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ment à étudier Goldoni et Molière. Ses premiers essais poéti*ques furent un poème, Granada rendida, ou « La conquête de Grenade, » et une Epitre critique sur la corruption de la langue espagnole. Ces deux pièces rem.. portèrent le prix à l'académie royale de Madrid, en 1784. Déterminé à réformer le théâtre comique de sa nation, il donna la comédie intitulée le Café, qui est moins la critique des anciens auteurs espagnols, que celle des modernes, comme Zavala, Arellano, Comella, etc., d'ailleurs très bons versificateurs. Sa comédie eut un succès prodigieux; elle le méritait; et sous le rapport de l'art, elle est son chefd'œuvre. Après cet heureux début, il voyagea en Italie, en France et en Angleterre, et de retour à Madrid, il donna plusieurs autres comédies qui établirent de plus en plus sa réputation. Elle lui attira les regards de Charles IV, qui le nomma successivement chef du bureau d'interprétation des langues, et membre honoraire du conseil, Depuis cette époque, Moratin (il n'avait pas encore 40 ans) se reposa sur ses lauriers, ne fit paraître aucune autre production, et on aurait dit qu'il n'avait écrit et acquis une renommée qu'afin d'obtenir des places. Il suivit en cela l'exemple de son ami Cienfuegos, qui, satisfait du succès de deux bonnes tragédies, laissa reposer sa verve à l'âge de 30 ans. Lorsqu'après l'invasion de Buonaparte, son frère Joseph monta sur le trône des Espagnes, Moratin, non - seulement conserva ses emplois, mais il fut nommé directeur de la bibliothèque royale. Condamné à l'exil en 1813, par suite du retour de Ferdinand VII à Madrid, il se ré

fugia en France, demeura quelque temps à Bayonne et à Bordeaux, et vint enfin se fixer à Paris, où il est mort le 23 juin 1828. Indépendamment du Cafe, déjà cité, ses comédies sont Le Baron, la Jeune Hypocrite, Le Vieux Mari et la jeune Femme et le Oui des jeunes filles. Cette dernière (reproduite avec quelques changements à Paris, sur le Théâtre des Variétés), avait été mise à l'index par l'inquisition, à cause d'une intrigue de couvent, que l'auteur avait mêlée dans l'action de la pièce. Cette inconvenance exceptée, l'auteur respecte toujours la morale, et son principal but est de fronder les préjugés de son pays. Ses comédies ont été imprimées plusieurs fois à Madrid; et à Paris, chez Baudry, rue du Coq, 1820, en 2 vol. in-12, et chacune séparément. Quoique l'auteur de cet article ait été lié d'amitié avec Moratin, il croit (amicus Plato, sed magis amica veritas) devoir porter, dans le jugement de ce poète dramatique, la même impartialité dont il s'est fait une règle constante dans tous les autres articles de ceDictionnaire, marqués d'une croix (1). Cette impartialité devient encore plus obligatoire, quand il s'agit d'un auteur célèbre. L'action dans les comédies de Moratin est fort simple; elle est rigoureusement renfermée dans les trois unités, et on peut lui appliquer ce précepte de Santeuil Castigat ridendo mores. Le dialogue est vif, rapide, plein d'esprit et de saillies; le style en est correct, mais parfois rempli de ces monosyllabes, de ces mots coupés, de

(1) Une partie des articles ecclésiastiques, Pie VII excepté, portant le même signe, de la cinquième édition, sont de M. de l'Écuy, ancien abbé de Prémontré, et aujourd'hui grand-vicaire de Mgr. l'archevêque de Paris.

ces expressions proverbiales et de convention, usitées chez le peuple et même parmi les classes moyennes de Madrid. Ces mots, par exemple, ya..,.. y qué?..... Pues!... Pues ya!... Y que no!... vaya!... digo!... etc., renferment chacun une idée ou pensée tout entière, qu'on ne saurait rendre dans une autre langue, et que l'auteur se plaît trop à répéter.On ne saurait établir une comparaison entre Moratin et les anciens poètes comiques espagnols;car si les Lope de Vega, les Calderon, les Moreto, les Canizares, n'observaient pas les règles, de même que Shakespeare en Angleterre, Jodelle, Hardi en France, Fagiuoliet Martelli en Italie,etc.,Moratin était loin de posséder laverve poétique, le vis comica, la riche imagination des auteurs espagnols duXVIe etXVIIe siècle.Comme réformateur, Moratin mérite sans doute le surnom de Molière espagnol; mais il est très loin d'égaler ni cet immortel génie ni même le Molière italien, Gol-, doni. On pouvait plutôt le comparer, pour le genre qu'il a suivi, à un de nos spirituels auteurs vivants, l'inépuisable Picard. Depuis long-temps Moratin avait promis une Histoire du theatre espagnol, mais jusqu'à présent cet ouvrage n'est resté qu'en projet. Beati qui procul negotiis, etc., etc.

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MOREAU (Réné), habile docteur et professeur royal en médecine et en chirurgie à Paris, natif de Montreuil-le-Bellai en Anjou, mort le 17 octobre 1656, à 69 ans, est auteur de plusieurs ouvrages. Nous avons de lui entre autres: 1° De missione sanguinis in pleuritide, Paris, 1622, et Halle, 1742. On y trouve un Catalogue chronologique de. tous les médecins qui se sont

distingués par leurs écrits. 2o Tabula methodi universalis curandorum morborum, Paris 1647, in-fol; 3° une Edition de l'E cole de Salerne, avec des notes, 1625, in-8°; 4o une Traduction de l'espagnol en français du traité du chocolat, par Antoine Colmenero.

MOREAU DE BRASEY (Jacques), né à Dijon en 1663, capitaine de cavalerie, mort à Briançon à l'âge de 60 ans, est auteur: 1o du Journal de la campagne de Piémont, en 1690 et 1691; 2o des Mémoires politiques, satiriques et amusants, 1716, 3 vol. in-12; 3o de la Suite du Virgile tra vesti de Scarron, 1706, in-12; mauvaise continuation d'un

mauvais ouvrage.

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MOREAU (Jacques), habile médecin, né à Châlons-sur-Saône en 1647, disciple et ami de Guy- • Patin, s'attira la jalousie et la haine des anciens médecins par les thèses publiques qu'il soutint contre de vieux préjugés. On l'accusa d'avoir avancé des erreurs; mais il se défendit d'une manière victorieuse. Cet habile homme mourut en 1729. On lui doit: 1° des Consultations sur le rhumatisme; 2o un Traité chimique de la véritable connaissance des fièvres continues, pourprées et pestilentielles, avec le moyen de les guérir; 3o une Dissertation physique sur l'hydropisie; et d'autres ouvrages estimés.

+ MOREAU (Le général JeanVictor), né à Morlaix en 1763 d'un avocat de cette ville, fut destiné à la même profession; mais, entraîné par ses inclinations militaires, il s'engagea fort jeune dans un régiment. Racheté par son père, il continua ses études avec succès. Lorsqu'en 1787 le cardinal de Brienne

voulut essayer une révolution dans la magistrature, Moreau, prévôt de droit à Rennes, figura dans les attroupements à la tête de la jeunesse, sur laquelle il avait beaucoup d'empire, ce qui Je fit nommer Le général du parlement. Au moment de la révolution, il forma dans la garde nationale une compagnie de canoniers volontaires, qu'il continua de commander jusqu'en 1792, bien loin de prévoir quel rôle il devait jouer. Son goût pour l'élat militaire se fortifiait de plus en plus. Le bruit des armes qui retentissait sur toute la France vint enflammer son ame, et il s'enrôla dans un bataillon de volontaires qui se rendait aux armées du Nord. Sa bravoure et ses connaissances lui procurèrent un avancement rapide. Nommé en 1793 général de brigade, il fut promu l'année suivante au grade de général de division, sur la demande de Pichegru, qui lui confia un corps d'armée. Moreau ne trompa pas l'espoir de son protecteur, et conquit en peu de temps, Menin, Ypres, Bruges, Nieuport, Ostende, l'île de Cassandria et le foit de l'Ecluse. Au moment où il méritait si bien de la république, les jacobins immolaient à Brest son vieux père, appelé à Morlaix le père des pauvres. Cet événement dut lui faire détes er le système révolutionnaire; cependant il ne quitta pas le commandement, l'ambition étouffant peut-être dans son cœur la douleur filiale; et c'est alors qu'il jeta les fondements de sa brillante réputation militaire. Dans la célèbre campagne de 1794, il commanda avec beaucoup d'éclat l'aile droite de l'armée de Pichegru, et lorsque ce général fut appelé

au commandement de l'armée du Rhin-et-Moselle, il obtint celui de l'armée du Nord, et succéda à Pichegru lui-même, après la retraite de ce général. C'est au mois de juin 1796 qu'il ouvrit cette campagne qui a immortalisé son nom; après avoir défait le général Wurmser vers Manheim, il passe le Rhin à Strasbourg, et repousse le prince Charles sur tous les points. Les Autrichiens abandonnant la ligne du Rhin, Morcau se préparait à pénétrer en Bavière, lorsque la défaite de Jourdan vint mettre son armée dans une situation périlleuse. C'est alors qu'il effectua cette retraite, un des plus beaux faits militaires que l'histoire ait consacrés. Après avoir battu, dans sa marche rétrograde, presque tous les corps qui se présentèrent pour lui barrer le passage, il parvint, après les plus grands obstacles, à déboucher en Brisgaw, et revint passer le Rhin à Neuf-Brisach conservant sur la rive droite deux têtes de pont, l'une à cette dernière ville, et l'autre au fort de Kehl. A l'ouverture de la campagne suivante, placé sur le haut Rhin, il passe ce fleuve en plein jour et de vive force, devant une armée rangée en bataille sur l'autre rive. La suite de cette action brillante fut la reprise du fort de Khel, l'enlèvement de plusieurs drapeaux et de quarante mille prisonniers. Les préliminaires de paix de Léoben par Buonaparte vinrent suspendre ses succès. Dénoncé au directoire, par suite des papiers saisis dans le fourgon de M. de Klinglin, qui compromettaient Pichegru, Moreau fut mandé à Paris, et, pour se disculper, il eut la faiblesse de publier une proclamation dans le

but, disait-il, de convertir beaucoup d'incrédules sur le compte de Pichegru, qu'il n'estimait plus depuis long-temps. Cette conduite à l'égard de son bienfaiteur fut condamnée par le public, et le directoire lui-même ne lui en sut pas bon gré, puisqu'il le força de prendre sa retraite. Mais ses talents devinrent bientôt nécessaires. Il fut nommé en 1798 inspecteur général, et envoyé l'année suivante à l'armée d'Italie commandée par le général Schérer, où il resta sans commandement, pour y être témoin des défaites que ses conseils ne pouvaient réparer ni prévenir; et lorsque cet indigne général lui remit les tristes restes de. son armée, il sut, malgré l'extrême disproportion de ses forces, arrêter les progrès de l'ennemi; et il aurait pu repren dre l'offensive, sans la défaite de l'armée de Naples à la Trébbia. Il venait d'être nommé au commandement de l'armée du Rhin, lorsque Joubert vint pour le remplacer en Italie. Ce jeune général, connaissant l'habileté de Moreau, voulut, sur le point de livrer bataille, lui en laisser la direction; mais Moreau refusa et combattit sous ses ordres. A cette bataille de Novi, dans laquelle périt Joubert, Moreau eut trois chevaux tués sous lui, et reçut une balle dans ses habits. L'habileté avec laquelle il effectua la retraite rendit presque nulle pour les alliés cette sanglante victoire, et lui mérita le surnom de Fabius français. A cette époque, le directoire s'étant rendu encore plus méprisable, le parti qui avait formé le projet de le renverser jeta les yeux sur Moreau, pour en faire le régulateur des événe

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ments. Mais ne se croyant pas en état de diriger les affaires au milieu de tant de partis, il refusa sa coopération, et en laissa tout le profit à l'ambitieux Buonaparte. Appelé après la révolution de Saint-Cloud au commandement des armées du Danube et du Rhin, il eut d'abord quelques dissensions avec Buonaparte, qui, uniquement occupé de la conquête de l'Italie, ne voulait faire de l'armée du Rhin qu'une armée d'observation, tandis que le plan de Moreau était de pénétrer en Souabe et dans le sein des états héréditaires. Ce plan finit par être adopté, et les événements prouvèrent combien il avait été habilement conçu. Moreau débuta par forcer le feld-maréchal Kray à abandonner sa ligne d'opérations, et à se retirer au-delà du Danube. Après avoir perdu la bataille de Biberach, les Autrichiens se retirèrent dans leur camp retranché d'Ulm, et, séparés ainsi du Tyrol, laissèrent Buonaparte franchir librement le grand Saint-Bernard. Moreau voyant que ses démonstrations ne peuvent engager le maréchal Kray à quitter sa position inexpugnable d'Ulm, passe le Danube au-dessus de Donawert, attaque les Autrichiens sur toute la ligne, et obtint dans les plaines d'Hochstedt un avantage signalé. Le maréchal Kray ayant enfin abandonné sa position Moreau se met à sa poursuite, le bat à Neubourg et à Oberhaussen. Ces brillants succès furent suivis d'un armistice. A la reprise des hostilités, Moreau avait en tête l'archiduc Jean et une armée de cent vingt mille hommes. Attaqué par les Autrichiens, il se replie jusque dans les défi

lés de Hohenlinden, et c'est là qu'il leur livre, le 30 décembre 1800, cette bataille sanglante et décisive, où tous les corps de l'armée française rivalisèrent de courage. L'armée autrichienne, après avoir perdu onze mille pri sonniers et cent pièces de canon, était en pleine déroute; Moreau la poursuivait sans relâche, et rien ne pouvait arrêter sa marche victorieuse jusqu'à Vienne, lorsque l'archiduc Charles vint solliciter un armistice. Après cette glorieuse campagne, qui le pla-, çait au rang des plus grands capitaine, Moreau se rendit à Paris, où il recueillit l'hommage de l'admiration publique, et Buonaparte, s'efforçant de dissimuler la jalousie que lui inspiraient de si beaux triomphes, lui fit présent d'une paire de magnifiques pistolets, en lui disant « qu'il aurait bien voulu y faire » graver toutes ses victoires >> mais qu'on n'y eût pas trouvé >> assez de place. » Cependant il ne tarda pas à manifester combien il craignait un rival d'autant plus dangereux qu'il avait à la fois l'amour de l'armée et celui de la nation. Moreau, de son côté, se retira à sa terre de Grosbois, où il vivait au milieu d'un petit nombre d'amis et d'étrangers que sa réputation attirait auprès de lui. Cependant Buonaparte sut bientôt par les espions dont il l'avait entouré, qu'il désapprouvait hautement la révolution du 18 brumaire, et tout ce qui avait été fait depuis. Dès lors il considéra ce général comme le plus grand obstacle à l'exécution de ses projets ambitieux, et il saisit avec ardeur, pour le perdre, le prétexte du voyage de Pichegru et de George Cadoudal en France

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(1804). Il fut accusé d'avoir voulu rétablir l'autorité des Bourbons ce qui n'est guère probable, si l'on considère les opinions politiques qu'il avait toujours manisfestées; quoi qu'il en soit, il aurait été condamné à mort si l'on n'avait craint un soulèvement dans l'armée. D'un autre côté, on n'osait l'absoudre en entier, craignant que son acquittement ne fût le signal de la guerre civile; il fut condamné à deux années de détention; mais sa femme, secondée par Fouché, obtint qu'il lui serait permis de voyager pendant tout le temps que devait durer sa détention. Au mois de juin 1804, il partit pour Cadix, sous l'escorte de quatre gendarmes, et passa de là aux États-Unis d'Amérique, où il vivait dans la retraite. Ce fut après les désastres de Moscou qu'il reçut les premières ouvertures de l'empereur Alexandre. Décidé à s'unir avec ce monarque pour combattre son rival Buonaparte, dont les succès ne pouvaient que l'aigrir davantage,il s'embarqua le 21juin 1813. Arrivé à Prague, où étaient réunis les souverains alliés, il en reçut l'accueil le plus flatteur, et une sorte d'égalité parut s'établir entre la grandeur de ces monarques et la gloire du célèbre capitaine. Mais ses services devaient être de courte durée. Examinant, le 27 août 1813, à côté de l'empereur Alexandre les positions de Buonaparte, il eut les deux jambes fracassées par un boulet, et mourut six jours après à Laun en Bohême. L'empereur Alexandre le pleura vivement, et le fit enterrer dans l'église catholique de Saint-Pétersbourg, avec tout les honneurs dus à son rang. Il écrivit

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