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avoir une religion dont les ministres se refusent à cette demande si naturelle et si simple, ou plutôt il serait inconcevable que ce refus pût jamais être censé de bonne foi.

2o. Mais, dit-on, si cela est ainsi pourquoi ne pas assujétir au serment civique les ministres de tous les autres cultes? Pourquoi cette exception à la règle générale?..... C'est là, messieurs la seconde objection qu'on répète et qu'on retourne de toutes les manières, et qui n'en est pas plus solide.

» En effet, il n'est pas nécessaire de faire une loi pour soumettre au serment civique les ministres des autres cultes : voyez-vous qu'aucun l'ait refusé? Avez-vous reçu à cet égard quelques plaintes contre les ministres protestans, contre les rabins juifs? Ont-ils excité aucun trouble, aucune émeute? Dans les pétitions et les réclamations qui nous sont adressées est-il question d'aucun d'eux comme tramant des complots ou provoquant la désobéissance à la loi?...... Au contraire, partout ils se soumettent aux lois de l'empire; ils vont au-devant de la Constitution; ils prêchent tous la soumission au magistrat civil, et ils en donnent l'exemple. D'après cette doctrine et cette conduite paisible est-il nécessaire, serait-il convenable de faire une loi pour enjoindre à ces ministres de faire ce qu'ils ont fait spontanément? Et cette injonction trouverait-elle bien sa place dans un décret où il s'agit de réprimer et de prévenir des désordres auxquels les ministres des autres cultes n'ont point de part?

» Mais je dis plus, et le moment est venu d'énoncer à cette tribune ce que tous les gens sensés pensent depuis longtemps; c'est, messieurs, que les ministres des autres cultes ne sont pas dans le cas d'inspirer aux gouvernemens la même inquiétude que les prêtres dissidens.

1o. Parce qu'ils ne sont pas comme ces prêtres séparés du reste des hommes par la loi du célibat, qui rend ces derniers étrangers à la société, qui ferme leur cœur à toutes les affections, qui les isole de leur famille, qui les détache de leur patrie, qui les dispense de tout intérêt à la chose publique les concentrer dans leur seule existence.

pour

pas

» 2°. Parce que les ministres des autres cultes n'ont terrible moyen de séduction insensible et de domination sou

le

terraine qui résulte des cérémonies clandestines dont les prêtres dissidens peuvent se servir et se servent en effet pour essayer de ruiner vos lois et de rétablir leur empire sur les débris du vôtre sans qu'on puisse saisir la trace de leurs complots, puisqu'il leur est facile d'affecter de prêcher la paix dans les rues, sauf à se dedommager de cette contrainte dans l'obscurité des tribunaux de pénitence.

3o. Parce que les ministres des autres cultes ne font pas leurs prières, comme les prêtres dissidens, dans une langue inconnue au vulgaire de leurs sectateurs, et qu'ils ont sur ces sectateurs une influence bien moins grande, n'étant point pour eux les arbitres infaillibles et les seuls interprètes de leurs cérémonies ou de leurs dogmes.

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4°. Parce que les ministres des autres cultes n'ont point, comme le clergé prétendu dissident, l'esprit de corporation; esprit antisocial par essence, qui met toujours l'égoïsme de l'agrégation privée en opposition avec l'esprit public.

» 5o. Enfin parce que les ministres des autres cultes n'ont pas le système des deux puissances; système destructif du principe de l'unité de la souveraineté, système qui n'est propre qu'à occasionner dans le corps social des conflits et des querelles interminables, système qui a causé le malheur de tous les gouvernemens où cette monstruosité politique a été admise, système en un mot qui sapperait quelque jour la base de votre Constitution, s'il était possible que vous le laissassiez renaître et se glisser dans les lois nationales.

» On insiste, messieurs, on demande ce que devient la liberté des opinions religieuses si vous exigez un serment contraire à ces opinions?.... C'est ici la troisième objection que l'on m'oppose.

» Mais de bonne foi est-ce donc par des opinions religieuses ou par des opinions politiques que nous sommes divisés d'avec les prêtres dissidens? Est-ce la liberté de conscience qu'ils réclament ou la liberté de faction? Sommes-nous en débat sur des questions de théologie ou sur des questions de droit public? Revendiquent-ils des articles de foi ou des prétextes de sédition?

» Je les entends se récrier contre ces lois qui ont fixé les rapports civils du culte catholique en France, et qui ont été

VIII.

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appelées Constitution civile du clergé............. Mais ́, messieurs, on ne prétend pas que le serment civique les soumette au culte payé en vertu de ces lois s'ils ne veulent pas s'y soumettre; vous avez eu pour leur conscience chatouilleuse la condescendance de substituer le serment civique à celui qu'avait prescrit aux ecclésiastiques le décret du 27 novembre 1790 : ce n'est plus à des prêtres, c'est à des citoyens que vous demandez une assurance de leur civisme, et ils la refusent!.... Quels sont donc teurs motifs? Ah, messieurs! leurs motifs ne sont point des opinions religieuses, ni l'impulsion de la conscience, ni des questions de théologie, ni des articles de foi; leur motif est uniquement la haine de la Constitution française.

» Et pour nous en convaincre ouvrons le livre de la loi, et voyons les articles sur lesquels ils veulent faire croire à leurs dupes que l'Evangile, qui est la constitution chrétienne, est incompatible avec la Constitution, qui est l'évangile civil.

» Je lis dans la Constitution que la souverainetë est une, indivisible, inaliénable, imprescriptible, et que son principe réside essentiellement dans la nation.

» Je vois dans les maximes du clergé prétendu dissident qu'il ne veut point reconnaître les droits du peuple... N'est-ce pas lui qui avait leurré les rois de l'idée qu'ils ne tiennent leur pouvoir que de Dieu, afin de mettre modestement les prêtres au-dessus des rois ? N'est-ce pas lui qui a soutenu et reproduit, même dans ces derniers temps, la division de la souveraineté par le système d'une puissance ecclésiastique indépendante de la puissance civile ? N'est-ce pas lui qui veut au sein de la France se prosterner encore devant un souverain étranger?

» Je lis dans la Constitution que tous les citoyens, étant égaux aux yeux de la loi, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois, sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talens.

» Je lis dans les regrets du clergé dissident son retour vers les distinctions avilissantes qu'il avait introduites jusque dans le sanctuaire... Ne sait-on pas ce que c'était que le haut clergé? Ignore-t-on qu'il fallait des preuves de noblesse pour être chanoine, et que l'abus était porté au point que les apôtres mêmes,

les fondateurs de notre sainte religion n'auraient pu entrer dans les chapitres de nos cathédrales?

»Je lis dans la Constitution que ceux qui sollicitent, expëdient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis.

Je lis dans les annales du clergé dissident que ses chefs ont fait un fréquent usage de ces ordres arbitraircs..... Qui pourrait ignorer les plaintes portées contre eux à cet égard? Qui ́ne sait que les lettres de cachet furent inventées par un cardinal, ministre despote sous un roi faible, et perfectionnées par un jésuite, directeur de la conscience d'un monarque Vieilli?

» Je lis dans la Constitution que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses.

» Je demande si le clergé dissident voudra s'autoriser de cet article, lui qui a couvert la France de ses persécutions; lui qui a inventé le tribunal des inquisiteurs de la foi; lui qui avait dispersé les cendres de Descartes loin de sa patrie; lui qui a refusé de ramasser un peu de terre pour couvrir le tombeau de Molière, le premier peut-être des génies français sous le règne de Louis XIV; lui qui a donné tant d'exemples d'intolérance et de fureur contre des opinions innocentes ou utiles! Je demande s'il peut s'autoriser de cet article pour réclamer la liberté de prétendues opinions religieuses qui ne sont dans le fait que des hérésies politiques et des impiétés sociales!

«Je lis dans la Constitution que tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, parce que la libre communication des pensées est un des droits les plus précieux de l'homme.

» Et je lis dans l'histoire que c'est le clergé imbu des principes des dissidens qui a inventé la censure des livres; car cé moyen admirable d'enchaîner la pensée et d'étouffer les lumières a été trouvé en Sorbonne... Et n'est-ce pas le même désir d'aveugler s'il était possible la raison humaine qui a dicté aux préjugés ultramontains cet abominable index suivant lequel presqué tous les livres qui font honneur à la France surtout et à notre siècle sont condamnés et ne peuvent être lus sans pérmission ou sans crime?

>> Je lis dans la Constitution que pour l'entretien de la force publique et pourles dépenses d'administration une contribution commune est indispensable; qu'elle doit être également répartie entre tous les citoyens à raison de leurs facultés.

» Et l'histoire m'apprend que depuis plus de cent cinquante ans le clergé (qui levait lui-même sur les propriétaires l'impôt inégal et exhorbitant de la dîme, et sur tous les citoyens l'im pôt honteux du casuel), le clergé, dis-je, avait trouvé le secret de ne point payer de contributions; que ses immunités faisaient une partie de sa doctrine et de son existence; que lors de l'établissement des vingtièmes, pour lesquels il fallut déclarer les biens des citoyens, les prêtres osèrent s'y refuser, qu'en dernier lieu, au moment même de la crise de notre heureuse révolution, le clergé, seul des ordres alors existans qui eût le 'droit de s'assembler, avait eu la précaution de faire consolider de nouveau ses priviléges par arrêt du conseil, et de payer pour prix de ce marché l'une de ces faibles sommes qu'il avait l'insolence de qualifier de dons gratuits!

» Je lis dans la Constitution qu'il n'y a plus de distinction d'ordre ni de corporations partielles.

» Et le clergé dissident veut former le premier des ordres, et son essence est de composer une corporation! L'Assemblée constituante a détruit cette excroissance du corps politique; mais les dissidens cherchent à la faire revivre et à la rendre indépendante de l'autorité civile: leurs écrivains ont mis le sacerdoce au-dessus de l'empire. Si l'Assemblée constituante eût laissé réproduire cette prétention de la part des ministres du culte que la nation paie elle eût fait une grande faute; mais ces derniers rendent hommage à notre Constitution; ce sont des prêtres citoyens, et l'on ne peut leur imputer leurs erreurs des dissidens, qui ne veulent être que prêtres; et refusent de se rendre citoyens.

»Je lis dans la Constitution qu'il n'y a plus ni pairie, ni régime féodal, nijustices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient.

» Et le clergé dissident avait associé les distinctions temporelles avec l'humilité évangélique! il incorporait les vanités du monde avec les maximes de la religion; il couvrait de ses

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