Le délai et le mode de reconstitution sont indiqués par l'art. 2 de la loi : « Un délai de quatre ans est accordé pour » la reconstitution de la vigne à partir du 1er avril de l'année » où la vigne a été détruite par le phylloxera (al. 1). Est con» sidérée comme reconstituée la vigne dans laquelle la replan»tation et le greffage des plants sont exécutés (al. 2). La » reconstitution sera faite en plants américains greffés avec » les cépages choisis d'un commun accord par le propriétaire » et le complanteur (al. 3). En cas de désaccord le greffage » aura lieu avec le cépage de l'ancien vignoble (al. 4) ». D'après l'art. 2, al. 3 : « Dans le cas où, au cours de la période de reconstitution, le colon ferait des cultures desti» nées à amender le sol, il devra donner au propriétaire une » redevance annuelle calculée à raison de 35 fr. par hec » tare ». Cette disposition vise l'hypothèse où, au lieu de défoncer le sol dès que la vigne est arrachée, et de fumer ensuite la terre, le complanteur amende le sol en faisant d'autres cultures et replante ensuite. Le premier moyen, qui est le plus coûteux, en ce qu'il ne permet pas les cultures intermédiaires productives, est aussi le plus rapide; le second moyen, qui est le plus ancien, recule (de deux ans en pratique) le moment où les vignes replantées redeviendront productives; c'est pour cette raison qu'on oblige le complanteur qui l'emploie à payer un loyer au propriétaire. Rien n'oblige, on le voit, le complanteur à reconstituer; mais s'il ne reconstitue pas, l'ancienne jurisprudence reprend son empire et la résiliation du bail peut être demandée par le bailleur ('). 1518. D'après l'art. 3 de la loi de 1898 : « Toutes les fois » que le colon d'une vigne à complant qui se trouve dans les » conditions prévues à l'art. 1o ne pourra ou ne voudra la » reconstituer, il aura la faculté de céder son droit à un tiers. » Si ce tiers n'est ni l'ascendant ni le descendant du complan»teur, le propriétaire du sol peut, à prix égal, user du droit (1) Exposé des motifs, précité. Rapport au Sénat, précité. CONTR. DE LOUAGE. I. 56 » de préemption. Le colon qui veut céder son droit à un tiers » doit notifier au propriétaire du sol le nom de ce tiers et le prix de la cession. Le propriétaire a vingt jours pour noti» fier sa réponse. Passé ce délai, il sera considéré comme » ayant renoncé à son droit de préemption. Après la reconsti» tution du vignoble, le complanteur qui voudra céder son » droit à un tiers sera tenu aux mêmes obligations prévues aux » §§ 2 et 3 du présent article ». Le droit de préemption n'existe que vis-à-vis de la cession du bail lui-même et non vis-à-vis de la cession de certains immeubles compris dans le bail ('). La notification de la cession peut avoir lieu dans une forme quelconque, la loi n'en ayant pas fixé (2). C'est, d'ailleurs, ce qui a été reconnu dans le rapport fait à la Chambre. On décide même qu'il suffit que le propriétaire ait eu connaissance de la cession ("). L'acceptation de la cession par le propriétaire est un acte d'administration (') comme l'acceptation de la cession d'un bail: le propriétaire, en effet, n'y perd rien. 1519. La loi nouvelle, à défaut d'une disposition formelle, n'a pas d'effet rétroactif. Il a été reconnu, en conséquence, qu'elle n'annule pas les conventions déjà passées entre propriétaires et complanteurs (5). Elle ne s'applique pas davantage aux instances commencées avant la promulgation de la loi. Cette opinion a été exprimée à la Chambre des députés (6). 1520. Le complantaire peut délaisser la chose quand cela lui convient (7). C'est déjà ce que lui permettait l'art. 59 de la Coutume du Poitou, « en laissant les choses en valeur et en état suffisant ». 1521. Le preneur peut racheter le bail à complant, de (1) Trib. civ. Nantes, 29 déc. 1904, Gaz. Pal., 1905. 1. 214. (2) Poitiers, 5 mai 1903, sous Cass., 30 nov. 1903, D., 1904. 1. 364. (3) Cass. req., 30 nov. 1903, D., 1904, 1. 364. (') Cass. req., 30 nov. 1503, précité (qui en conclut que l'acceptation peut être faite par un tiers, gérant d'affaires du propriétaire aliéné). (Rapport au Sénat, précité. 6 Rapport à la Chambre, précité. (7) Trib. civ. La Roche-sur-Yon, 27 juil. 1893, précité. même que tout débiteur de rentes foncières peut en opérer le rachat ('). Dans l'ancien comté nantais, le complantaire ne peut forcer le bailleur au rachat; cela résulte expressément de l'avis interprétatif, ayant force de loi, rendu par le conseil d'Etat, le 4 thermidor an VIII. 1522. A supposer que le complantaire ait un droit personnel, il peut agir en garantie contre le bailleur dans les mêmes cas que tout autre preneur (2). SECTION V BAIL A RENTE PERPÉTUELLE 1523. Le bail à rente perpétuelle n'est autre chose qu'une concession perpétuelle d'un immeuble moyennant une rente également perpétuelle; il consiste donc dans l'aliénation de l'immeuble moyennant la constitution d'une rente foncière perpétuelle (3). SECTION VI ᏟᎻᎪᎷᏢᎪᎡᎢ 1524. Le champart est le transport de la propriété ou de la jouissance d'un fonds moyennant une redevance en nature prise sur les fruits et récoltes (*). On l'appelait encore, suivant les provinces, agrier (5), terrage (Flandre et Lorraine), percière (6), cartible (7), quart ou cinquain, ou même com () V. L. 15-28 mars 1790, tit. 3. L. 18-29 déc. 1790, tit. 5, art. 3. Luc. cit. (*) Cass. req., 14 fév. 1896, S., 97. 1. 10, D., 96. 1. 239 (en Vendée, le preneur, ayant un droit personnel, peut recourir contre le bailleur en cas de perte fortuite, par exemple en cas de destruction des vignes par le phylloxéra). () Trib. civ. Nimes, 10 nov. 1904, Droit, 25 janv. 1905. — V. Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Tr. des biens, n. 146 et s. (*) Rivière, Rev. crit., XXXV, 1869, p. 193. (*) Sur le blé Cout. de la Marche, art. 331. Cout. de Saint-Jean-d'Angély, art. 21. Cout. de Bordeaux, art. 86, 102 et 103). (*)En Auvergne, Chabrol, Cout, d'Auvergne, III, p. 23; Grenier, Comment, sur L'Elil de 1771, 2° édit., p. 128; Rivière, op. cit., p. 196. () Dans le Forez. plant (ce dernier nom était usité dans les coutumes du Maine, d'Anjou, de Saint-Jean-d'Angély) (1). En principe, le preneur devenait propriétaire et le bailleur n'avait qu'un droit réel sur l'immeuble (2). Mais il arrivait aussi que le preneur était un simple fermier (3). La loi des 18-29 décembre 1790 considère le champart comme une vente; le champartier peut donc aliéner et hypothéquer l'immeuble (). La redevance due par lui n'est pas susceptible d'hypothèque (*). Il en est de même de la redevance due en matière de terrage en Flandre (6) et de percière en Auvergne (7). SECTION VII BAIL A COLONAGE PERPÉTUEL OU A MÉTAIRIE PERPÉTUELLE 1525. Ce bail est encore usité dans les anciennes limites de la Manche et du Limousin. Le bailleur y conserve la propriété de ses biens et le preneur n'acquiert aucun droit réel (); on en conclut que le bail n'est pas devenu rachetable par l'effet de la loi des 1820 déc. 1790 (). (3) Pothier, Tr. des champarts, art. 2, § 1; Rivière, op. cit., p. 198. (*) Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Tr. du nant., des priv. et hyp., II, n. 936. (5) Baudry-Lacantinerie et de Loynes, loc. cit. (6) Cass. civ., 28 juin 1854, S., 54. 1. 465, D., 54. 1. 220. rie et de Loynes, loc. cit. Baudry-Lacantine (7) Cass. civ., 27 janv. 1868 (2 arrêts) et 10 mars 1868 (2 arrêts), S., 68. 1. 105, D., 68. 1. 200. Baudry-Lacantinerie et de Loynes, loc. cit. (8) Cass. req., 14 germinal an IX, D. Rép., vo Louage à colon, perpétuel, n. 4. — Cass. civ., 11 août 1840, S., 40. 1. 673, D. Rép., verb. cit., n. 4. Cass. civ., 30 mars 1812, S., 42. 1. 617, D. Rép., verb. cit., n. 4. · Cass. req., 23 déc. 1862, S., 63. 1. 96, D., 63. 1. 173. Limoges, 9 fév. 1839, S., 40. 1. 673 (en note). Bastia, 26 nov. 1861, S., 62. 2. 173. - Duvergier, I, n. 200; Troplong, I, n. 56; Championnière et Rigaud, Tr. des dr. d'enrey., IV, n. 3062; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, op. cit., II, n. 938; Rivière, op. cit., p. 194 et 200; Aubry et Rau, II, p. 642, § 224, notes 13 el 14. — V. cep. Cass., 2 mars 1835, S., 35. 1. 394, qui paraît confondre le bail à métairie perpétuelle avec le bail à locatairerie perpétuelle. (9) Mêmes arrêts et auteurs. SECTION VIII BAIL A LOCATAIRERIE PERPÉTUELLE. BAIL A CULTURE PERPÉTUELLE 1526. Le bail à locatairerie perpétuelle était surtout usité dans le Midi. Dans le ressort du parlement de Toulouse, le bailleur conservait la propriété des biens affermés (1). Il en était autrement en Provence (2). L'art. 2 de la loi des 18-29 déc. 1790 a déclaré rachetables les redevances dues par les preneurs et a, par conséquent, admis le caractère perpétuel du bail; il reconnait ainsi que ce bail transfère au preneur la propriété moyennant une charge (3) et que la propriété pleine n'existera à son profit que s'il exerce le rachat (). Cependant certains auteurs pensent qu'il faut, comme dans l'ancien droit, distinguer entre les régions (*). Au sujet des baux à culture perpétuelle, le décret du 2 prairial an II contient une solution semblable à celle qui précède. 1527. On considère le bail à locatairerie perpétuelle comme une vente (*), conférant le privilège du vendeur (7). 1) Arrêt du parlement de Toulouse du 14 août 1705. - Boularic, Inst., liv. III, tit. XXV, § 3 et Tr. des dr. seigneuriaux, ch. XIV, n. 1; Fonmaur, Tr. des lods el ventes, n. 536; Rivière, op. cit., p. 200; Aubry et Rau, II, p. 639, § 224, note 7. (2) Julien, Statuls de Provence, I, p. 269; Rivière, op. cit., p. 200; Garsonnet, op. cit., p. 423; Lefort, op. cit., p. 423 s.; Aubry et Rau, II, p. 63), § 224, note 7. (*) Cass. civ., 7 ventôse an XIII, S. chr. Cass. civ., 3) mars 1808, D. Rép., vo Enreg., n. 3148. Cass. civ., 5 oct. 1808, S. chr., D. Rép., vo Enreg., n. 3057. Cass. civ., 29 juin 1813, S. chr., D. Rép, vo Propr. féodale, n. 207. Nimes, 25 mai 1852, S., 52. 2. 529, D., 55. 2. 262. Agen, 1er juil. 1859, S., 60. 2. 316. Agen, 14 mai 1876, D., 79. 5. 265. Merlin, Quest., vo Locatairerie perpétuelle, § 1; Duvergier, I, n. 195; Demolombe, IX, n. 505; Aubry et Rau, II, p. 640, § 224, note 8. - (Nimes, 25 nov. 1895, D., 96. 2. 388, qui en conclut que l'art. 7 de la loi du 23 mars 1855 n'est pas applicable. (5) Rivière, p. 200. (6) Trib. civ. Mende, 19 déc. 1894, Gaz. Trib., 9 janv. 1895. - Trib. civ. Nimes, 10 nov. 1904, Droit, 25 janv. 1905. () Trib. civ. Mende, 19 déc. 1891, précité. |