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courir aucun hasard; supposons que la haine et la fureur les bannissent de son sein, qu'ils forment autour d'elle une ceinture de conspirateurs, qu'ils s'agitent et se tourmentent pour lui susciter des ennemis, qu'ils excitent ses soldats à la désertion, qu'ils soufflent parmi ses enfans le feu de la discorde, qu'ils y répandent par leurs manœuvres l'esprit de vertige et de faction, et qu'enfin le fer et la torche à la main, ils élèvent au ciel indigné des vœux criminels pour hâter le jour où ils pourront la couvrir de cendres et de ruines... Je le demande à ces ardens. défenseurs des droits de l'homme et de la liberté indéfinie des émigrations, croient-ils qu'il soit de la justice que la patrie attende dans une torpeur funeste les coups qu'on lui prépare? Croient-ils qu'elle blessera les droits de l'homme en prenant les précautions qui pourront faire avorter les complots formés contre elle? Pensent-ils qu'elle ne puisse pas traiter en ennemis ceux qui conjurent sa ruine, en rebelles les enfans ingrats qui aiguisent des poignards pour la déchirer? L'exercice des droits, de l'homme ne serait-il permis qu'aux émigrans ou aux assassins? Serait-il interdit aux citoyens vertueux restés fidèles à leur pays? L'attaque serait-elle licite aux premiers, et les autres doivent-ils attendre qu'on les égorge pour se mettre en état de défense?

Oh! mais, dit-on, vous sortez de la question; vous parlez. de rébellion, et il s'agit d'émigration... Je me garderai bien de mêler aux grands intérêts qui nous occupent une misérable querelle de mots; qu'on appelle comme on voudra les traîtres dont je viens de parler, mais que l'on convienne que la patrie peut déployer contre eux une juste sévérité : ce ne sera pas si l'on veut un émigré, mais un rebelle, que frappera son bras vengeur ; ce ne sera pas l'acte d'émigrer, mais l'intention coupable qui l'aura déterminé qu'on punira: soit, t, je vous passe tous les termes qui vous plairont; mais que le crime, quelque nom qu'on lui donne, reçoive enfin le juste salaire qui lui est dû! (Applaudissemens. )

>> SECONDE QUESTION. La France se trouve-t-elle dans les circonstances dont je viens de parler dans la première partie de ma discussion?

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dont je suis bien éloigné d'être frappé moi-même. Non, ils ne sont point redoutables ces factieux aussi ridicules qu'insolens, qui décorent leur rassemblement criminel du nom bizarre de France extérieure! Chaque jour leurs ressources s'épuisent; l'augmentation de leur nombre ne fait que les pousser plus rapidement vers la pénurie la plus absolue de tous moyens d'existence; les roubles de la fière Catherine et les millions de la Hollande se consument en voyages, en négociations. en préparatifs désordonnés, et ne suffisent pas d'ailleurs au faste des chefs de la rébellion bientôt on verra ces superbes mendians, qui n'ont pu s'acclimater à la terre de l'égalité, expier dans la honte et la misère les crimes de leur orgueil, et tourner des yeux trempés de larmes vers la patrie qu'ils ont abandonnée! Mais quand leur rage, plus forte que le repentir, les précipiterait les armes à la main sur son territoire, s'ils n'ont pas soutien chez les puissances étrangères, s'ils sont livrés à leurs propres forces, que serait leur entreprise, si ce n'est qu'une pitoyable parodie de l'entreprise des Titans, hasardée par des Pygmées en délire! (Applaudissemens.)

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Quant aux empires dont ils implorent les secours ils sont ou trop éloignés ou trop fatigués par la guerre du nord pour que nous ayons de grandes craintes à concevoir de leurs projets; d'ailleurs l'acceptation de l'acte constitutionnel par le roi paraît avoir dérangé toutes les combinaisons hostiles les dernières nouvelles annoncent que la Russie et la Suède désarment; que dans les Pays-Bas les émigrés ne reçoivent plus d'autres secours que ceux de l'hospitalité, Croyez surtout, messieurs, que les rois ne sont pas sans inquiétude; ils savent qu'il n'y a pas de Pyrénées pour l'esprit philosophique qui nous a rendu la liberté; ils frémiraient d'envoyer leurs soldats sur une terre encore brûlante de ce feu sacré; ils trembleraient qu'un jour de bataille ne fit des deux armées ennemies un peuple de frères. (Applaudissemens.) Mais si enfin il fallait mesurer ses forces et son courage, nous nous souviendrions que quelques milliers de Grecs combattant pour la liberté triomphèrent d'un million de Perses; et, combatant pour la même cause avec le même courage, nous aurions l'espérance d'ob tenir le même triomphe! ( Applaudissemens.)

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» Mais quelque rassuré que je sois sur les événemens que nous cache l'avenir je n'en sens pas moins la nécessité de nous faire un rempart de toutes les précautions qu'indique la prudence le ciel est encore assez orageux pour qu'il n'y eût pas une grande légèreté à se croire entièrement à l'abri de la tempête. Aucun voile ne nous cache la malveillance des puissances étrangères; elle est bien authentiquement prouvée par la chaîne des faits que M. Brissot a si énergiquement développés dans son discours : les outrages faits aux couleurs nationales et l'entrevue de Pilnitz sont un avertissement que leur haine nous a donné, et dont la sagesse nous fait un devoir de profiter. Leur inaction actuelle cache peut-être une dissimulation profonde on a tâché de nous diviser; qui sait si l'on ne veut pas nous inspirer une dangereuse sécurité? Je ne crains rien mais j'aime à me précautionner contre ceux qui n'ont renoncé à me nuire que parce qu'ils ont perdu l'espoir d'y réussir.

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Quant aux émigrés, feindra-t-on d'ignorer qu'ils calomnient tous les jours Louis XVI, et que dans toutes les cours d'Allemagne où ils promènent leur haine et leur bassesse ils accusent la franchise de son acceptation? Feindra-t-on d'ignorer que c'est par ces propos perfides qu'ils entretiennent les puissances étrangères dans des dispositions si équivoques à notre égard? Dira-t-on que leur émigration du royaume n'est qu'un simple voyage, et que leur rassemblement dans les Pays-Bas n'est que l'effet d'un hasard innocent? Mais serait-ce aussi par un cas fortuit que tous les ci-devant gardes du corps et tous les officiers déserteurs de leur poste se rendent sous les drapeaux des princes français fugitifs, et qu'au lieu d'en être reçus avec l'indignation qu'on doit à des traîtres ils en sont accueillis comme des amis fidèles! Serait-ce sans une combinaison réfléchie et sans un concours de mesures bien préparées qu'une foule d'hommes également tourmentés par le sentiment d'une imbé→ cile fatuité, et par une misère qui ne leur laissait pas assurément les moyens d'entreprendre un grand voyage, ont voulu cépendant aller aussi figurer dans les cours vagabondes de Worms et de Coblentz! Serait-ce par excès de bienveillance qu'on tâche de désorganiser notre armée, qu'on provoque à la désertion et les officiers et les soldats, qu'on les excite à voler

les caisses et les drapeaux de leurs régimens, et qu'à leur arrivée on leur tend les bras comme aux plus loyaux défenseurs de l'honneur féodal? Aura-t-on l'impudeur de vouloir nous persuader que la présence des Bourbons à Pilnitz est un témoignage de leur dévouement à la France? Non, non; il n'est plus le temps où une clémence magnanime pourrait engager à dissimuler les crimes de nos ennemis ! Ils ont refusé le pardon qu'on leur offrait; hé bien, livrons-les aux peines qu'ils ont trop méritées, rendons-leur enfin haine pour haine !

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» Voyez-les s'agiter en tous sens sur vos frontières, aspirer en Allemagne vos munitions de guerre, recruter dans votre sein des hommes, des chevaux, pomper ou du moins faire enfouir par les terreurs qu'ils répandent votre numéraire ! Voyez-les correspondre dans l'intérieur du royaume avec des prêtres turbulens et avides qui partagent leur haine, et brûlent comme eux du désir de la vengeance! C'est du sein de cette coalition fatale que sortent et se répandent dans les campagnes les haines, les divisions, les insurrections et les massacres: habiles à propager leurs criminelles espérances; ils encouragent les séditieux qui ont épousé leurs querelles, rallient par crainte à leur parti les hommes sans caractère, qui voient toujours la justice du côté de la force, plongent les bons citoyens dans une incertitude pénible, et fatiguent sans cesse le crédit public par le mouvement de fluctuation qu'ils impriment à l'empire.

>> Ici j'entends une voix qui s'écrie:-Où est la preuve légale des faits que vous avancez? Quand vous la produirez il sera temps de punir les coupables.....

» O vous qui tenez ce langage, que n'étiez-vous dans le sénat de Rome lorsque Cicéron dénonça la conjuration de Catilina! Vous lui auriez demandé aussi la preuve légale ! J'imagine que l'orateur romain eût été confondu par l'éloquence d'une si sublime observation... Rome aurait été pillée, et vous et Catilina vous eussiez régné sur ses ruines! Des preuves légales! Vous ignorez donc que telle est la démence de ces nouveaux conjurés qu'ils tirent même vanité de leurs complots? Lisez cette protestation contre l'acceptation du roi, où l'on insulte la nation avec tant d'audace; rappelez-vous l'inɔo

lente détention de M. Duveyrier et la déclaration de Pilnitz; ou plutôt démentez l'Europe entière! Attendez une invasion que votre courage repoussera sans doute, mais qui livrera au pillage et à la mort vos départemens frontières et leurs infor- · tunés habitans! Des preuves légales! Vous comptez donc pour rien le sang qu'elles vous coûteraient! Des preuves légales! Ah! prévenons plutôt les désastres qui pourraient nous les procurer! Prenons enfin des mesures vigoureuses; ne souffrons plus que des factieux qualifient notre générosité de faiblesse; imposons à l'Europe par la fierté de notre contenance; dissipons ce fantôme de contre-révolution autour duquel vont se rallier les insensés qui la désirent; débarrassons la nation de ce bourdonnement continuel d'insectes avides de son sang, qui l'inquiète et la fatigue, et rendons le calme au peuple! (Applaudissemens.)

>> On s'est permis de dire ici que c'étaient les flatteurs de ce peuple qui proposaient des mesures de rigueur contre les émigrans, et l'on a eu soin d'ajouter que cette espèce de flatteurs était la pire de toutes... Je déclare formellement que je n'accuse les intentions de personne; mais je dis à mon tour que cette dernière réflexion ne prouverait absolument rien sur la question des émigrans, si ce n'est une préférence marquée pour la flatterie envers les rois. (Applaudissemens.) Je dis en second lieu : Malheur sans doute à ceux qui flattent le peuple pour l'égarer, comme à ceux qui l'ont méprisé pour usurper le droit de l'opprimer; mais malheur aussi, et cent fois malheur à qui saisirait avec adresse le prétexte de censurer ses flatteurs pour décourager ses vrais amis et pour épancher indirectement une haine cachée contre lui! Malheur à ceux qui l'excitent aux séditions; mais malheur aussi à ceux qui, lorsqu'il est près du précipice, cherchent à lui cacher le danger, et qui au lieu d'échauffer son courage l'endorment dans une fausse sécurité! On ne cesse depuis quelque temps de crier que la révolution est faite; mais on n'ajoute pas que des hommes travaillent sourdement à la contre-révolution: il semble qu'on n'ait d'autre but que d'éteindre l'esprit public, lorsque jamais il ne fut plus nécessaire de l'entretenir dans toute sa force; il semble qu'en recommandant l'amour

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