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partie des forces nationales leur est confiée, une preuve authentique de la confiance de la nation, décrète qu'il a urgence;

>> L'urgence décrétée, l'Assemblée nationale a rendu le décret suivant :

» Art. 1. Deux officiers généraux commandans d'armée pourront être élevés au grade de maréchal de France sans que les places qu'ils occuperont puissent être considérées comme une augmentation permanente au nombre de six, auquel a été borné par le décret du 4 mars dernier (1) celui des maréchaux de France en activité.

» 2. Lorsque par la suite il viendra à vaquer une place de maréchal de France il ne pourra être pourvu au remplacement que conformément à la loi du 4 mars 1791, et sans que le nombre des maréchaux de France puisse excéder celui de six. »

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Le 30 du même mois le ministre de la guerre, au nom du roi, reçut maréchaux de France les généraux Rochambeau et Luckner; la cérémonie eut lieu à Metz, à la tête de la garnison sur le bâton que le roi leur fit remettre on lisait : la nation, la loi et le roi.

Sur la demande d'un fonds extraordinaire faite par le ministre de la guerre.

Enfin le ministre de la guerre avait demandé un supplément de fonds extraordinaire; dans un aperçu des dépenses qu'il présenta le 18 à l'Assemblée il porta ce supplément à vingt millions: le 29 l'Assemblée le lui accorda par un décret dont voici le considérant : (29 décembre 1791.)

» L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique, militaire et de l'ordinaire des finances réunis ;

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Considérant que les mesures ordonnées par le roi pour le rassemblement des forces nationales sur les frontières, et les déclarations qu'il a fait faire par ses agens auprès des puissances érrangères sont commandées par l'intérêt général et le vœu de tous les Français ;

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(1) Voyez tome VII, page 248, à la note.

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Qu'il importe au succès des négociations et à la promptitude des démarches ultérieures qu'elles peuvent entraîner de s'assurer à l'avance de tous les moyens de défense et d'attaque qui pourront devenir nécessaires;

» Décrète, etc. »

PROJET D'ADRESSE au peuple français présenté par M. Vergniaud. (Séance du 27 décembre 1791.)

M. Vergniaud avait pensé que dans ces circonstances l'Assemblée nationale devait par une adresse se mettre en relation avec le peuple dont elle était l'organe : - Dans les grandes occasions, dit-il, ces communications ont le double avantage et de ranimer la confiance dans les représentans de la nation, et de ranimer l'esprit public dans le cœur de tous les citoyens. M. Vergniaud proposait l'adresse que voici :

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Français, l'appareil de la guerre se déploie sur vos frontières; on parle de complots contre la liberté; vos armées se rassemblent; de grands mouvemens agitent l'empire.

>> Dans ces conjonctures, dont la malveillance pourrait ou dissimuler ou exagérer les dangers, vos représentans vont vous dire avec confiance et franchise quels efforts la patrie attend de votre amour pour elle et de votre courage.

» Des prêtres séditieux préparaient dans le secret des cons→ ciences et jusque dans la publicité de la chaire un soulèvement contre la Constitution; ils assaillaient des dernières torches du fanatisme des lois qui détruisent sa puissance.

» D'audacieux satellites du despotisme, portant quinze siècles d'orgueil et de barbarie dans leurs âmes féodales, demandaient à toute la terre, à tous les trônes de l'or et des soldats pour lui reconquérir le sceptre de la France.

» Deux lois martiales nous parurent nécessaires pour sauver la patrie de ces deux factions conjurées; dès lors elles nous, semblerent justes : cependant nos efforts n'ont abouti qu'à faires briller un instant la foudre aux yeux de la rébellion; une main clémente en a suspendu les coups; la sanction a été refusée à nos décrets.

» Une autre mesure était commandée par la dignité nationale. Quelques princes du corps germanique, sous les dehors de l'hospitalité, ont fait de leur territoire un repaire de conspirateurs ; ils ont accueilli les Français émigrés, et donné protection à leurs complots; ils leur ont fourni des secours d'hommes et de chevaux ; ils leur ont permis de se former en corps d'armée : le droit des gens a été violé : des préparatifs hostiles sont dirigés contre vous; on vous oblige à consumer en mesures défensives une riche portion de votre trésor national.

» Pouviez-vous garder le silence sur tant d'injures, et affecter une impassibilité absolue dans une situation aussi pénible? Fallait-il avec une patience suicide vous laisser conduire à ce degré de faiblesse où la victoire n'aurait pas même coûté à vos ennemis les hasards du combat?

» Ah! sans doute la gloire et le salut de la patrie vous sont toujours chers : vous avez renoncé aux conquêtes; mais vous ne promîtes point d'endurer d'insolentes provocations! Vous avez secoué le joug de vos despotes : ce n'est pas pour fléchir ignominieusement les genoux devant quelques despotes étrangers! Amis de l'humanité, vous ne troublerez jamais par les fureurs d'une déplorable ambition le bonheur du monde; amis de la liberté, vous en aurez toute l'énergie pour réprimer l'audace qui tenterait de troubler le vôtre.

» Voilà les sentimens que nous avons trouvés dans nos cœurs ; voilà ceux que nous avons crus vraiment dignes de vous ! Nous avons prié le roi de les manifester à l'Europe : déjà il nous a annoncé qu'il avait déféré à nos vœux. Le reste sera confié à votre valeur : le succès est-il incertain?

» Prenez garde cependant; vous êtes environnés de piéges : on cherche à vous amener par dégoût ou lassitude à un état de langueur qui énerve votre courage; bientôt peut-être on tentera de l'égarer.

>> Ici l'intrigue entrave la marche des corps administratifs dans le répartement de l'impôt; là celle des tribunaux dans la répression des délits contre la Constitution.

» Surtout on suit avec une activité perfide un plan de calomnie formé contre l'Assemblée nationale même avant sa réunion on sait que si l'on parvenait à lui ravir votre con

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fiancé c'en serait fait de la liberté mais elle marchera sans` s'étonner à travers les tempêtes; elle entendra tranquillement de la hauteur du poste où vous l'avez placée les clameurs séditieuses de ses ennemis; elle ne leur répondra qu'en déjouant leurs complots, et en s'unissant à vous pour sauver. la patrie!

» D'une autre part on lance le monstre de l'agiotage non seulement sur vos chances avec l'étranger,qui ont une si grande' influence sur vos rapports commerciaux, mais encore sur vos assignats, d'où dépendent toutes les fortunes individuelles et la fortune publique. Des scélérats sont stipendiés dans les principales villes de commerce pour égarer l'opinion, répandre la terreur, et persuader, s'il était possible, que tout est désespéré' parmi vous, Constitution, finances, assignats, commerce, et jusqu'à la terre, dont la fécondité seule suffit pour faire échouer leurs manœuvres!

» Serait-il à craindre qu'une aveugle crédulité vous rendît les victimes de si grossières impostures? Eh! dans quel temps laisseriez-vous donc atténuer votre confiance en vos assignats, dont le gage est sous vos yeux et en vos mains ?

» Lorsque six cents millions de créances déjà remboursées permettent d'entrevoir le terme où la loyauté française aura généreusement expié toutes les dilapidations du gouvernement despotique;

» Lorsque votre zèle permet de regarder comme prochaine la rentrée des impôts arriérés ;

» Lorsque cette rentrée fournira des fonds beaucoup audessus des nouvelles émissions d'assignats, que le retard passager et inévitable dans les perceptions a rendues nécessaires; Lorsque les divisions de ces assignats en modiques fractions vont faciliter leur introduction dans la chaumière du pauvre, et le soustraire aux combinaisons dévorantes des' agioteurs ;

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Lorsque la valeur des biens nationaux, fixée aujourd'hui dans l'opinion publique par des estimations éclairées, est évidemment double de celle des assignats.

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Ah! défendez-vous de ces terreurs paniques qui font à l'empire une plaie cruelle, et ne laisseraient dans vos âmes

que l'inutile regret d'avoir été vous-mêmes les instrumens de vos malheurs ! Que vous importe le prix ridicule auquel on achète aujourd'hui votre or? L'expérience ne vous a-t-elle pas appris qu'il était possible de se passer de métaux ; que vous pouviez même les mépriser tant que leur acquisition ne servirait qu'à vous appauvrir !

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Que si les gouvernemens étrangers et l'agiotage ont réuni leurs combinaisons pour faire tomber vos changes à un taux absurde, négocians, au lieu de vous décourager, rendez grâce au génie tutélaire de la patrie ! C'est une occasion qu'il vous offre de donner un nouvel essor à l'industrie nationale, de faire fleurir nos manufactures, et de cultiver avec plus de soin les bienfaits que la nature libérale prodigue à notre sol: saisissez-la avec une ardeur civique, et bientôt vous verrez le commerce des autres nations déplorer l'illusoire supériorité de son crédit; bientôt vous le verrez solliciter lui-même, sous la loi de l'égalité, la faveur de s'alimenter de vos richesses territoriales et des fruits de votre travail!

» Vous avez à vous préserver encore d'un dernier artifice, grossier en apparence, et néanmoins dangereux. Vous rencontrerez dans vos départemens des hommes qui ne prononcent qu'en frémissant le mot de Constitution, mais qui se proclament avec une affectation hypocrite les amis de la monarchie, qui dans leurs discours et leurs écrits ne parlent que de la monarchie; et si vous manifestez à leurs yeux un civisme ardent, si vous vous montrez les amis de la liberté, surtout ceux de l'égalité, aussitôt ils vous dénonceront comme des factieux qui veulent bouleverser l'Empire. C'est ainsi qu'ils remplissent la France de soupçons, qu'ils fomentent des haines et sèment la discorde! Ah! repoussez avec indignation ces prédicans imposteurs! Dignes émissaires de Worms et de Coblentz, dignes alliés des prêtres séditieux, dignes soutiens d'une couspiration infernale, ils veulent vous diviser pour vous affaiblir : la monarchie pour eux c'est la contre-révolution ; la monarchie pour eux c'est la noblesse !

» La contre-révolution! c'est à dire la dîme, la féodalité, la gabelle, des Bastilles, des fers, des bourreaux pour punir les élans sublimes de la liberté, des armées étrangères dans

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