : j'aime à me persuader qu'il a été trompé sur la vérité des faits; qu'il a cru que l'électeur de Trèves avait satisfait aux devoirs de la justice et du bon voisinage, et que néanmoins ce prince avait à craindre que ses états ne fussent exposés à des violences ou à une incursion particulière.

» Dans la réponse que je fais à l'empereur je lui répète que je n'ai rien demandé que de juste à l'électeur de Trèves, rien dont l'empereur n'ait lui-même donné l'exemple ; je lui rappelle le soin que la nation française a pris de prévenir sur le champ les rassemblemens de Brabançons qui paraissaient vouloir se former dans le voisinage des Pays-Bas autrichiens; enfin je lui renouvelle le vœu de la France pour la conservation de la paix mais en même temps je lui déclare que si à l'époque

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VITI.

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que j'ai fixée l'électeur de Trèves n'a pas effectivement et réel¬ lement dissipé les rassemblemens qui existent dans ses états, rien ne m'empêchera de proposer à l'Assemblée nationale, comme je l'ai annoncé, d'employer la force des armes pour l'y contraindre. (Applaudissemens.)

>> Si cette déclaration ne produit pas l'effet que je dois espérer, si la destinée de la France est d'avoir à combattre ses enfans et ses alliés, je ferai connaître à l'Europe la justice de notre cause; le peuple français la soutiendra par son courage, et la nation verra que je n'ai point d'autres intérêts que les siens, et que je regarderai toujours le maintien de sa dignité et de sa sûreté comme le plus essentiel de mes devoirs. (Applaudissemens. )

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» Signé Louis, et plus bas Delessart. >>

Le ministre des affaires étrangères, chargé de cette lettre du roi, communique en même temps à l'Assemblée « la >> note officielle remise le 21 décembre à l'ambassadeur de France par le chancelier de l'empereur, prince de Kaunitz, » en réponse aux instances qui lui ont été faites par lé roi d'employer ses bons offices auprès des princes de l'Empire » pour les engager à faire cesser les rassemblemens d'émi» grés qu'ils tolèrent dans leurs états. Dans cet office l'em>> pereur annonce que l'électeur de Trèves lui a communiqué » les réquisitions qui lui ont été faites par la France, ainsi » que les craintes que l'électeur éprouve de quelques incursions de la part de la France, quoiqu'il ait suivi en tout à l'égard des émigrans la conduite de Léopold envers eux. L'empereur ajoute qu'il partage ses craintes, quoique parfaitement sûr des intentions modérées du roi très chrétien; mais qu'il n'est pas rassuré sur la stabilité des » principes adoptés en France, sur la subordination des pouvoirs, et surtout des provinces et municipalités ; qu'en conséquence l'empereur est forcé d'enjoindre au général Bender de porter aux états de l'électeur de Trèves les > secours les plus prompts et les plus efficaces, au cas qu'ils » fussent violés par des excursions hostiles ou imminemment » menacés d'icelles. »

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Aussitôt après la lecture de cette pièce, dont nous donnons l'extrait inséré au procès verbal de l'Assemblée, M. Vaublanc prit la parole; il témoigna le plus vif regret de n'avoir pas, dans le message au roi que l'Assemblée adopta sur sa proposition (voyez plus haut, page 263), demandé que les princes français émigrés fussent tenus de sortir des états qui leur donnaient un asile. M. Vaublanc, regardant cette mesure comme étant conforme à la justice, à la sûreté et à la gloire de la nation, en fit l'objet d'une motion expresse que l'Assemblée renvoya au comité diplomatique.

L'office de l'empereur, également renvoyé à l'examen de ce comité, donnera bientôt lieu à une délibération qui fournira des matériaux au tableau politique de la France au commencement de l'année 1792.

MISE EN ACCUSATION DES PRINCIPAUX ÉMIGRÉS.

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Le décret d'accusation contre les chefs des émigrés était depuis longtemps sollicité et attendu ; à M. Merlin (de Thionville), qui le premier avait provoqué cette mesure, s'était réuni un grand nombre de membres pour l'appuyer pour la reproduire à différens intervalles; enfin le 25 décembre, sur la proposition de M. Guadet, l'Assemblée ajourna la question au 1er janvier 1792, toute affaire cessante. M. Guadet, en demandant cet ajournement, ne craignait pas «< que le décret réclamé fût l'ouvrage de l'enthousiasme : - Ce sera bien plutôt, dit-il, un décret provoqué par l'indignation profonde dont nous sommes tous saisis depuis trois mois. Mais, continua M. Guadet, vous ne pourriez en ce moment porter ce décret d'accusation sans tomber en contradiction avec vous-mêmes : votre décret concernant les émigrés, décret frappé par le veto, accordait aux chefs de la révolte jusqu'au 1er janvier pour rentrer en France, et j'observe que cette clause comminatoire, étant purement relative au dé cret d'accusation, subsiste malgré le veto, car tout ce qui concerne les actes d'accusation est indépendant de la sanction royale. Votre décret d'ailleurs, qui n'est que suspendu dans son exécution, peut être sanctionné demain; et si, ce que j❤

suis bien loin de croire assurément, les chefs des révoltés rentraient le 29 décembre en France, vous ne pourriez donner de suite au décret d'accusation porté contre eux. Il faut donc necessairement attendre jusqu'au 1er janvier, puisque vous-mêmes avez mis en quelque sorte cet obstacle à l'explosion de la vengeance de la nation. Mais je demande que, toute affaire cessante, parce qu'il ne peut y en avoir de plus grande que celle que commande la sûreté nationale, le premier janvier l'Assemblée donne au peuple pour étrennes ce décret d'accusation. (Applaudissemens.) La révolution a déjà marqué dans le temps l'année 1789 pour la première année de la liberté française; le décret qui sera rendu le 1er janvier 1792 marquera peut-être cette année pour la première de la liberté universelle! Je demande en outre qu'on ajourne au même jour la motion que je fais de porter en même temps un décret de séquestre, à titre d'indemnité pour la nation, des biens de tous les Français qui portent ou qui ont pris les armes contre leur patrie.

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Ces propositions, que M. Brissot réunit ensuite dans un projet de décret, avaient été renvoyées aux comités diplomatique et de surveillance; le 1er janvier ces deux comités en firent chacun l'objet d'un rapport.

RAPPORT fait au nom du comité diplomatique par M. Gensonné. (Séance du 1er janvier 1762.)

« Messieurs, votre comité diplomatique, en adhérant à l'amendement proposé par M. Brissot, m'a chargé de vous présenter un projet de décret d'accusation et une analise sommaire des motifs qui l'ont déterminé.

» La question se réduit à cette simple proposition: y a-t-il lieu à accusation? quelles personnes devons-nous accuser? Nous ne vous dissimulerons pas qu'on peut opposer à cette démarche des considérations politiques qui au premier coup d'œil ne paraissent pas dénuées de fondement; mais un examen plus réfléchi, des observations plus approfondies ont convaincu votre comité que les craintes dont on chercherait à vous environner n'ont aucune réalité : quand bien même elles seraient

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