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armoiries la crêche du Dieu qui voulut naître et mourir pauvre ; ces disciples d'un maître dont le royaume n'est pas de ce monde avaient accumulé des terres, des pairies, des duclés, des justices; que dis-je ! des moines possédaient des serfs : douze mille habitans du Mont-Jura étaient esclaves du chapitre de Saint-Claude, et ce chapitre a plaidé dans plusieurs tribunaux pour ne pas les affranchir ! Ce sont des prêtres du dixhuitième siècle qui se sont montrés les plus immiséricordieux de tous les tyrans.

» Je lis dans la Constitution qu'il n'y a plus pour aucune partie de la nation ni pour aucun individu aucun privilége ni exception au droit commun de tous les Français.

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C'est, messieurs, ce que les prêtres dissidens n'entendront jamais : ils avaient des tribunaux particuliers; ils avaient leurs exceptions, leur committimus, leurs cas privilégiés; ils voudraient encore les ressusciter, parce que ces exceptions tiennent à cet amas de lois étrangères qu'ils appellent le droit canonique, droit ignoré de la primitive église, et incompatible avec votre législation.

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Je lis dans la Constitution que la loi ne reconnaît plus de vœux religieux.

» Mais les dissidens veulent que ces vœux puissent être obligatoires, que les rassemblemens de moines puissent être légitimes, que leur existence puisse être continuée sans l'aveu et contre le gré du souverain ; ils ne conviendront jamais que le premier vœu de tout homme est d'être citoyen; qu'on est şouinis au souverain avant d'être moine; que la conscience nous attache primitivement tous à la patrie par un serment naturel, inaltérable et inprescriptible, et que, si chacun est libre de former des vœux religieux, rien ne peut forcer le législateur à les reconnaître.

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» Je lis dans la Constitution qu'il sera créé et organisé un établissement général de secours publics.

» Cette grande idée administrative excite surtout la fureur du clergé dissident : il se disait l'économe des indigens, le trésorier des malheureux, le dispensateur des bienfaits publics; c'était un beau prétexte pour envahir le bien des riches en promettant de le reverser dans le sein des pauvres : on sait comme

il s'acquittait en général de cette partie des droits nationaux qu'il avait usurpée; loin de guérir l'Etat de la lèpre honteuse de la mendicité, il la multipliait; il faisait de la gueuserie une profession respectable et sacrée ; il avilissait les peuples en les accoutumant à recevoir à titre d'aumône la restitution d'une faible partie de leur dépouille.

» Je lis dans la Constitution qu'il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens.

>> C'est encore une usurpation du clergé dissident qu'il ne voit pas sans peine réunir au patrimoine national. Il s'était arrogé depuis longtemps le droit de présider à l'éducation; c'était le vrai moyen de plier de bonne heure, tous les esprits, toutes les têtes devant le joug sacerdotal: on ne peut qu'admirer cette adresse des prêtres pour régner sur les hommes; ce n'étaient pas des citoyens qu'ils songeaient à former, mais des congré ganistes, mais des sujets pour recruter leur ordre, mais des esclaves pour étendre et affermir leur domination.

» Je lis dans la Constitution qu'il sera établi des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la révolution, entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la Constitution, à la patrie et aux lois.

» Des fêtes nationales! Ces mots sont un blasphème aux yeux du clergé dissident. Il ne connaît, de fêtes que celles qu'il a établies, qu'il a multipliées, et qu'on a eu tant de peine à réduire lorsqu'on s'est aperçu que leur nombre excessif dépravait les mœurs du peuple et appauvrissait la nation; mais des institutions fraternelles, constitutionnelles, patriotiques, lé-gales, c'est que le clergé dissident pe saurait concevoir, ce qu'il ne peut admettre, ce qui répugne à ses vues, parce qu'il ne veut dans nos lois rien de ce qui ne se rapporte pas directement ou indirectement à son intérêt.

» Son intérêt, messieurs, voilà le mot, voilà le dieu dont il prend la cause; voilà la barrière éternelle et la seule qui s'élève entre le prêtre dissident et la loi !

» Est-il nécessaire de donner à cette vérité d'autres développemens? Faut-il entrer, messieurs, dans le détail des autres articles que je trouverais également dans la Constitution, et contre lesquels les prêtres dissidens s'élèvent, non pas pour des

points de foi, non pas pour des problèmes de théologie, mais pour des prétentions et des intérêts privés, mais pour un système de résistance à la loi!

Que n'aurais-je pas à dire de cette disposition qui met les biens destinés aux dépenses du culte à la disposition de la nation, et qui garantit les aliénations qui en ont été faites!

» On sait assez que les prêtres dissidens, après avoir cherché à effrayer ou à ralentir le zèle des administrateurs chargés des aliénations, ont essayé de tourmenter la conscience des acquéreurs. Ils ne cessent d'écrire et d'annoncer aux adjudicataires qu'en adhérant à cette grande mesure, qui a sauvé l'empire français, ils se rendent coupables du plus grave de tous les crimes: il y a pour tout autre délit des moyens de s'accommoder avec le ciel ; mais le commerce des biens nationaux est ; un forfait digne de tous les anathèmes, un forfait qui ne peut s'absoudre.

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Parlerai-je de cette faculté assurée aux citoyens d'élire qu choisir les ministres de leur culte ? La clergé dissident avait depuis longtemps fait un trafic des patronages; et bien loin de songer à faire restituer aux fidèles le droit des élections primitives, nos prélats ne rougissaient pas de devoir quelquefois au crédit d'une femme leur promotion aux premières dignités de la hiérarchie.

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» Rappellerai-je cet article qui charge le pouvoir législatif d'établir pour tous les habitans sans distinction le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés, et qui décide que la loi ne considère le mariage que comme contrat civil?

» Aux yeux du clergé dissident cette disposition n'est-elle pas encore un attentat à ses droits prétendus? N'est-il pas désespéré de perdre son intervention dans tous les actes les plus importans de notre vie? Il voudrait que nous ignorassions qu'avant le sixième siècle de l'église les ministres de la religion n'avaient point une part nécessaire à la célébration des mariages, et que s'ils y ont participé depuis c'est en vertu des lois civile, comme officiers publics, et non pas comme prêtres. Ils regrettent aussi ces temps heureux où ils pou

vaient nous tourmenter mourans et nous poursuivre morts en refusant les sacremens ou l'inhumation, par un genre de barbarie que les païens eux-mêmes auraient eu en horreur ; ils nous prenaient à toutes les époques de notre existence; ils nous asservissaient même encore au-delà: la Constitution nous affranchit de cet esclavage; les prêtres dissidens ne peuvent nous pardonner de vouloir vivre et mourir libres.

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D'après cette énumération des contradictions qui se trouvent entre les principes du clergé dissident et notre loi constitutive, je demande à tout esprit désintéressé si ces contradictions roulent sur des opinions religieuses; je demande si l'ultramontanisme, etles quartiers chapitrables, et les lettres de cachet, et les bûchers de l'inquisition, et les censures des livres, et l'immunité des charges publiques, et la distinction des ordres, et les droits seigneuriaux, et les cas privilégiés et le refus des enterremens, et la besace des quêteurs, et l'exaction de la dîme, et la feuille des bénéfices sont des articles de foi, sont des points de créance essentiels à salut, sont des matières du ressort de la liberté de conscience; je demande si l'on peut invoquer la tolérance pour des opinions qui ne sont pas des opinions théologiques, mais bien évidemment des principes de trouble, des motifs de sédition, des germes de discorde et de guerre intestine; je demande s'il y a de la dureté, s'il y a de la persécution de la part des législateurs à vouloir prévenir ces troubles en exigeant des prêtres suspects de tenir à un système aussi contraire à l'ordre social la prestation du serment civique; je demande si l'on peut accorder à ceux qui refusent de s'y soumettre la faculté d'exercer un prétendu culte particulier, qui ne differe véritablement du culte salarié par l'Etat qu'en ce que les ministres de ce dernier ont eu le mérite de se montrer citoyens et de coopérer par leur patriotisme à la révolution qui nous a rendu la liberté et l'égalité des droits! » Messieurs, je mé résume.

L'église est dans l'Etat, et l'Etat n'est pas dans l'église : vous ne commettrez point la faute d'admettre un empire dans un empire, vous ne subordonnerez point la société générale, la grande famille, le peuple souverain, dont les intérêts vous

sont confiés, à l'ambition et à la cupidité de quelques individus. Vous direz à ces individus que s'ils sont de bonne foi ils ne doivent pas se refuser à en donner la preuve ; que si leur église veut être reçue dans l'Etat il faut qu'elle se soumette aux lois de l'Etat; qu'il faut que ses ministres prêtent serment d'obéissance et de fidélité à l'Etat... Ce serment de fidélité a toujours été exigé; les ecclésiastiques ont cherché vainement à s'en défendre; c'est la grande querelle des investitures; mais cette querelle et toutes celles qu'élèvent les prêtres dissidens n'ont rien de commun avec la religion, rien de commun avec la foi, rien de commun avec la tolérance. Nous nous plaisons à convenir que l'homme est nécessairement libre dans sa religion, que la créance ne · peut être forcée, que le culte est volontaire; mais nous soutenons que cette liberté du culte doit se coordonner dans les actes extérieurs au système d'ordre public, sans lequel le corps social ne saurait subsister; en un mot la liberté de conscience est pour les citoyens le droit de n'être jamais contraints à rien en matière de religion or nous ne voulons pas contraindre les dissidens à adopter des opinions, des dogmes, des rites pour lesquels ils ont une répugnance réelle ou simulée; quoique nous n'ayons point de doute sur les motifs intéressés de cette répugnance, nous respectons ce qu'ils appellent leur conscience; nous les laissons les maîtres de professer telle opinion de croire tel dogme, de suivre tels rites que bon leur semblera. Mais leurs ministres sont soupçonnés de ne pas reconnaître la loi civile; nous demandons qu'ils la reconnaissent : nous leur proposons de souscrire le pacte social, et à cette condition (que les ministres d'aucun culte ne peuvent refuser sans se déclarer ennemis de la société) nous leur garantissons la liberté la plus entière dans l'exercice de leur culte; nous leur laissons le choix des édifices où ils voudront se rassembler; nous n'exigeons d'eux enfin que de se conformer aux réglemens de police : nous ne sommes donc pas intolérans à leur égard; on pourrait dire avec bien plus de raison qu'ils ont l'audace de se montrer intolérans envers nos lois purement temporelles, auxquelles il ne leur appartient pas d'opposer de la résistance.

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Le devoir des vrais prêtres dans toutes les religions est

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