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ne pas souffrir plus longtemps de pareilles vexations, qui se commettent au mépris des droits les plus saints, de hospitalité et du bon voisinage.

» Le comité diplomatique, en délibérant sur l'objet des différens renvois que vous lui avez faits, s'est proposé les questions suivantes :

"1. Les attroupemens, les enrôlemens et les violences qui se commettent sur le territoire de l'Empire ne doivent-ils pas être envisagés comme une lésion du droit des gens et des lois publiques de l'empire germanique?

» 2°. Quels moyens conviendrait-il d'employer pour dis➡ siper ces attroupemens et pour réprimer ces violences?

» Je dois d'abord vous observer, messieurs, que le comité se bornera quant à présent à vous entretenir de ce qui concerne les puissances germaniques, et quant aux torts et outra→ ges que des Français citoyens ont reçus dans les autres parties de l'Europe il se propose d'en faire l'objet d'un rapport parti→ culier.

» C'est en vain, messieurs, qu'on chercherait à concilier avec les principes du droit des gens ces rassemblemens, ceş enrôlemens et ses violences que quelques princes d'Empire telèrent sur leur territoire; ils se réduisent en dernière analise à une lésion de ce même droit, que toutes les nations policées ont constamment respecté entre elles.gimen vol

En effet, les Français transfuges n'affichent-ils pas du fond de leurs retraites et à la face de toute l'Europe des désseins hostiles contre nous? Est-ce à leur modération ou bien à leur impuissance et à celle de leurs protecteurs que nous devons nous en prendre s'ils n'ont pas déjà porté le flambeau de la guerre au sein de leur patrie?

» Ces attroupemens et ces enrôlemens ne nous ont-ils pas mis dans la nécessité de faire de grands et de puissans efforts pour mettre notre frontière en état de défense? Quelles sommes n'avons-nous pas prodiguées pour la fortification de nos places, pour la marche de nos troupes de ligne et des gardes nationaux, pour approvisionner nos magasins et pour les pourvoir d'armes et de munitions de guerre?

» Mais quelles sont donc les puissances qui nous présentent

ce simulacre de guerre, qui nous causent toutes ces alarmes ? Sont-ce des princes qui, dépositaires d'une souveraineté indépendante, ne connaissent d'autre loi que cette raison d'état dont les gouvernemens ont si longtemps abusé, d'autre arbitre que le sort de la guerre? Non, messieurs; ce sont trois prélats, trois membres, trois vassaux du corps germanique, les archevêques de Mayence et de Trèves, et le ci-devant évêque. de Strasbourg, connus tous par leur aversion pour la nouvelle Constitution française, et n'ayant d'autre prétexte pour colorer leurs démarches que la perte de quelques droits hierarchiques ou féodaux !

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» Mais ces princes peuvent-ils permettre ces attroupemens et ces enrôlemens à des rebelles en contravention manifeste des lois sacrées du droit des gens? Non; la Constitution de l'Empire deur refuse cette triste prérogative..

Les lois de l'Empire, messieurs, ont fixé d'une manière positive les bornes du droit de guerre et de paix dont jouissent les membres de l'association germanique.

Tout traité, toute alliance qui tendrait à entraîner l'Empire dans une guerre étrangère leur est sévèrement interdite, et ce n'est qu'à des princes souverains qu'ils peuvent permettre de faire des recrues dans leurs territoires respectifs. Il y a plus; par la capitulation de l'empereur actuellement régnant, ainsi que par les capitulations précédentes, cette faculté ne peut être 'accordée qu'à des princes qui possédent en Allemagne de grands territoires immédiats. sa

...»Les termes de la capitulation sont formels à cet égard; «Nous ne permettrons nullement, y est-il dit, aux puissances » qui n'ont pas elles-mêmes de grandes possessions dans l'Empire d'y faire des levées sans notre concession et le consen>>tement des électeurs, princes et états. »

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» Cependant les Français transfuges, sans être avoués par aucune autorité légitime, recrutent publiquement et avec une audace inouïe, pour ce qu'ils appellent l'armée des princes, dans les villes impériales d'Offenbourg et Gengenbach, ainsi qu'à Kehl; ils se répandent de là dans les terres des évêchés de Strasbourg et de Spire, et dans plusieurs principautés voisines. » Et, chose inconcevable! ils obtiennent dans ces différens

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territoires pour le recrutement de leur prétendue armée des facilités auxquelles la France elle-même ne saurait prétendre!

» Il n'est pas douteux, messieurs, que ces désordres ne soient contraires aux lois qui régissent les états qui forment l'empire germanique; et quant aux violences que plusieurs de ces princes tolerent dans leurs territoires contre des citoyens français patriotes, il est sans doute inutile d'observer qu'elles sont diamétralement opposées à la loi de la paix publique, qui fait une des principales bases de la Constitution germanique..

>>Les lois publiques de l'empire d'Allemagne coïncident done avec les lois éternelles du droit des gens pour condamner la conduite que tiennent à notre égard les princes chez qui les ennemis de notre Constitution ont obtenu accueil.

>> Et quels sont les moyens qu'il conviendrait d'employer pour dissiper ces attroupemens et pour réprimer ces violences? » Nous venons de le démontrer, messieurs; ces ressemblemens, cès enrôlemens et ces violences sont une infraction aux droits des gens, et des contraventions manifestes aux lois publiques de l'Empire.

» Ne serait-il donc pas de la dignité de notre gouvernement de faire faire par le ministère des affaires étrangères des démarches vigoureuses auprès de ces princes qui persistent à vouloir accorder leur protection à des ennemis de la chose publique, à l'effet de faire cesser ces rassemblemens et ces attroupemens scandaleux, et d'obtenir des réparations convenables des violences exercées contre nos concitoyens? Serait-il donc si difficile de faire comprendre à ces princes qu'il est de leur intérêt et de leur propre gloire de ne pas souffrir plus longtemps ces attentats, ni de préférer des liasions qui finalement leur deviendraient funestes aux justes égards qu'ils doivent à une grande nation et aux devoirs que lear imposent les lois de l'Empire, dont ils sont membres ?

» Cette première mesure ne devrait-elle pas être soutenue par des réquisitions formelles et officielles que ferait le ministère auprès des princes qui composent les cercles du Haut et du Bas-Rhin et celui de Souabe, par les ministres qui sont accrédités auprès d'eux, afin de dissiper, par l'autorité des cercles et en exécution des lois de l'Empire, les attroupemens, les

rassemblemens et les enrôlemens dont nous sommes fondés à nous plaindre, et de prévenir ainsi toute violation du territoire de l'Empire, qui en serait une suite inévitable ? Les princes d'Empire ne sont-il pas subordonnés à la police générale des cercles dont ils font partie? Et le plus grand nombre des membres du corps germanique n'est-il pas visiblement intéressé au maintien du bon ordre, et à la conservation de la paix et de la bonne intelligence avec la France?

» Enfin ne conviendrait-il pas aussi de faire des déclarations authentiques à la cour impériale et à la diète de Ratisbonne, par lesquelles, en protestant de notre désir de maintenir la paix et l'union avec l'empire germanique, nous exposerions nos justes griefs contre les princes qui, pour satisfaire à des ressentimens particuliers, tolèrent des désordres qui ne peuvent qu'altérer le bon voisinage, et faire craindre une guerre que le corps germanique a le plus grand intérêt d'éviter ?

» Et pourrait-on douter un instant de la sincérité d'un pareil avea, puisque notre heureuse Constitution nous impose l'obligation de n'entreprendre jamais aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes? Mais elle ne nous empêche pas de venger les outrages faits aux droits sacrés des nations; elle ne nous commande pas de souffrir sur nos frontières des armées de traîtres qui nous menacent, qui insultent, qui maltraitent nos concitoyens, et qui s'avouent publiquement ennemis 'd'une Constitution que nous avons tous juré de défendre jusqu'à la dernière goutte de notre sang !

» On nous objectera vraisemblablement à la diète germa-nique l'infraction des traités à l'égard des princes d'Empire, qui, par une suite naturelle et indispensable de notre révolution, se croient lésés dans leurs droits dans la ci-devant province d'Alsace... Mais la nation, en faisant valoir les droits impres criptibles de sa souverainté, n'a-t-elle pas témoigné son respect pour les traités, et ne s'est-elle pas offerte à indemniser les princes de leurs pertes? Ces princes n'auraient-ils pas dû profiter de ces offres généreuses, loin de chercher à allumer une guerre qui, injuste dans son principe, ne ferait que tourner à leur propre préjudice? L'engagement d'ailleurs que nous avons contracté à la face de l'univers de cultiver la paix avec tous nos

voisins, en renonçant à tout systeme de conquête, ne serait-il pas déjà une compensation plus que suffisante de la perte de ees droits féodaux qu'on fait aujourd'hui sonner si haut?

» Et les états d'Empire, éclairés sur leurs vrais intérêts, verraient-ils donc à regret les Français adopter une Constitution libre et paisible, qui par la protection qu'elle accorde à tous des étrangers, par les avantages inappréciables qu'elle leur présente, ne peut que cimenter l'union entre les deux nations, en assurant leur repos et leur prospérité réciproques?

» Ces considérations nous font croire que les mesures dont nous venons de parler, si elles étaient déployées avec force et avec énergie, ne laisseraient pas de produire leur effet, et qu'en prenant enfin une attitude fière et conforme à la dignité de la nation et à la majesté du peuple français on parviendrait à déloger les émigrés de leurs retraites et à dissiper leurs attroupemens. Déjà, messieurs, les principales puissances de l'Europe repoussent loin d'elles ces projets insensés de contre-révolution que la rage impuissante des ennemis de la Constitution cherchent en vain à nous faire redouter.

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Que nos voisins apprennent donc à respecter notre indé◄ pendance, comme notre intention est de respecter la leur ; que des vasseaux de l'Empire cessent d'enfreindre les lois de leur patrie pour combattre celles de la nôtre, et qu'ils préfèrent au désir insensé de renverser notre Constitution l'amitié d'une nation généreuse qui a toujours été le plus ferme appui de leur liberté, et le garant de leur bonheur !

» Votre comité diplomatique me charge, messieurs, de vous proposer le décret suivant.

» L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité diplomatique, considérant que les rassemblemens, les attroupemens et les enrôlemens des fugitifs Français, que favorisent des princes d'Empire dans les cercles du Haut et du Bas-Rhin, de même que les violences exercées en différens temps contre des citoyens français sur le territoire de l'évêché de Strasbourg au-delà du Rhin, sont des attentats contre le droit de gens et des contraventions manifestes aux lois publiques de l'Empire; qu'ils ne sauraient non plus se concilier avec l'amitié et le bon voisinage que la nation française désirerait d'entretenir avec tout le corps. germanique; décrète que le pouvoir exécutif sera invité de

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