Mais cette indemnité ne lui donne pas les mêmes droits que la créance d'un bail (1). Elle ne permet ni de saisir-gager les meubles du locataire (2), ni de s'opposer à leur enlèvement (3). Cette indemnité peut être équivalente au prix du bail (*). Mais elle peut aussi lui être supérieure ou inférieure; les observations que nous avons faites à propos du preneur resté en possession après l'arrivée du terme sont ici entièrement applicables (*). V. Condition relative au caractère de la possession. 1419. Pour que la tacite reconduction se produise, il faut que le preneur reste et soit maintenu en possession à titre de bail. Par exemple, la tacite reconduction ne se produit pas si le preneur a demandé et obtenu un délai de quelques jours pour vider les lieux (°). La question de savoir s'il doit une indemnité pour cette prolongation est une question de fait (7). § IV. Entre quelles personnes peut avoir lieu la tacite reconduction. 1420. La tacite reconduction, étant la continuation de l'ancien bail, ne peut être faite entre personnes autres que les anciens contractants ou leurs représentants. Elle peut avoir lieu entre l'une des parties et les héritiers de l'autre ou entre les héritiers des deux parties. Bruxelles, 9 mai 1890, précité. - (') Cpr. cep. Dijon, 27 fév. 1893 (motifs), Rev. bourguignonne de l'enseign. sup., III, 1893, p. 831. Huc, loc. cit. - V. supra, n. 1398. (2) Trib. civ. Seine, 11 avril 1895, précité. Huc, loc. cit. (3) Trib. civ. Seine, 11 avril 1895, précité. (*) Dijon, 27 fév. 1893, précité. Trib. civ. Perpignan, 12 juil. 1893, Gaz. Pal., 93. 2. 634. Décidé qu'à Paris, les locations se faisant par trimestre, le preneur doit un trimestre tout entier parce que le bailleur sera dans l'impossibilité de louer pendant ce trimestre. Paris, 11 déc. 1895, D., 96. 2. 193. Contra Huc, loc. cit. (d'après cet auteur c'est la valeur locative de l'appartement qui doit servir de base à l'indemnité). (5) V. supra, n. 1398. -- (*) Lyon, 12 janv. 1881, Mon. jud. Lyon, 12 mai 1881. - Trib. civ. Bordeaux, 5 août 1895, Droit, 1er janv. 1896, Mon. jud. Lyon, 8 janv. 1896. Trib. civ. () V. pour l'affirmative Trib. civ. Seine, 28 nov. 1899, précité. Elle peut avoir également lieu entre l'acquéreur de la chose et l'ancien preneur. Elle peut avoir lieu entre le bailleur et le sous-locataire ou cessionnaire du bail; et il en est ainsi alors même, pensonsnous, que la cession ou la sous-location avaient été interdites par le bailleur, pourvu que la nullité n'ait pas encore été prononcée au moment où se produit la tacite reconduction, car le bailleur renonce ainsi à son action en nullité et il a le droit d'y renoncer. Mais il n'est pas nécessaire que toutes les anciennes parties consentent au maintien en possession ou soient maintenues en possession. Ainsi, dans le cas où le bail a été consenti par plusieurs propriétaires indivis, la tacite reconduction peut avoir lieu si un seul des copropriétaires consent au maintien en possession, mais seulement dans la mesure où il a le droit de louer la chose indivise ('). Réciproquement, si le bail a été consenti à plusieurs copreneurs, la tacite reconduction s'opèrera au profit de celui ou de ceux d'entre eux qui seront restés en possession (2). Elle s'opérera à leur profit pour le tout; car telle est évidemment l'intention des parties et ils ont le droit de la réaliser. Si même les preneurs sont solidaires, le bail ne sera continué qu'au profit de ceux d'entre eux qui seront restés en possession (3). En effet on ne peut dire que les preneurs restés en possession représentent leurs copreneurs; la représentation réciproque des copreneurs a disparu, avec la solidarité elle-même, par l'expiration du bail; en outre, cette représentation, qui permet à chacune des parties solidaires d'exercer les droits des autres et d'ajouter à ces droits, ne leur permet pas d'ajouter à leurs obligations. (1) V. supra, n. 132 s. (2) Cass. req., 13 avril 1899, S., 1900. 1. 17, D., 99. 1. 598 (impl.). - Caen, 21 mars 1859, S., 59. 2. 446, D., 59. 2. 163. Bruxelles, 20 avril 1819, S. chr., D. Rép., vo Louage, n. 570. Guillouard, I, n. 413; T. P., Nole, D., 99. 1. 129. cep. Chambéry, 10 juin 1896, sous Cass. civ., 26 oct. 1898, S., 99. 1. 444, D., 99. 1. 129. T. P., Note, D., 99. 1. 129. Il peut arriver même que, quoique tous les preneurs solidaires soient restés en possession, la tacite reconduction ne s'opère qu'au profit de l'un d'eux; si le bail a été consenti au profit du mari et de la femme solidairement, le maintien en possession des époux n'opèrera généralement tacite reconduction qu'au profit du mari ('). Le mari est le seul qui, en restant en possession, ait manifesté d'une manière évidente la volonté de continuer le bail; quant à la femme, son maintien en possession peut s'expliquer par un autre motif : l'obligation que lui impose l'art. 214 d'habiter avec son mari. Il en serait toutefois autrement si en fait le maintien de la femme en possession personnelle était démontré, par exemple par des actes consentis avec le mari sur la chose louée (2). Les juges du fait sont souverains sur ce point (3). 1421. La tacite reconduction peut avoir lieu au profit d'un ou plusieurs héritiers du preneur comme au profit d'un ou plusieurs des preneurs; ceux qui restent en possession sont seuls réputés continuer le bail (*). Qu'elle ait lieu au profit de tous les héritiers ou de quelquesuns, on décide qu'ils sont tenus comme preneurs dans la même proportion et pour leur part virile, sans, par conséquent, que le bailleur ait à tenir compte des proportions dans lesquelles ils ont succédé (). La raison serait que, le bail étant expiré, il se forme une convention nouvelle, où les héritiers contractent non pas en cette qualité, mais en leur nom personnel. Cette opinion ne nous paraît pas exacte; pour que la tacite reconduction s'opère, il faut nécessairement que les héritiers aient continué le bail consenti au défunt et soient restés en possession; comme la tacite reconduction est censée reproduire les clauses du bail, les héritiers jouiront dans la même proportion qu'autrefois. Les auteurs dont nous combattons la doctrine admettent bien que la solidarité des anciens pre neurs persiste pour l'exécution du nouveau bail : si les preneurs solidaires restent preneurs dans les mêmes conditions qu'auparavant, comment en serait-il autrement des héritiers? 1422. Si les preneurs solidaires restent tous en jouissance, la solidarité persiste entre eux ('). On a dû, pour soutenir le contraire, considérer la solidarité comme une de ces sûretés qui, aux termes de l'art. 1740, ne se transmettent pas au nouveau bail tacitement consenti. La solidarité n'est pas une sûreté, c'est-à-dire une garantie de l'exécution des obligations; c'est un lien qui unit les parties, une clause déterminant la manière dont les preneurs sont tenus, en un mot une des conditions du bail; or toutes les conditions du bail primitif persistent malgré la tacite reconduction. On objecte à tort que la solidarité a besoin d'être expressément stipulée (C. civ., art. 1202); la stipulation formelle a eu lieu dans le bail primitif, et il n'en faut pas davantage. Il peut, comme nous l'avons vu, en être ainsi même si les preneurs solidaires sont deux époux (2). Si, de plusieurs preneurs solidaires, certains seulement restent en possession, nous croyons encore que la solidarité existe entre ces derniers; aucun obstacle juridique ne s'y oppose; et l'on sait que, si l'un des débiteurs solidaires est dégagé de l'obligation, la solidarité persiste entre les autres. Nous nous sommes demandé plus haut si la tacite reconduction est possible malgré une clause contraire du bail (3). V. Capacité en matière de tacite reconduction. 1423. Comme la tacite reconduction est un bail nouveau, il faut, pour qu'elle puisse s'opérer, que les parties soient toutes deux capables, le bailleur de consentir un bail et le (1) Cass. civ., 26 oct. 1898, S., 99. 1. 444, D., 99. 1. 129. Caen, 21 mars 1859, précité (impl.). - Guillouard, I, n. 422; T. P., Note, D., 99. 1. 129; Siville, VI, preneur de prendre la chose à bail ('); c'est déjà ce que disait Pothier (2). Ce n'est pas à dire que si l'une des parties est incapable, la tacite reconduction soit impossible; mais il faut alors les autorisations et consentements qui seraient nécessaires pour faire un bail exprès (3). Ainsi, si l'une des parties est interdite, le consentement du tuteur est seul exigé ('). De même si le bail a été consenti à une femme mariée ou qui s'est mariée dans le cours du bail, le consentement du mari est nécessaire. Mais ces consentements peuvent être tacites aussi bien que celui des parties elles-mêmes (3). § VI. Biens soumis à la tacite reconduction. 1424. La tacite reconduction n'a pas lieu nécessairement pour tous les biens compris dans le bail; elle peut ne se produire que pour certains de ces biens. A plus forte raison la tacite reconduction n'est-elle pas rendue impossible par ce fait que, dans le cours du bail, plusieurs des biens qui se trouvaient compris dans la location en ont été distraits moyennant une diminution de loyer ("). 2 VII. Durée et effets de la tacite reconduction. 1425. A Rome, la durée de la tacite reconduction était égale à celle du bail primitif si cette dernière était fixée par écrit. Dans le cas contraire, les textes disposaient que « prout usque habitaverit, ita et obligatur » (7); on explique géné (') Montpellier, 22 oct. 1897, Mon. jud. Midi, 12 déc. 1897. — Trib. civ. Nancy, 13 août 1895 (motifs), sous Nancy, 9 mai 1896, S., 98. 2. 281, D., 97. 2. 129. Duvergier, I, n. 24; Arntz, IV, n. 1166; Agnel, n. 791; Laurent, XXV, n. 336; Guillouard, I, n. 412; Thiry, IV, n. 46; Huc, X, n. 334; Esmein, Note, S., 1900. 1. 17. (2) N. 345. (3) Guillouard, I, n. 412. Guillouard, I, n. 412. (5) Montpellier, 22 oct. 1897, Mon. jud. Midi, 12 déc. 1897. (*) Cass. civ., 26 oct. 1898, S., 99. 1. 444, D., 99. 1.129. (7) L. 13, § 11, D., loc. cond., 19. 2. |