Page images
PDF
EPUB

attaché à l'opinion religieuse qu'il a embrassée, et si l'on n'éloigne que les non conformistes qu'on a remplacés que gagnera-t-on par cette mesure en laissant dans les mêmes lieux des hommes qui ont les mêmes principes, et que le défaut de remplacement oblige à conserver?

» Comment ne voit-on pas que la persécution ne fait qu'encourager au martyre; que l'enlèvement d'un seul prêtre non conformiste appellera vingt missionnaires plus ardens, et d'autant plus dangereux qu'ils seront plus exaltés ! Comment évitera-t-on les excès de tout genre auxquels le peuple est prêt à se porter dans les parties de l'Empire où il n'y a plus de force publique, et où la plupart des municipalités, faibles, sans instruction, sont ou séduites ou désorganisées ? L'insuffisance des premières mesures en appellera bientôt de plus sévères; est-il possible de prévoir où il faudrait enfin s'arrêter !

>> Sans doute on vous dira que les circonstances deviennent chaque jour plus difficiles, qu'à de grands maux il faut de grands remèdes, et que le salut du peuple est la suprême loi....

» C'est là la dernière excuse des despotes; à l'aide de semblables déclamations les actes de violence les plus atroces seraient faciles à légitimer : n'était-ce donc pas aussi sur la fatalité des circonstances, sur la nécessité de pourvoir au salut du peuple que des hommes sanguinaires conseillèrent à Charles IX l'horrible massacre de la Saint-Barthélemi, et que le crédule tyran, par intérêt pour une partie de son peuple, fit égorger l'autre moitié!

que

font

Qu'on n'imagine pas qu'en repoussant avec indignation des mesures trop violentes je sollicite les excès pour naître ces troubles religieux une coupable indifférence : sans doute il faut des moyens de répression; mais il les faut tels que la Constitution les indique ; inais il ne faut pas déshonorer notre code et marquer nos premières démarches par la plus absurde persécution.

En fixant votre attention sur les principales causes du désordre j'ai presque indiqué les moyens d'en diminuer l'éner

[ocr errors]

gie. Formons-nous dans les circonstances délicates où nous nous trouvons un plan de conduite uniforme, humain et philosophique, ne confondons pas par des mesures générales le prêtre factieux avec l'homme de bonne foi, et surtout n'aggravons pas la condition de ce peuple crédule, qu'il est si facile de rattacher à la révolution! Il ne désire que la liberté d'exercer son culte; il ne réclame que la jouissance des droits que la Constitution lui assure: pour la chérir cette Constitution, pour consacrer à sa défense tout ce qu'il a de force, d'énergie et de moyens, il ne vous demande que d'en étendre sur lui les bien

faits.

»Ne le perdez pas de vue, messieurs; ces troubles religieux, dont les détails sont si affligeans pour les bons citoyens, et qui doivent exciter toute votre sollicitude, tiennent à deux causes toujours actives et toujours agissantes : d'un côté c'est l'inexécution de la loi sur la liberté des opinions religieuses; de l'autre ce sont les manœuvres incendiaires de quelques prêtres turbulens et factieux : attaquez-les de front toutes les deux, et n'en laissez subsister aucune.

:

>> Faites une loi contre l'intolérance de toutes les sectes; effacez jusqu'aux moindres traces de persécution, et le fanatisme s'éteindra faute d'aliment donnez-nous une loi purement civile, également protectrice de toutes les opinions, également sévère contre tout esprit de parti; occupez-vous à détacher des fonctions ecclésiastiques, de l'exercice de toute espèce de culte religieux tout ce qui peut intéresser l'ordre civil et politique de l'État, déterminez enfin par des dispositions claires et précises les caractères qui constituent le trouble public, et veillez à l'application rigoureuse de la loi, quelle que soit l'opinion religieuse de l'individu qui s'en sera rendu coupable.

» Ce n'est point, vous le voyez, messieurs, un nouveau système de législation que je vous propose; c'est une loi de détail pour l'exécution des articles constitutionnels arrêtés par l'Assemblée constituante, c'est la suite, les conséquences nécessaires de ces articles, ou plutôt c'est la Constitution elle-même.

» En vain m'opposerait-on que, la Constitution s'étant formellement expliquée sur la liberté des cultes, il est inutile de la rappeler par un nouveau décret, et qu'il faut se reposer sur le

[ocr errors]

zèle des corps administratifs du soin d'en assurer l'exécution Je dois vous observer à cet égard, messieurs, que si la garantie de la liberté des opinions religieuses a été proclamée par la Constitution, il n'en est pas moins vrai que dans les onze douzièmes de nos départemens cette liberté est chaque jour violée; il n'en est pas moins vrai que les lois faites par le corps constitúant présen tent sur cet objet les contradictions les plus frappantes. Rappelezvous en effet, messieurs, que tandis que la Déclaration des Droits assurait à chaque citoyen cette liberté précieuse le décret du mois de décembre, pour le remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics non assermentés, ordonne qu'ils seront poursuivis lorsqu'après leur remplacement ils exerceront leurs anciennes fonctions; rappelez-vous aussi que, lorsqu'au mois de mai le directoire du département de Paris eut le courage de déchirer le voile et de s'élever aux vrais principes, sa conduite fut formellement approuvée par un décret de l'Assemblée nationale : mais rappelez-vous en même temps que la disposition de cette loi ne fut point générale, et que pour la restreindre au seul département de Paris le comité de constitution se fonda sur ce que les limites précises qui séparent l'autorité exécutive du pouvoir législatif n'avaient pas encore été entièrement déterminées.

>>> Et si à Paris même, au centre du vrai patriotisme et des Jumières, malgré l'expression positive de la loi, la fermeté du directoire du département a eu tant de peine à surmonter les obstacles dont l'a environné le malheureux préjugé qui sur cet article égare jusqu'à nos meilleurs citoyens, que devez-vous espérer si vous ne vous expliquez formellement, que pouvezvous attendre du zèle des directoires des autres départemen's, plus faibles, moins éclairés, et livrés à toutes les incertitudes qu'élève la contradiction des lois existantes?

» Messieurs, auriez-vous donc la pusillanimité de ne pas oser pour le maintien de la loi ce que le département de Paris a eu le courage de faire ? Comment vaincrez-vous ce préjugé qui met la chose publique en danger, qui peut être sous peu va livrer à vos ennemis le quart de la population du royaume si vous n'avez pas assez d'énergie pour le combattre? Est-ce donc pour composer avec lui que le peuple nous a revêtus de sa con

fiance? Dépositaire de nos lois constitutionnelles, pouvez-vous balancer entre des préjugés et vos sermens?

[ocr errors]

N'imaginez cependant pas, messieurs, qu'en réclamant de vous une résolution nécessaire, qu'il est impossible de retarder plus long-temps, je vous invite à négliger les précautions que la sûreté publique commande: ah! toutes celles que la prudence peut inspirer, et qui ne gèneront pas la liberté individuelle, je les adopte d'avance. C'est surtout dans les départemens où cette division intestine a fait les plus grands ravages, où il n'est pas possible de douter que les principaux chefs n'aient des relations intimes avec les ennemis de la patrie, qu'il faut les environner d'une surveillance plus active et presque de tous les momens.

» Le projet de décret que j'aurai l'honneur de vous présenter vous offrira à cet égard des vues particulières que vous adopterez peut-être, et qui je crois pourront remplir votre objet.

[ocr errors]

Après avoir consacré par ces dispositions préliminaires l'exercice illimité de la liberté des opinions religieuses vous devez établir des peines sévères, mais justes, contre les prêtres séditieux et leurs complices, contre ces hommes qui égarent un peuple crédule, qui attisent le feu de la discorde, excitent les citoyens les uns contre les autres, et arment sans cesse le fanatisme contre la loi.

» Le code pénal décrété par l'Assemblée constituante ne présente sur cet objet que deux dispositions vagues, insuffisantes, je dirai plus, illusoires.

>> Il m'a paru essentiel d'aggraver ces peines et de déterminer leur application à d'autres cas qui n'ont pas été prévus.

» Mais il est indispensable en rendant le décret que je vous propose de prendre les précautions nécessaires pour en assurer l'exécution; il faut que la publication de la loi emporte avec elle la certitude que les délits qu'elle poursuit ne demeureront pas impunis. Vous devez ordonner au ministre de la guerre 1o de disposer dans l'intérieur du royaume les forces militaires înutiles à la défense des frontières de manière que ce ne soit pas précisément les départemens que ces troubles religieux agitent qui en soient totalement dépourvus ; 2o de hâter autant qu'il sera possible l'organisation de la gendarmerie nationale, et de proposer, à l'Assemblée, sur la demande des directoires

de département, l'augmentation du nombre des brigades, que l'extrême agitation des esprits et le défaut de communication peuvent rendre nécessaire.

» Ce système de répression suffira, j'ose le croire; c'est du temps, de la douce influence de la raison et des progrès de l'esprit public que vous devez attendre l'achèvement, le complément de votre ouvrage : le fanatisme est une maladie de l'esprit humain qu'on ne guérit que par la douceur et la patience. » L'assemblée nationale constituante a reconnuu qu'on lui avait fait attacher à cet objet beaucoup trop d'importance : profitons de ses erreurs, et des leçons d'une utile, mais malheureuse expérience! Attachons-nous principalement à séparer tout ce qui tient à l'ordre civil des fonctions ecclésiastiques, et lorsque nous y serons parvenus, lorsque les ministres du culte que la nation salarie ne formeront qu'un établissement purement religieux, lorsqu'ils ne seront plus chargés du dépôt des registres qui constatent l'état civil des citoyens, lorsqu'ils ne dirigeront plus l'instruction publique et les hôpitaux, qu'ils auront cessé d'être les dépositaires d'une partie des secours que la société destine à l'humanité souffrante; lorsqu'enfin vous aurez détruit ces congrégations de prêtres séculiers, presque toutes inutiles ou dangereuses, et cette nuée de sœurs grises qui s'occupent moins aujourd'hui du soulagement des infirmes ¡ qu'à répandre les poisons du fanatisme et à fatiguer les mourans parleurs ardentes prédications et leur inquiète sollicitude, peut-être reconnaîtrez-vous alors la nécessité d'adoucir la rigueur des décrets sur l'obligation du serment particulier qu'ils imposent cette loi, qui cesse alors d'avoir un but utile ou nécessaire, puisqu'on ne pourra plus considérer les ecclésiastiques comme fonctionnaires publics, gêne la liberté des opinions, tyrannise les consciences, invite à la révolte, enfante le parjure, et c'est un vice de plus qu'elle met dans la société.

» Vous devez aussi vous occuper, messieurs, d'un changement nécessaire dans le mode d'élection pour les fonctions.purement ecclésiastiques. Il est conforme aux vrais principes et à toutes les convenances de laisser aux citoyens qui exercent un culte le droit d'en choisir les ministres ; je voudrais principalement qu'on rendît aux habitans des paroisses le droit de con

« PreviousContinue »