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quelques articles secondaires qui sont les conséquences de ce qui précède.

» Les condamnés par contumace braveraient la loi en ne rentrant pas dans le royaume s'ils jouissaient de leurs revenus: une saine politique exige que ces coupables pendant leur vie soient privés de leurs biens. Cette mesure ne doit pas nuire à leurs femmes, leurs enfans ou leurs créanciers (applaudissemens) le projet de votre comité renferme une disposition prudente et juste à cet égard.

»Les chefs des rassemblemens sont les princes français absens du royaume ; les revenus de ces princes alimentent la conjuration : depuis longtemps la nation désire que les biens de ces princes soient séquestrés. (Applaudissemens.) L'Assemblée nationale constituante avait ordonné le séquestre des biens du prince ci-devant Condé; de vains prétextes ont suspendu l'exécution de ce décret : il faut enfin cesser de fournir des ressources à nos ennemis; votre comité vous propose donc encore de décréter que dès à présent les revenus des princes fugitifs seront séquestrés.

» Quant aux fonctionnaires publics absens du royaume avant et depuis l'amnistie voici le plan de votre comité.

>> Ceux qui ont abandonné leurs postes avant la loi de l'amnistie ont commis un crime; mais elle l'efface. Si cette loi ne leur conserve point le droit de réclamer leurs places et traitemens elle ne le détruit pas d'une manière expresse (murmures); elle semble le faire dépendre de la conduite que tiendront ces fonctionnaires, de leur empressement à revenir dans le royaume : sous ce rapport votre comité estime que ceux qui y sont rentrés dans le cours du mois précédent doivent jouir de leurs places et traitemens. (Murmures.)

» Mais les fonctionnaires publics sortis du royaume sans cause légitime depuis leur serment, l'amnistie et l'acceptation du roi, ne méritent nulle indulgence; ils doivent dans tous les cas être privés de leurs places et traitemens, et même de la qualité de citoyen actif.

» C'est ce que votre comité vous propose aussi d'admettre. Il'y joint un article qui assimile pour l'avenir l'officier qui déserte au soldat déserteur. (Applaudissemens.) Il pense que l'on doit former des cours martiales pour juger les délits militaires

commis depuis l'amnistie, et que les accusateurs publics doivent poursuivre les personnes qui ont enlevé les effets ou les deniers appartenant aux régimens français.

>> De toute part on débauche, on enrôle des Français et des étrangers pour les réunir aux rassemblemens des rebelles : ce crime, que le code pénal n'a point prévu, est infiniment dangereux; votre comité pense qu'il doit être puni de mort.

» Il estime aussi que l'Assemblée nationale doit provisoirement suspendre la libre sortie hors du royaume des munitions de guerre ; apprécier d'après l'expérience cette précaution politique, et l'écarter ou la maintenir selon les convenances.

» Enfin votre comité est dans la persuasion que les puissances étrangères limitrophes qui favorisent ou au moins permettent sur leur territoire les rassemblemens qui nous inquiètent et nous offensent, oublient les rapports existant entre elles et la nation française; il croit des mesures fermes et sages sont nécesoit que saires à cet égard; que votre comité diplomatique doit les indiquer, et qu'il faut prier le roi de les prendre. » (Applaudissemens réitérés.)

M. Ducastel avait ramené la question à son véritable point de vue l'Assemblée décréta que le projet du comité serait immédiatement mis aux voix, et que la discussion aurait lieu sans désemparer. Le décret, amendé dans plusieurs dispositions, fut en effet rendu le même jour, relu le lendemain, et définitivement adopté en ces termes :

Décret concernant les émigrans. (Du 9 novembre 1790.)

« L'Assemblée nationale, considérant que la tranquillité et la sûreté 'du royaume lui commandent de prendre des mesures promptes et efficaces contre les Français qui malgré l'amnistie ne cessent de tramer au dehors contre la Constitution française, et qu'il est temps enfin de réprimer sévèrement ceux que l'indulgence n'a pu ramener aux devoirs et aux sentimens de citoyens libres, a déclaré qu'il y a urgence pour Je décret suivant, et, le décret d'urgence préalablement rendu, a décrété ce qui suit :

» Art. 1er. Les Français rassemblés au-delà des frontièresdu royaume sont dès ce moment déclarés suspects de conjuration contre la patrie.

>> 2. Si au premier janvier prochain ils sont encore en état de rassemblement ils seront déclarés coupables de conjuration; ils seront ponsuivis comme tels, et punis de mort.

» 5. Quant aux princes Français et aux fonctionnaires publics civils et militaires qui l'étaient à l'époque de leur sortie du royaume, leur absence à l'époque ci-dessus citée du premier janvier 1792 les constituera coupables du même crime de conjuration contre la patrie, et ils seront punis de la peine portée dans le précédent article.

>> 4. Dans les quinze premiers jours du même mois la haute cour nationale sera convoquée s'il y a lieu.

» 5. Les revenus des conjurés condamnés par contumace seront pendant leur vie perçus au profit de la nation', sans préjudice des droits des femmes, enfans, et créanciers légitimes.

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6. Dès à présent tous les revenus des princes français absens du royaume seront séquestrés; nul paiement de traitement, pension ou revenu quelconque ne pourra être fait directement ni indirectement auxdits princes, leurs mandataires ou délégués, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement décrété par l'Assemblée nationale, sous peine de responsabilité et de deux années de gêne contre les ordonnateurs et payeurs.

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» Aucun paiement de leurs traitemens et pensions ne pourra pareillement, et sous les peines ci-dessus portées, être faits aux fonctionnaires publics civils et militaires, et pensionnaires de l'État émigrés, sans préjudice de l'exécution du décret du 4 janvier 1790.

>> 7. Toutes les diligences nécessaires pour la perception et le séquestre décrétés par les deux articles précédens seront faites à la requête des procureurs-généraux syndics de département, sur la poursuite des procureurs syndics de chaque district où seront lesdits revenus; et les deniers en provenant seront versés dans les caisses des receveurs de district, qui en demeureront comptables.

>> Les procureurs-généraux et syndics feront parvenir tous les mois au ministre de l'intérieur, qui en rendra compte aussi chaque mois à l'Assemblée nationale, l'état des diligences qui auront été faites pour l'exécution de l'article ci-dessus.

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» S. Tous fonctionnaires publics absens du royaume sans cause légitime avant l'amnistie prononcée par la loi du 15 septembre 1791 seront déchus pour toujours de leurs places et de tout traitement, sans déroger au décret du 18 décembre 1790.

» 9. Tous fonctionnaires publics absens du royaume sans cause légitime depuis l'amnistie sont aussi déchus de leurs places et traitemens, et en outre des droits de citoyen actif.

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10. Aucun fonctionnaire public ne pourra sortir du royaume sans un congé du ministre dans le département duquel il sera, sous les peines portées dans l'article ci-dessus. Les ministres seront tenus de donner tous les mois à l'Assemblée nationale la liste des congés qu'ils auront délivrés.

» Et quant aux officiers-généraux, officiers, sous-officiers et soldats, soit de ligne, soit de garde nationale en garnison sur les frontières, ils 15

VIII.

ne pourront les dépasser mème momentanément, sous quelque prétexia que ce puisse être, sans encourir la peine portée par le précédent article.

» 11.. Tout officier militaire, de quelque grade qu'il soit, qui abandonnera ses fonctions sans congé ou démission acceptée, sera réputé coupable de désertion, et puni comme le soldat déserteur.

» 12. Conformément à la loi dn 29 octobre 1790 il sera formé une cour martiale dans chaque division militaire pour juger les délits militaires commis depuis l'amnistie; les accusateurs publics poursuivront comme coupables de vol les personnes qui ont enlevé des effets ou des deniers appartenant aux régimens français. Le ministre sera tenu d'envoyer aux cours martiales la liste des officiers qui depuis l'amnistie ont quitté leurs drapeaux sans avoir obtenu une permission ou congé préalable.

» 13. Tout Français qui hors du royaume embauchera et enrôlera des individus pour qu'ils se rendent aux rassemblemens énoncés dans les articles 1 et 2 du présent décret, sera puni de mort, conformément à la loi du 6 octobre 1790. La même peine aura lieu contre toute personne qui commettra le même crime en France.

» 14. L'Assemblée nationale charge son comité diplomatique de lui proposer les mesures que le roi sera prié de prendre au nom de la nation à l'égard des puissances étrangères limitrophes qui souffrent sur leur territoire des rassemblemens de Français fugitifs.

» 15. L'Assemblée nationale déroge expressément aux lois contraires au présent décret.

» 16. Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »

VETO du Roi. (Séance du 12 novembre 1781.)

Louis XVI ne fit attendre que trois jours sa volonté sur ce décret. Le 12 tous les ministres se rendent à l'Assemblée; celui de la justice demande à être entendu ; il dit:

Messieurs, le roi m'a chargé d'apporter à l'Assemblée nationale la note des sanctions. Le décret portant que LouisStanislas-Xavier sera tenu de rentrer dans le royaume est sanctionné. Quant au décret du 9 novembre Sa Majesté eximinera.

Un instant de profond silence; l'agitation succède; plusieurs membres demandent l'ordre du jour; le président réclame le silence pour maintenir la parole au ministre,

qui annonce à l'Assemblée une communication au nom du roi. Le ministre reprend :

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Messieurs, je suis chargé d'un message du roi; il ne sera pas long. Sa majesté me charge expressément de vous dire que si sa sanction eût été divisible elle eût volontiers adopté quelques dispositions de la loi à laquelle elle se voit obligée de refuser son consentement.... >>

Des murmures s'élèvent; on demande si le message est signé du roi; le ministre répond qu'il n'est encore signé que de lui, que le roi le signera dans la journée, et qu'en attendant c'est au nom du roi qu'il parle.... L'Assemblée refuse d'entendre un message qui n'est signé que du ministre ; elle refuse également d'entendre le ministre au nom du roi, attendu qu'il ne peut y avoir d'intermédiaire entre l'Assemblée et le roi. Le ministre insiste; des murmures ne lui permettent pas de contínuer. MM. Reboul et Cambon invoquent « la Constitution, qui, ne donnant pas au roi l'initiative des lois, ne permet pas que le roi motive son refus de sanction; ces mots, le roi examinera, expliquent tout constitutionnellement ; ils sont les seuls que l'Assemblée doive entendre ; en laisser dire plus ce serait accorder au pouvoir exécutif la faculté d'opiner, que la Constitution lui refuse. — Il faut croire, ajoute M. Cambon, que l'acte que nous avons porté a besoin de révision; mais il ne faut pas que les motifs du roi influent sur la décision des législatures prochaines, respectons-les sans les connaître. Applaudissons-nous de cet acte de représentant que le roi vient d'exercer; c'est la plus grande marque d'attachement qu'il ait pu donner à la Constitution. Messieurs, nos ennemis onten ce moment une preuve imposante que le roi est libre, au milieu de ses peuples, de résister au vœu général, puisqu'il vient de mettre son veto sur un décret très-important? » (Applaudissemens.)

Le président. « M. le ministre de la justice demande à faire une observation; mais j'ai l'honneur de lui faire observer que si c'est sur la question agitée en ce moment ce serait opiner.........»

Le ministre. « C'est sur un point de fait, et pour donner des renseignemens. Je ne traiterai point la question sur la

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