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sent les chefs de la rébellion, que parce que vons aviez toléré le foyer de contre-révolution qu'ils ont établi dans les pays étrangers; et ce fait n'existe que parce qu'on a négligé ou craint jusqu'à ce jour de prendre des mesures convenables et dignes de la nation française pour forcer les puissances étrangères d'abandonner les rebelles.

» Tout présente ici, messieurs, un enchaînement de fraudes et de séductions: les puissances étrangères trompent les princes, ceux-ci trompent les rebelles, les rebelles trompent les émigrans. Parlez enfin le langage d'hommes libres aux puissances étrangères, et ce système de révolte, qui tient à un anneau factice, tombera bien vite; et non seulement les émigrations cesseront, mais elle reflueront vers la France, car les malheureux qu'on enlève ainsi à leur patrie désertent dans la ferme persuasion que des armées innombrables vont fondre sur la France et y rétablir la noblesse. Il est temps enfin de faire cessér ces espérances chimériques qui égarent des fanatiques ou des ignorans; il est temps de vous montrer à l'univers ce que vous êtes, hommes libres et Français! (Applaudissemens.)

» Vous devez donc à votre sûreté autant qu'à votre gloire d'examiner et les outrages que vous avez reçus, et les dispositions des puissances étrangères pour votre Constitution et pour les rebelles, et leurs moyens et les vôtres.

>> Vous devez én un mot faire votre bilan de situation vis-à-vis les puissances étrangères : de là dépend le succès de toute loi sur les émigrations et l'extirpation totale de l'esprit de révolte. Vous me permettrez donc de jeter un coup d'œil rapide sur cette situation politique dont la connaissance peut seule produire une loi efficace et digne de vous.

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Ici, messieurs, vous rappellerai-je tous les outrages faits soit à vos représentans, soit à de simples citoyens français? Vous rappellerai-je la protection ouvertement accordée par l'empereur dans les Pays-Bas aux rebelles français', tandis que dans le même temps il faisait arrêter un envoyé du roi des Français, et violait en sa personne le droit des gens et nos traités; l'exil où a langui, depuis la fameuse lettre du roi, votre ambassadeur à la cour de Vienne; la saisie faite des biens, des établissemens des religieux français dans les Pays

Bas autrichiens, et la persécution élevée à Florence contre les partisans de la révolution française; l'emprisonnement et la ruine d'un habile manufacturier français, de M. Chauvet, que l'envoyé de France a lâchement abandonné à l'inquisition de ce pays?

» Vous rappellerai-je l'aversion manifestée en tant d'occasions par la cour d'Espagne pour notre révolution, et cette lettre où elle insulte au peuple français en qualifiant son roi de souverain, en le menaçant de ses vengeances; et l'arrestation de tant de Français qui laissaient percer leur attachement à la Constitution; et la prohibition de nos livres ; et cette inquisition exercée contre les étrangers, inquisition où l'absurdité impolitique le dispute à la tyrannie; et cette expédition du côté des Pyrénées, palliée par un ridicule prétexte, mais dont la date coïncidente à la fameuse époque du 21 juin, ne laisse aucun doute sur sa vraie cause; et enfin cette déclaration au sénat de Gênes, où l'on se plaint de l'accueil qu'il a fait à l'ambassadeur français qui le premier a eu le courage de déployer le caractère et le ton d'un ambassadeur patriote?

» Vous rappellerai-je la pension insultante faite par les gouvernemens de Naples et de Russie à l'ex-ambassadeur français qui a préféré le titre de sujet à celui de représentant d'un peuple libre, ambassadeur qui depuis a essayé de soulever contre nous les puissances du nord?

>> Vous rappellerai-je la conduite trop connue du roi de Sardaigne, et celle qui ne l'est pas assez de la reine de Portugal, l'arrestation faite par ses ordres de plusieurs citoyens français ?

« Vous rappellerai-je la protection hautement assurée, par un roi que nous soudoyions jadis, par un roi enthousiaste frénétique des prérogatives royales et tourmenté de la maladie de la gloire, à l'Arnold français et à un ex-ministre qui a longtemps abusé de sa place pour combattre la liberté ?

» Eh! quelle puissance inférieure n'a pas à l'instar de ces royaumes témoigné hautement sa haine pour notre révolution? N'avez-vous pas vu le gouvernement de Berne brûler de verser le sang d'un Français qui avait parlé en homme libre à des

hommes qui se piquent de l'être; persécuter avec acharnement des Suisses pour le crime d'avoir célébré l'époque mémorable du 14 juillet, et chanté cet air célèbre qui effacera le ran des Suisses et propagera jusque dans les derniers temps l'histoire de la révolution française? Ne l'avez-vous pas vu accueillir nos émigrans et repousser les patriotes, défendre aux troupes suisses qui sont à votre solde de recevoir leur paie en monnaie patriotique, en assignats, d'assister à nos clubs pour y apprendre les vrais principes de la liberté !

» Et jusqu'à ce gouvernement de Venise, qui n'est qu'une comédie, n'a-t-il pas expulsé de son territoire un négociant français à cause de son patriotisme? Son amiral Emo n'a-t-il pas outragé un pavillon aux couleurs nationales?

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Jusqu'à ces petits princes d'Allemagne, dont l'insolence eût dans le siècle dernier attiré dès le premier pas toutes les foudres du despotisme de Louis XIV, dont l'insolence n'eût pas été impunie si le ministère des affaires étrangères eût été dirigé par des hommes affectionnés à la révolution ; n'ontils pas prêté une hospitalité condamnable à des rebelles, tandis qu'ils faisaient essuyer mille vexations aux citoyens patriotes?

Jusqu'à Genève, jusqu'à cet atome de ci-devant république, que tout aurait dû porter à admirer, à suivre notre révolution; l'aristocratie qui la déshonore n'a-t-elle pas fait éclater en cent traits sa haine contre une Constitution qui assure cependant à la dette genevoise une base bien plus solide que les bases sanguinaires du despotisme? N'y a-t-on pas arraché la cocarde à des citoyens français? N'y a-t-on pas ordonné des patrouilles, braqué des canons sur cette forteresse de boue contre des armées imaginaires de la propagande, mais plutôt peut-être pour protéger une contre-révolution? N'y a-t-ou pas accueilli des rebelles, prêté des sommes considérables à leurs chefs, imprimé des libelles contre la révolution, prêché des libelles dans les chaires, déclamé des libelles dans le conseil? Enfin n'a-t-on pas, contre le traite de 1782, provoqué sans le consentement de la France l'approche de troupes sardés et suisses, et toujours pour favoriser la coalition formée entre toutes les petites aristocraties de la Suisse? (Applaudissemens.)`

» Enfin, jusqu'à cette évêque de Liége, qui appesantit son joug de fer sur la tête d'hommes qui devraient être libres si une insouciance funeste ou payée n'eût arrêté les secours qu'un peuple puissant et libre devait à un peuple qui brûlait de P'être; jusqu'à ce prêtre sanguinaire! n'a-t-il pas eu l'insolence de refuser un envoyé français, sous le prétexte qu'il appartenait à une société célèbre dans les fastes de la révolution? N'a-t-il pas outragé la nation française en arrêtant arbitrairement des Français? Et presque tous ces outrages ont été non seulement impunis, mais même inconnus aux législateurs! Comment le ministre des affaires étrangères n'a-t-il pas lui-même provoqué leur examen et leur vengeance?

» Et, ce qui doit vous surprendre, messieurs, la puissance qui a le plus religieusement respecté notre révolution et ses signes est précisément celle que des politiques d'hier nous annonçaient à chaque instant devoir tourner ses armes contre nous; c'est l'Angleterre : car la tragédie de Birmingham n'est que l'œuvre du fanatisme presbytérien ou d'un machiavélisme ministériel, et ne doit point être prêtée à l'esprit national de notre révolution : et cependant on insultait ici les Anglais, qui admiraient notre constitution, tandis qu'on caressait et l'Espagne et l'Autriche, qui outrageaient le patriotisme et accueillaient les contre-révolutionnaires; on insultait l'Angleterre, qui arrêtait à la diète de Ratisbonne l'effervescence des esprits, et refusait de se joindre aux mesures rigourenses provoquées contre la France!

>> Les dispositions hostiles des diverses puissances de l'Europe ont-elles changé dans ces derniers temps? Ont-elles changé même depuis le fameux décret du 15 juillet (1), qui devait cependant rassurer les têtes couronnées? Non; car pourquoi les ordres donnés par la Russie, la Suède et l'Espagne à leurs ambassadeurs de ne plus communiquer avec nos ministres français ? Pourquoi cette paix du Nord conclue lorsque la Russie touchait au moment de recueillir les fruits de ses victoires, où son amiral Uschakow allait porter la terreur

(1) Le décret relatif au départ du roi. (Voyez tome IV, page 158 et suiv.)

jusque sous les murs de Constantinople? Pourquoi la conservation après la paix d'une flotte à Revel, d'une autre à Carlscrone? Pourquoi ce rassemblement subit de troupes et d'artillerie suédoises? Pourquoi cette entrevue à Pilnitz entre l'empereur et le roi de Prusse, entrevue où les chefs mêmes des rebelles ont été admis? Pourquoi cette liaison inouïe et monstrueuse entre deux puissances que des intérêts divers rendent ennemies implacables? Le ministre des affaires étrangères a bien avoué quelques uns de ces faits; il s'est tu sur les causes : elles étaient faciles à deviner; cependant il nous doit la lumière, et nous la doit sur tous les objets suivans, qui doivent diriger notre conduite !

rope,

Est-il vrai que dans cette fameuse entrevue de Pilnitz on ait conjuré la ruine de la Constitution française ? Est-il vrai qu'on y ait arrêté cette déclaration devenue publique par laquelle les princes s'engagent à maintenir le repos de l'Euet à tourner leurs armes contre la France si elle ne donne pas satisfaction aux princes allemands? Est-il vrai que le roi de Prusse, comme électeur de Brandebourg, ait fait la même déclaration à la diète de Ratisbonne ? Est-il vrai que l'impératrice de Russie ait écrit cette lettre à l'empereur dans laquelle elle déclare qu'elle se croit obligée par bien des considérations, et pour le repos de l'Europe, à regarder comme sa propre cause la cause du roi des Français? Est-il vrai qu'elle ait ostensiblement donné des secours d'argent considérables aux chefs des rebelles, qu'elle leur ait envoyé pour se concerter avec eux un personnage distingué dans ses états?

» Est-il vrai qu'au même temps où l'on accueillait à cette cour les Bombelle, les Guignard et les Nassau, le vice-chancelier Osterman ait défendu au chargé d'affaires de France de paraître en public, sous le prétexte que les choses étaient telles en France que les puissances étrangères ne pouvaient plus reconnaître les représentans de sa majesté très chrétienne? Est-il vrai que M. Genest ait répondu, en bon patriote, que, l'honneur de la nation et du roi n'étant plus qu'un, il ne pouvait se renfermer chez lui? Est-il vrai que l'entrée de la cour lui ait été ensuite défendue?

» Est-il vrai que tous ces princes aient arrêté de tenir un

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