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de prêcher la paix et la soumission aux lois; c'est surtout le devoir des ministres de l'Evangile : l'Evangile, messieurs, n'est autre chose que le code de la morale universelle, admirable dans sa pureté première, et qui s'allie de lui-même avec la Constitution lorsqu'on la débarrasse des accessoires dont l'intérêt des prêtres l'a surchargé et défiguré dans les siècles de féodalité et d'ignorance.

» C'est d'après ces principes, messieurs, que le comité de législation croit devoir vous proposer d'assujétir les prêtres dissidens au serment civique avant qu'ils puissent exercer leur culte.

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›. A cet égard, messieurs, quelque parti que vous preniez, il est temps de vous décider; cette matière est discutée depuis environ six semaines : vous avez adopté un projet venu à la suite d'une foule d'autres projets; ne le considérez que comme une loi provisoire; si l'expérience prouve que cette loi est insuffisante vous serez à portée de la rectifier lorsque le comité de législation vous fera le rapport des arrêtés qui seront pris dans les quatre-vingt-trois départemens en exécution des articles décrétés.

» Ce sera le moment de juger s'il est nécessaire d'y joindre cette multitude d'articles additionnels qu'on vous a proposés, ou s'il est convenable de prendre des mesures d'un genre différent; vous comparerez les comptes qui auront été rendus dans tous les points de l'empire; vous aurez sous les yeux un grand ensemble, et les calculs de votre politique et ceux de votre justice porteront sur des élémens et plus vastes et plus précis.

» Pendant que ces élémens se formeront l'instruction, que vous encouragez par l'article XVI, l'instruction, qui est la plus puissante des autorités auxiliaires de la vôtre, l'instruction mûrira les esprits, écartera les préjugés, aplanira devant la législation le chemin où elle pourra marcher avec assu

rance.

» Ce sont les lumières que vous appelez au secours de la loi; on ne saurait douter de leur effet; partout où les peuples sont éclairés les prêtres turbulens n'ont plus de crédit : dès que le jour paraît les oiseaux nocturnes s'enfuient.

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Dans ce moment, messieurs, permettez-moi d'élever encore la voix pour vous dire que tous les départemens attendent avec impatience la prononciation définitive de cette loi contre les prêtres séditieux. De toute part on vous l'écrit; de toute part on les dénonce : ce sont les plus grands ennemis de la patrie; des ennemis sans lesquels les autres seraient peu de chose, parce que les autres n'ont pas comme ceux-ci des armes cachées ; que dis-je! ces prêtres rebelles ne se bornent plus à des attaques souterraines; leur audace commence à se montrer dans les départemens mêmes où le patriotisme des administrations les avait contenus jusqu'aujourd'hui. La fluctuation des opinions énoncées à cette tribune a paru leur offrir un point d'appui qu'ils ont saisi; les conciliabules secrets qu'ils tiennent dans la capitale ont instruit leurs correspondans, dispersés sur la face de cet empire, et la lenteur de vos décrets leur a donné le temps de combiner d'avance le genre de défense qu'ils prétendent vous opposer.

» Hé quoi, messieurs, tous les corps aristocratiques ont disparu devant la loi; les parlemens sont remplacés, les officiers impatriotes sont presque renouvelés en entier, les compagnies fiscales sont détruites, la noblesse est remise au niveau de l'égalité ; le clergé seul résiste le clergé seul se flatte d'échapper à la régénération universelle du royaume; le clergé seul espère reprendre ses usurpations, et rétablir la dîme! Ce n'est qu'un rêve de l'orgueil; mais vous souffrez qu'il se prolonge; hâtez-vous de le terminer!

»Vous devez à la nation l'exemple du courage et de l'énergie: un engourdissement mortel semble s'emparer du grand nombre; l'esprit public n'est pas éteint, mais il est assoupi; la crainte et l'incertitude sont presque aujourd'hui les seuls mobiles, les seuls ressorts actifs aussi le majestueux édifice de la liberté, à peine affermir sur ses fondemens contitutionnels, semble se miner sourdement, à la grande satisfaction de tous ses ennemis, connus ou déguisés, qui, sachant mieux que les patriotes profiter de leurs avantages, luttent insensiblement contre l'opinion, flattent les mécontens, entravent le nouveau régime pour avoir des prétextes de le calomnier, se rapprochent

du peuple afin de l'égarer, et finiraient peut-être par obtenir une apparence de snpériorité si vous n'y preniez garde.

» On dirait que les patriotes, fatigués de la conquête de la liberté, n'aspirent qu'à se reposer dans une sécurité trompeuse; faudra-t-il donc leur appliquer le mot célèbre qui fut dit au héros de Carthage: Tu sais vaincre, Annibal; mais tu ne sais pas profiter de ta victoire.

»

Quand vous le voudrez, messieurs, vous ranimerez une ardeur presque éteinte; c'est entre vos mains qu'est le salut de l'empire et le dépôt de la liberté : vous ne pouvez défendre l'un et l'autre qu'au moyen de l'énergie publique, et vous seuls pouvez la communiquer à la nation.

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Déjà les mesures vigoureuses que vous aviez annoncées contre des ennemis d'un autre genre avaient comblé les vœux et ranimé les espérances de tous les amis de la Constitution : saisissez cette impulsion; soutenez-la, messieurs, par la célérité et la fermeté des mesures que vous opposerez aux prêtres séditieux !

»

Songez que l'opinion publique est entre les mains du législateur comme le métal dont le génie du statuaire doit tirer ses chefs d'œuvres tant que le bronze est en fusion il peut couler dans les moules et prendre à l'instant les formes les plus parfaites et les plus imposantes; mais si on lui laisse le temps de se refroidir il ne forme plus qu'une masse inerte, incapable de prendre de belles formes, et qui résiste désormais au talent de l'artiste.

Messieurs, voici la rédaction. »( Ce sont les articles 12 et 13 du décret ci-après.)

Ce rapport, dont plusieurs passages avaient excité une vive satisfaction, fut suivi d'applaudissemens nombreux et réitérés; l'Assemblée en ordonna l'impression et l'envoi aux quatre-vingt-trois départemens.

Le décret concernant les prêtres séditieux était enfin rendü; il fut porté le jour même à la sanction. Après trois semaines d'examen le roi le frappa du veto; un seul député, M. Delcher de la Haute-Loire, s'appuyant sur l'urgence, cut le courage de s'élever contre le refus royal, mais sans

succès. Ces mots terribles, le roi examinera, paralysaient déjà le décret sur les émigrans: nons donnerons le discours de M. Delcher en mentionnant cet autre veto, que l'orateur comprit dans sa réclamation.

Voici le décret sur les prêtres, non sanctionné, quoique la grande majorité des départemens l'eût sollicité de l'Assemblée nationale, à qui il coûta près de deux mois d'une discussion pénible et approfondie.

DÉCRET relatif aux troubles excités sous prétexte de religion. (Du 29 novembre 1791.)

» L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des commissaires civils envoyés dans le département de la Vendée, les pétitions d'un grand nombre de citoyens, et le rapport du comité de législation civile et criminelle sur les troubles excités dans plusieurs départemens du royaume par les ennemis du bien public sous prétexte de religion;

>> Considérant que le contrat social doit lier comme il doit également protéger tous les membres de l'Etat;

» Qu'il importe de définir sans équivoque les termes de cet engagement afin qu'une confusion dans les mots n'en puisse opérer une dans les idées; que le serment purement civique est la caution que tout citoyen doit donner de sa fidélité à la loi et de son attachement à la société, et que la différence des opinions religieuses ne peut être un empêchement de prêter ce serment puisque la Constitution assure à tout citoyen la liberté entière de ses opinions en matière de religion, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre ou ne porte pas à des actes nuisibles à la sûreté publique;

» Que le ministre d'un culte, en refusant de reconnaître l'acte constitutionnel qui l'autorise à professer ses opinions religieuses sans lui imposer d'autre obligation que le respect pour l'ordre établi par la loi et pour la sûreté publique, annoncerait par ce refus-là même que son intention n'est pas de les respecter;.

» Qu'en ne voulant pas reconnaître la loi il abdiquera volontairement les avantages que cette loi seule peut lui garantir;

» Que l'Assemblée nationale, pressée de se livrer aux grands objets qui appellent son attention pour l'affermissement du crédit et le système des finances, s'est vue avec regret obligée de tourner ses premiers regards sur des désordres qui tendent à compromettre toutes les parties du service public en empêchant l'assiette prompte et le recouvrement paisible des contributions;

>> Qu'en remontant à la source de ces désordres elle a entendu la

voix de tous les citoyens éclairés proclamer dans l'empire cette grande vérité, que la religion n'est pour les ennemis de la Constitution qu'un prétexte dont ils abusent et un instrument dont ils osent se servir pour troubler la terre au nom du ciel

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» Que leurs délits mystérieux échappent aisément aux mesures ordinaires, qui n'ont point de prise sur les cérémonies clandestines dans tesquelles leurs trames sont enveloppécs, et par lesquelles ils exercent e sur les consciences un empire invisible;

» Qu'il est temps enfin de percer ces ténèbres, afin qu'on puisse discerner le citoyen paisible et de bonne foi du prêtre turbulent et machinateur qui regrette les anciens abus, et ne peut pardonner à la révolution de les avoir détruits;

Que ces motifs exigent impérieusement que le corps législatif prenne de grandes mesures politiques pour réprimer les factieux, qui couvrent leurs complots d'un voile sacré;

» Que l'efficacité de ces nouvelles mesures dépend en grande partie du patriotisme, de lâ prudence et de la fermeté des corps municipaux et administratifs, et de l'énergie que leur impulsion peut communiquer à toutes les autres autorités constituées ;

» Que les administrations de département surtout peuvent dans ces circonstances rendre le plus grand service à la nation, et se couvrir de gloire en s'empressant de répondre à la confiance de l'Assemblée nationale, qui se plaira toujours à distinguer leur zèle, mais qui en même temps réprimera sévèrement les fonctionnaires publics dont là tiédeur dans l'exécution de la loi ressemblerait à une connivence tacite avec les ennemis de la Constitution;

» Qu'enfin c'est surtout aux progrès de la saine raison et à l'opinion publique bien dirigée qu'il est réservé d'achever le triomphe de la loi, d'ouvrir les yeux des habitans des campagnes sur la perfidie intéressée de ceux qui veulent leur faire croire que les législateurs constituans ont touché à la religion de leurs pères, et de prévenir pour l'honneur des Français dans ce siècle de lumières le renouvellement des scènes horribles dont la superstition n'a malheureusement que trop souillé leur histoire dans les siècles où l'ignorance des peuples était un des ressorts du gouvernement;

» L'Assemblée nationale, ayant décrété préalablement l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :

» Art. 1oo. Dans la huitaine à compter de la publication du présent décret tous les ecclésiastiques, autres que ceux qui se sont conformés au décret du 27 novembre dernier, seront tenus de se présenter pardevant la municipalité du lieu de leur domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la Constitution, et de signer le procès-verbal, qui en sera dressé sans frais.

» 2. A l'expiration du délai ci-dessus chaque municipalité fera par

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