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Rev Sept 10,1700. .

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LIVRE II.

DES BIENS ET DES DIFFÉRENTES MODIFICATIONS DE LA PROPRIÉTÉ.

TITRE PREMIER

DE LA DISTINCTION DES BIENS (suite).

CHAPITRE IV.

DES BIENS DANS LEUR RAPPORT AVEC CEUX QUI LES POSSÈDENT.

§ Ier. Division des biens considérés sous ce rapport.

1. Le code Napoléon ne traite que des choses qui sont possédées, et par possession il entend la propriété. Il ne s'occupe pas des choses qui ne sont pas possédées, qui n'ont pas de propriétaire. Le droit romain appelle choses communes celles qui n'ont pas de maître et que la nature a destinés à l'usage de tous les hommes: il cite comme exemples l'air, l'eau courante, la mer, les rivages de la mer (1). Cette expression de choses communes n'existe pas dans le code civil; mais l'article 714 semble en donner la définition en

(1) § I, Instit., II, 1.

disant qu'il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous; l'article ajoute que des lois de police règlent la manière d'en jouir. Nous croyons que l'article 714 se rapporte plutôt aux choses que les jurisconsultes romains appellent publiques, c'est-à-dire celles dont l'usage appartient à tous les citoyens. Ce sont celles que l'article 538 place dans le domaine public, par la raison qu'elles ne sont pas susceptibles d'une propriété privée: telles sont les routes et les rivières navigables ou flottables (1). N'étant pas susceptibles d'appropriation à raison de leur destination publique, elles n'ont réellement pas de maître. En ce sens, on peut dire qu'elles n'appartiennent à personne. Si le code les considère comme dépendances du domaine public, c'est à raison de l'usage que tous les citoyens en peuvent faire, usage qui est réglé par des lois de police. Cette remarque n'est pas sans importance, comme nous le verrons plus loin en traitant de la propriété des cours d'eau non navigables.

On appelle parfois choses communes celles qui n'ont point de maître, bien qu'elles soient susceptibles d'appropriation par voie d'occupation: tels sont les coquillages, les poissons et les animaux sauvages (2). Ce n'est pas la doctrine du droit romain; les jurisconsultes appellent ces choses res nullius; elles n'ont pas de maître, mais elles peuvent en avoir; tandis que les choses communes proprement dites ne peuvent pas devenir l'objet du droit exclusif de propriété. D'un autre côté, on ne peut pas dire que les choses sans maître sont destinées par la nature à l'usage de tous les hommes; en réalité, elles ne servent à personne tant qu'elles n'ont pas de maître; et du moment qu'elles ont un maître, elles servent exclusivement à celui qui se les est appropriées.

L'on doit assimiler aux choses sans maître, celles que leurs propriétaires abandonnent dans l'intention d'en abdiquer la propriété. Quand elles sont mobilières, elles appartiennent au premier occupant, si elles sont immeubles

(1) Proudhon, Traité du domaine public, nos 16 et 204; Siméon, Discours sur le titre des Successions, no 3 (Locré t. V, p. 130)

(2) Toullier, t. III, no 27.

elles appartiennent à l'Etat. Nous traiterons du droit d'occupation au troisième livre, en suivant l'ordre du code Napoléon.

2. On divise encore les choses en choses qui sont dans le commerce et en choses qui ne sont pas dans le commerce. On dit ordinairement qu'une chose est dans le commerce quand elle est aliénable et par suite prescriptible, et d'où l'on conclut que les choses qui ne sont pas dans le commerce sont inaliénables et partant imprescriptibles. Nous dirons au titre de la Prescription que l'adage qu'une chose est prescriptible ou non, suivant qu'elle est aliénable ou non, n'est pas toujours vrai. En principe, une chose est dans le commerce par cela seul qu'elle a un maître, c'est-à-dire par cela seul qu'elle fait l'objet du droit exclusif de propriété, peu importe que par une cause légale elle ne puisse être aliénée : les immeubles dotaux sont dans le commerce, bien qu'ils soient frappés d'inaliénabilité. Le code lui-même le dit: aux termes de l'article 1598, tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n'en ont pas prohibé l'aliénation. » Tels sont les biens dotaux bien qu'inaliénables, ils sont dans le commerce; car ils peuvent changer de maître par la prescription, quand elle a commencé à courir avant le mariage, ou qu'elle commence à courir après la séparation de biens (art. 1561). Or, dès qu'une chose a un maître et qu'elle peut changer de maître, elle est dans le commerce. Sont donc hors du commerce, d'abord les choses qui, bien que susceptibles d'appropriation, ne peuvent pas être l'objet d'une propriété exclusive : telles sont les choses qui font partie du domaine public de l'Etat, des provinces ou des communes. Le terrain qui forme une route est par lui-même susceptible d'appropriation; il avait un maître avant d'être employé à la construction d'une route; mais du moment qu'il reçoit cette destination, il n'est plus susceptible du droit exclusif de propriété, vainement dirait-on qu'il appartient à l'Etat, car le domaine public, comme nous le dirons plus loin, n'est pas une vraie propriété. Sont encore hors du commerce les choses qui ont un maître, mais qui ne peuvent pas changer de maître, pas même par

la prescription: tels étaient, d'après le décret du 1er mars 1808, les biens composant un majorat. Quant aux choses qui ne peuvent pas, par leur nature, devenir l'objet de la propriété, elles ne sont ni, dans le commerce, ni hors du commerce, la notion du commerce supposant avant tout la possibilité de l'appropriation (1).

3. Les biens se divisent encore en biens appartenant a des particuliers et en biens appartenant à des personnes morales. Il y a des personnes civiles publiques: on appelle ainsi l'Etat, les provinces et les communes. Il y a des personnes civiles qui, bien que chargées d'un service public, ne font pas partie de l'Etat tels sont les hospices, les fabriques d'église. Enfin, il y a des sociétés qui forment une personne civile. Les biens qui appartiennent à des personnes morales sont régis par des principes différents, à certains égards, de ceux qui régissent les biens des particuliers. De là la nécessité de les distinguer.

§ II. Des biens de l'État.

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4. Le code appelle domaine public les biens qui appartiennent à l'Etat; il comprend sous cette expression deux espèces de biens régis par des principes essentiellement différents. Il y a d'abord les biens qui sont destinés à l'usage de tous, et qui d'après l'article 714 n'appartiennent à personne, ou qui d'après l'article 538 ne sont pas susceptibles d'une propriété privée : telles sont les routes et les rivières navigables; la loi dit qu'elles sont considérées comme des dépendances du domaine public. » C'est dire qu'elles ne font pas partie du domaine proprement dit; en réalité, à raison de leur destination publique, elles ne sont pas susceptibles d'appropriation, pas plus dans les mains de l'Etat que dans celles des particuliers. Il suffit de lire la définition que le code donne de la propriété pour se convaincre qu'elle ne reçoit pas d'application à cette partie du domaine de l'Etat : « La propriété, dit l'article 544, est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière

(1) Aubry et Rau, Cours de droit civil français t. II, )

p 46-48.

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