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je erois essentielle au bonheur des Français, est invariable comme mon amour pour eux,

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La loi et le roi désormais confondus, l'ennemi de la loi devient celui du roi; de quelque prétexte maintenant dont on veuille colorer la désobéissance et l'indiscipline, j'annonce que je regarderai comme un délit contre la nation et contre moi tout attentat, toute infraction à la loi.

» Il a pu être um temps ou les officiers, par attachement à

ma personne et dans le doute de mes véritables sentimens, ont cru devoir hésiter sur des obligations qui leur semblaient en opposition avec leurs premiers engagemens ; mais après tout ce que j'ai fait cette erreur ne doit plus subsister.

» Je ne puis regarder comme m'étant sincèrement dévoués ceux qui abandonnent leur patrie au moment où elle réclame fortement leurs services ceux-là seuls me sont sincèrement attachés qui suivent les mêmes voix que moi, qui restent fermes à leur poste, qui, loin de désespérer du salut public se confédèrent, avec moi pour l'opérer, et sont résolus de s'attacher inséparablement à la destinée de l'empire.

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» Dites donc à tous ceux qui sont sous vos ordres, officiers et soldats, que le bonheur de leur pays dépend de leur union, de leur confiance réciproque, de leur entière soumission aux lois, et de leur zèle actif pour les faire exécuter : la patrie exige cette harmonie, qui fait sa force et sa puissance. Les désordres passés et les circonstances où nous sommes donnant à ces vertus du guerrier pendant la paix une valeur sans prix, c'est à elles que seront dues les distinctions, les récompenses et tous les témoignages de la reconnaissance publique.

Signé Louis. Et plus bas, Duportail.

LETTRE du roi aux commandans des ports. Du 13 octobre 1791.

» Je suis informé, monsieur, que les émigrations se multiplient tous les jours dans le corps de la marine, et je ne puis différer plus long-temps de vous faire connaître combien j'en

suis vivement affecté.

>> Comment se peut-il que des officiers d'un corps dont la

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gloire m'a toujours été si chère, et qui m'ont donné dans tous les temps les preuves les plus signalées de leur attachement et de leur zèle pour le service de l'Etat, se soient laissés égarer au point de perdre de vue ce qu'ils doivent à la patrie, ce qu'ils doivent à mon affection, ce qu'ils se doivent à eux-mêmes!

Ce parti extrême eût paru moins étonnant il y a quelques mois quand l'anarchie semblait être à son comble et qu'on n'en apercevait pas le terme; mais aujourd'hui que la majeure et la plus saine partie de la nation veut le retour de l'ordre et de la soumission aux lois, serait-il possible que de généreux et fidèles marins songeassent à se séparer de leur roi !

» Dites bien à ces braves officiers, que j'estime, que j'aime, et qui l'ont si bien mérité, que l'honneur et la patric les appellent; assurez-les que leur retour que je désire pardessus tout, et auquel je reconnaîtrai tous les bons Français, tous mes vrais amis, leur rendra pour jamais toute ma bienveil lance.

» On ne peut plus se dissimuler que l'exécution exacte et paisible de la Constitution est aujourd'hui le moyen le plus sûr d'apprécier ses avantages, et de connaître ce qui peut manquer à sa perfection.

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Quel est donc votre devoir à tous? De rester fidèlement à votre poste; de coopérer avec mai, avec franchise et loyauté, à assurer l'exécution des lois que la nation pense devoir faire son bonheur; de donner sans cesse de nouvelles preuves de votre amour pour la patrie et de votre dévouement à son service.

C'est ainsi que se sont illustrés vos pères, et que vous' vous êtes distingués vous-mêmes; voilà les exemples que vous devez laisser à vos enfans, et les souvenirs ineffaçables qui constitueront votre véritable gloire.

» C'est votre roi qui vous demande de rester inviolablement attachés à des devoirs que vous avez toujours si bien remplis vous auriez regardé comme un crime de résister à ses ordres; vous ne vous refuserez pas à ses instances!

» Je ne vous parlerai pas des dangers, des suites fâcheuses, qu'une autre conduite pourrait avoir; je ne croirai jamais. qu'aucun de vous puisse oublier qu'il est Français,

- Je vous charge, monsieur, d'adresser de ma part un

exemplaire de cette lettre à tous les officiers attachés à votre département, et particulièrement à ceux qui sont en congé. Signé Louis. Et plus bas, Bertrand. »

L'impatiente sollicitude de l'Assemblée nationale ne lui permit pas d'attendre l'effet qu'on pouvait espérer des invitations du roi ; et cette impatience était bien justifiée par la conduite hostile des émigrans, qui ne cessaient de provoquer les troupes à la désertion, d'exciter des désordres dans l'intérieur de la France, et de lui susciter des ennemis au dehors: la question de l'émigration, abordée le 16 octobre, fut mise à l'ordre du 20.

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M. Lequinio ouvrit la discussion; il condamna les mesures répressives de l'émigration, les regardant comme une violation de la Constitution et de la Déclaration des Droits. (Bientôt M. Lequinio fera le sacrifice de son opinion.) Après lui M. Lémontey se montra plus opposé encore à toute loi contre les émigrans ; « une pareille loi, selon lui était inexécutable, dangereuse, impolitique; inutile surtout, car l'effet d'une loi contraire au droit naturel est d'inviter à la violer. Qu'avez-vous au surplus à regretter dans les émigrés? ajouta M. Lémontey. Leurs richesses?. Ils les employaient à fomenter des troubles. Leurs personnes? Mais il vaut mieux les avoir pour ennemis déclarés que pour citoyens turbulens ou serviteurs perfides. Leur fuite n'est à mes yeux qu'une transpiration naturelle de la terre de la liberté. » M. Baignoux opina dans le même sens. Le quatrième orateur qui obtint la parole, M. Crestin, fut le premier qui reconnut le besoin de mesures contre les émigrans: toutefois l'Assemblée n'était pas éloignée d'accueillir la question préalable, que réclamaient plusieurs membres, lorsque M. Brissot parut à la tribune.

DISCOURS de M. Brissot. (Séance du 20 octobre 1791.)

Messieurs, en examinant les lois différentes qui ont été rendues contre les émigrans, en considérant leur inefficacité, leur insuffisance, j'en ai cherché la cause; et je suis maintenant convaincu qu'elle est et dans le principe, et dans

la partialité de l'application de la loi, et dans ce défaut de grandes mesures qui devaient l'accompagner. La marche qu'on a suivie était précisément l'inverse de celle qui devait en assurer le succès: on attaquait les branches : c'était le tronc qu'il fallait détruire; et l'on respectait ce tronc! On s'acharnait contre cette foule d'hommes enthousiastes de leurs vieux parchemins, qui, séduits par de perfides conseils, abandonnaient leurs foyers; et par une mollesse impardonnable non seulement on tolérait, on épargnait, mais même on alimentait du sang des Français les chefs de la rébellion, qui commandent ces funestes émigrations! Il faut enfin changer de système si l'on veut sérieusement parvenir à arrêter les émigrations et à étouffer l'esprit de rébellion : sans doute il faut poursuivre et punir les fonctionnaires publics qui au mépris de leurs sermens abandonnent leur poste et trahissent leurs devoirs ; mais il faut aussi poursuivre et punir les grands coupables qui ont établi dans le Brabant et dans quelques petits états allemands un foyer actif de contre-révolution.

>>> La justice vous force à distinguer parmi les émigrans trois classes d'hommes:

» Les principaux chefs, et à leur tête je mets les deux frères du roi, indignes de lui appartenir puisqu'ils se montrent les ennemis d'une Constitution qu'il a juré de défendre (applaudissemens.);

Les fonctionnaires publics qui abandonnent leurs places et leurs pays, et cherchent à embaucher leurs collègues;

» Les simples citoyens qui, soit par crainte pour leurs jours, soit par haine de la révolution, soit par d'autres motifs abandonnent leur patrie, mais sans s'armer contre elle.

» Vous devez haine et châtimentaux deux premières classes; vous devez la pitié et l'indulgence à la dernière.

» Si vous voulez arrêter les émigrations ce n'est pas sur cette dernière classe que doivent se diriger vos coups; ce n'est pas même sur la seconde que doivent tomber les plus violens; c'est sur la première.

>> En vain vous ferez des lois contre les émigrations, contre les officiers qui désertent leurs postes; s'il existe toujours au dehors un foyer actif de contre-révolution, si l'on voit à la

tête des princes français, si l'on vous voit user à leur égard de complaisance, de ménagemens, de palliatifs, on croira que vous redoutez leurs complots; on croira qu'ils ont un parti considérable, et les mécontens, se berçant de yaines espérances, iront toujours se ranger sous leurs drapeaux. Pourquoi rougiraient-ils de violer leurs sermens lorsqu'ils voient leurs chefs se faire un devoir, une religion de cette violation? Pourquoi ces mécontens craindraient-ils un jour que votre justice ne s'appesantît sur eux, ne confisquât leurs biens, ne les condamnât à des supplices? Ils vous diraient avec raison: De quel droit nous punissez-vous? Existe-t-il pour un peuple libre deux poids et deux mesures? Vous respectez les titres et les biens de nos chefs et vous écrasez leurs complices subalternes ! Il y a içi double délit, injustice et lâcheté. —(Applaudissemens.)

» Tel a été, n'en doutez pas, messieurs, le raisonnement d'instinct qui a perpétuellement entraîné au delà du Rhin une foule d'émigrans. Coinment pouvaient-ils croire les lois sur les émigrations sérieuses lorsqu'ils voyaient les grands coupables échapper au glaive de la justice nationale, lorsqu'ils voyaient ce prince qui versa si lâchement du sang français aux Tuileries, quoique convaincu par une foule de témoins, non seulement respecté par un tribunal partial, mais touchant même les appointemens de ses places au sein de la nation étrangère qui lui donnait asile, et où il soulevait les esprits contre la révolution! Pouvaient-ils croire les lois sur les émigrations bien sérieuses lorsqu'ils voyaient ce prince de la famille royale qui, après avoir englouti dans un espace de dix années plus de quarante millions, obtenait encore des millions de l'Assemblée nationale pour alimenter son faste et payer ses dettes, malgré ces faveurs inouïes promener de cour en cour ses prétentions hautaines, solliciter les souverains d'écraser le peuple trop généreux qui pardonnait à ses écarts.

» Il faut, messieurs, ou abandonner les ménagemens pour ces princes rebelles, ou renoncer à toute loi sur les émigrations. L'or du trésor public ne peut pas aller dans l'étranger alimenter les chefs de la rébellion, tandis que vous prétendez défendre aux particuliers d'emporter l'or qui leur appartient

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