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L'empereur a rempli ce qu'on devait attendre d'un allie fidèle en défendant et dispersant tout rassemblement dans ses états. Mes démarches n'ont pas eu le même succès auprès de quelques autres princes; des réponses peu mesurées ont été faites à mes réquisitions. Ces injustes refus provoquent des déterminations d'un autre genre. La nation a manifesté son vœu : vous l'avez recueilli; vous en avez pesé les conséquencès; vous me l'avez exprimé par votre message: messieurs, vous ne m'avez pas prévenu : représentans du peuple, j'ai senti son injure, et je vais vous faire connaître la résolution que j'ai prise pour en poursuivre la réparation.

» Je fais déclarer à l'électeur de Trèves que si avant le 15 de janvier il ne fait pas cesser dans ses états tout attroupement et toutes dispositions hostiles de la part des Français qui s'y sont réfugiés, je ne verrai plus en lui qu'un ennemi de la France. (Applaudissemens.) Je ferai faire une semblable déclaration à tous ceux qui favoriseraient de même des rassemblemens contraires à la tranquillité du royaume; et en garantissant aux étrangers toute la protection qu'ils doivent attendre de nos lois, j'aurai bien le droit de demander que les outrages que des Français peuvent avoir reçus soient promptement et complétement réparés. (Applaudissemens)

» J'écris à l'empereur pour l'engager à continuer ses bons. offices, et s'il le faut à déployer son autorité comme chef de l'Empire pour éloigner les malheurs qui ne manqueraient pas d'entraîner une plus longue obstination de quelques membres du corps germanique. Sans doute on peut beaucoup attendre de son intervention, appuyée du poids imposant de son exem¬ ple; mais je prends en même temps les mesures militaires les plus propres à faire respecter ces déclarations; et si elles ne sont point écoutées, alors, messieurs, il ne me restera plus qu'à proposer la guerre; la guerre, qu'un peuple qui a solennellement renoncé aux conquêtes ne fait jamais sans nécessité, mais qu'une nation généreuse et libre sait entreprendre lorsque sa propre sûreté, lorsque l'honneur le commandent! (Applau dissemens.)

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» Mais en nous abandonnant courageusement à cette résoJution hâtons-nous d'employer les moyens qui seuls peuvent en

assurer le succès. Portez votre attention, messieurs, sur l'état des finances; affermissez le crédit national; veillez sur la fortune publique; que vos délibérations, toujours soumises aux principes, constitutionnels, prennent une marche grave, fière imposante, la seule qui convienne aux législateurs d'un grand empire; que les pouvoirs constitués se respectent pour se rendre respectables; qu'ils se prêtent un secours mutuel au lieu de se donner des entraves, et qu'enfin on reconnaisse qu'ils sont distincts, et non ennemis. Il est temps de montrer aux nations étrangères que le peuple français, ses représentans et son roi ne font qu'un (applaudissemens) : c'est à cette union, c'est encore, ne l'oublions jamais, au respect que nous porterons aux gouvernemens des autres états que sont attachées la sûreté, la considération et la gloire de l'empire.

» Pour moi, messieurs, c'est vainement qu'on chercherait å environner de dégoûts l'exercice de l'autorité qui m'est confiée : je le déclare devant la France entière, rien ne pourra lasser ma persévérance ni ralentir mes efforts. Il ne tiendra pas à moi que la loi ne devienne l'appui des citoyens et l'effroi des perturbateurs. (Applaudissemens.) Je conserverai fidèlement le dépôt de la Constitution, et aucune considération ne pourra me déterminer à souffrir qu'il y soit porté atteinte; et si des' hommes qui ne veulent que le désordre et le trouble prennent occasion de cette fermeté pour calomnier mes intentions, je ne m'abaisserai pas à repousser par des paroles les injurieuses défiances qu'ils se plairaient à répandre. Ceux qui observent la marche du gouvernement avec un œil attentif, mais, sans malveillance, doivent reconnaître que jamais je ne m'écarte de la ligne constitutionnelle, et que je sens profondément qu'il est beau d'être roi d'un peuple libre. (Applaudissemens ; cris

de vive le roi. )

Réponse du président (M. Lémontey).

« Sire, l'Assemblée nationale délibérera sur les propositions que vous venez de lui faire, et vous instruira par un message de ses résolutions. » (Voyez plus loin ce message.)

Le roi quitte la salle au bruit de nouvelles acclamations. L'envoi de son discours à tous les départemens est sur le

champ décrété; mais la réponse du président donne lieu à quelques débats : plusieurs membres l'improuvent ; d'autres la trouvent digne des représentans d'une grande nation, et veulent qu'elle soit imprimée à la suite du discours du roi,

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afin, dit M. Bazire, de montrer à toute la France que dans les circonstances les plus propres à exciter l'enthousiasme l'Assemblée a su s'en défendre. » Messieurs, dit le président, la réponse que j'ai faite est un décret de l'Assemblée. En effet, dans la séance du matin, à la réception du billet de Louis XVI qui annonçait son arrivée, il avait été décrété qu'il ne serait plus fait de réponse immédiate au roi, attendu qu'il était impossible de savoir ce qu'il allait com`muniquer; et que le président se bornerait à dire que l'Assemblée délibérerait sur les propositions du roi, et lui ferait parvenir par un message le résultat de ses délibérations. Ce décret, rendu sur la proposition de M. Lacroix, avait été appuyé par M. Vaublanc, qui déjà dans une circonstance pareille (voyez plus haut, page 41 ) avait demandé qu'on adoptât cet usage, emprunté des Anglais. Du reste on fit observer que le président avait pris le décret trop à la lettre, que le roi n'avait point fait de propositions, et qu'ainsi la réponse ne cadrait pas avec le discours; et la réponse ne fut point imprimée.

Aussitôt après le départ du roi le ministre de la guerre (1) avait demandé la parole; elle lui est accordée.

DISCOURS du ministre de la guerre, M. Louis de Narbonne. (Séance du 14 décembre 1791.)

» Le roi veut la paix, et par la voie des négociations il n'a négligé, il ne négligera aucun moyen de la procurer au royaume; mais avant tout il veut la Constitution qu'il a jurée,

(1) Il y avait quelques jours que M. Louis de Narbonne tenait le portefeuille de la guerre, en remplacement de M. Duportail, qui avait donné sa démission.

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etil la veut assez pour ne redouter aucune des mesures capables de l'affermir.

» Sa majesté m'a chargé, messieurs, de donner les ordres nécessaires pour que cent cinquante mille hommes puissent être rassemblés sur les frontières avant un mois. Je me suis assuré qu'une réunion de forces aussi imposantes n'était pas impossible; je crois donc qu'il nous est permis d'avoir une confiance bien fondée dans l'issue de la noble entreprise que le roi vient de commencer. Il faut relever cet esprit de découragement qui voudrait représenter la France comme entièrement abattue sous ses rapports politiques et militaires : c'est la même nation, c'est la même puissance qui combattit sous Louis XIV; voudrions-nous laisser penser que notre gloire dépendait d'un seul homme, et qu'un siècle ne rappelle qu'un nom? Non, messieurs, je ne l'ai pas cru lorsque j'ai désiré le parti que le roi vient de prendre. Je sais qu'on a déjà voulu, je sais qu'on voudra peut-être encore calomnier ce parti; que parmi les hommes qui d'abord l'avaient, ardemment réclamé il en est qui se sont préparés à le combattre dès que le gouvernement a paru l'adopter; mais vous déconcerterez de tels systèmes, et l'on persuadera difficilement à une nation courageuse que de vains discours suffisent à la défense de sa liberté. (Applaudissemens. )

» Je partirai dans peu de jours, d'après les ordres du roi, pour m'assurer moi-même de l'état des frontières et de l'armée. Je n'ignore pas qu'il subsiste encore des défiances entre les officiers et les soldats; mais en leur parlant à tous au nom de la gloire nationale et du roi j'espère les voir cesser. Je dirai aux officiers que l'empire des préjugés anciens, qu'une résolution qui présentait l'idée d'un grand péril, que l'ignorance des vrais sentimens du roi ont pu séduire quelques uns d'entre eux; mais que le mot de trahison n'est d'aucune langue, et qu'au nom de la guerre toute incertitude serait une trahison et selon l'honneur et selon la loi ! (Applaudissemens.) Je dirai aux soldats que les officiers qui restent à leur tête, liés à la fois à la cause de la révolution et par leur serinent et par la haine que leur a vouée le parti contraire, sont invariablement fixés à leur poste, et que le succès de la guerre va dépendre du con

cert de toutes les volontés, et par conséquent de la plus exacte discipline. Enfin les gardes nationales, ces premiers défenseurs › de la révolution, serviront sans doute à son plus grand triomphe, et l'on n'aura à leur apprendre que ce que l'expérience peut ajouter au courage. (Applaudissemens.)

» Pendant l'absence de quelques jours qu'exigera le voyage que je vais faire je remettrai le portefeuille à l'un de mes collègues ; et telle est ma confiance, telle doit être celle de toute la France dans notre roi, qu'absent je réclamerai la responsabilité de tous les ordres qu'il donnera dans mon dépaṛtement, et qui seront signés par le ministre des affaires étrangères. (Applaudissemers.)

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>> Trois armées ont paru nécessaires M. de Rochambeau, M. de Luckner, M. de Lafayette ( Applaudissemens) sont désignés par la patrie; et la patrie et le roi ne sont plus, qu'un. Sa majesté eût désiré que l'organisation militaire lui permît de donner le grade de maréchal de France à MM. de Rochambeau et de Luckner : l'Assemblée ne pensera-t-elle pas qu'aujourd'hui la loi suprême est de sauver la liberté, et ne m'autorisera-t-elle pas à répondre au roi qu'elle verra cette mesure avec plaisir ? (Applaudissemens.)

» Un supplément de fonds devient indispensable: la France ne marchandera pas la liberté... (Non, non! Applaudissemens. ) D'ailleurs cette augmentation de dépense doit moins effrayer les créanciers de l'Etat que les longs malheurs qui pourraient naître d'une prolongation d'inquiétude si propre à perpétuer l'anarchie. Cette anarchie elle va disparaître ! Nous aurons besoin de prouver à l'Europe que les malheurs intérieurs, dont nous avons d'autant plus à gémir que nous nous sommes quelquefois peut-être refusés à les réprimer, naissaient de l'ardeur inquiète de la liberté, et qu'au moment où sa cause appellerait une défense ouverte la vie et les propriétés seraient en sûreté parfaite dans l'intérieur du royaume. Nous ne reconnaîtrons d'ennemis que ceux que nous aurons à combattre, et tout homme sans défense sera devenu sacré pour nous. (Applaudissemens.) Ainsi nous vengerons l'honneur de notre caractère, que de longs troubles auraient pu apprendre à méconnaître ! Si le funeste cri de la guerre se fait entendre

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