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l'expulsion aurait été obtenue du tribunal: il doit donc, s'il le fait, des dommages-intérêts (').

778 bis. C'est au bailleur, bien entendu, qu'il appartient de prouver la faute du preneur (*).

SECTION X

OBLIGATION DE NE PAS PERCEVOIR LES PRODUITS QUI N'ONT PAS LE CARACTÈRE DE FRUITS

779. Comme conséquence de l'obligation de conserver la substance, le preneur contracte l'obligation de ne percevoir aucun produit du sol, en dehors des produits périodiques qui constituent les fruits et dont la perception est l'objet même du bail. Ainsi le preneur ne peut percevoir les produits des mines, minières et carrières. En vain objecterait-on que ce droit appartient à l'usufruitier (art. 598) et à la communauté (art. 1403), laquelle est usufruitière des biens propres aux époux. Il n'y a aucune analogie, ainsi que nous l'avons observé, entre la situation de l'usufruitier, qui a un droit réel, et la situation du preneur, qui a un droit personnel. On comprend, du reste, que l'usufruitier et la communauté aient droit aux produits qui n'ont pas le caractère de fruits; l'un et l'autre jouissent de l'immeuble comme le ferait le propriétaire lui-même, puisque le droit réel qui leur appartient est détaché de la propriété et, en ce qui concerne la jouissance, représente ainsi la propriété elle-même. L'intention soit du constituant de l'usufruit, soit de l'époux propriétaire, conduit aussi à justifier les solutions de la loi sur le point : ils ont entendu que le nu propriétaire ne tirat, pendant la durée de l'usufruit, aucun profit de son droit. Au contraire, le bailleur se réserve tous les profits de l'immeuble, puisque le loyer représente pour lui l'équivalent des produits on ne peut

(1) Trib. civ. Châlons-sur-Marne, 15 oct. 1889, Loi, 22 oct. 1889. — Décidé cependant que le preneur doit prouver son préjudice. Trib. civ. Lyon, 28 janv. 1887, Loi, 3 mars 1887.

Par conséquent, s'il a rendu par sa faute la preuve impossible par exemple en modifiant l'état de l'immeuble), il ne peut obtenir des dommages-intérêts. Besançon, 18 mars 1903, S., 1905. 2. 100.

done lui attribuer l'intention que nous venons d'indiquer. D'un autre côté, la loi dit expressément que le preneur a droit aux fruits, c'est-à-dire aux produits périodiques de la chose; le preneur n'a donc aucun droit sur les produits non périodiques.

Cette solution n'est pas discutée ('), mais les considérations que nous venons d'indiquer, et qui seules peuvent la justifier, vont nous être d'un grand secours pour résoudre une autre question.

780. Le preneur ne peut pas davantage abattre à son profit les arbres de haute futaie ou arracher une vigne (2).

781. Il va sans dire que les parties peuvent décider le contraire et attribuer au preneur le droit de percevoir les produits non périodiques, soit que ces produits constituent le seul moyen de tirer un bénéfice de l'immeuble, soit qu'en outre l'immeuble produise des fruits.

La difficulté est de déterminer le caractère de cette convention. Y faut-il voir un bail ou une vente mobilière des produits? La question s'est surtout présentée en matière fiscale, où elle offre les intérêts que nous avons signalés à propos de la distinction entre le bail et la vente. Elle est également importante au point de vue civil: notamment, s'il y a vente, le propriétaire ne peut, à moins qu'il ne s'agisse d'une emptio spei, réclamer le prix stipulé dans le cas où les produits vendus n'existeraient pas; au contraire, s'il y a bail de l'immeuble, le preneur, mis en état de jouir de la chose, doit en toute hypothèse payer le loyer promis; l'art. 1769 ne trouve même pas son application, puisque cette disposition est spéciale aux baux ruraux.

En ce qui concerne la question de savoir à qui incombent les frais de la perception, elle doit, croyons-nous, être résolue dans le même sens, quel que soit le caractère de la convention contre le preneur, car, si même il y a vente, le fait

(1) Trib. civ. Périgueux, 30 juil. 1886, Mon. jud. Lyon, 9 déc. 1886. V. aussi les autorités citées ci-après. Il va sans dire, en tout cas, que si le preneur ne peut, d'après le bail, se servir des terres louées que pour la culture, il n'a pas le droit d'extraire des pierres. Trib. civ. Seine, 6 juil. 1894, Gaz. Trib., 22 août 1894. V. supra, n. 737 et 743.

de concéder un droit d'extraction implique pour le concessionnaire l'obligation de supporter les frais d'extraction.

La jurisprudence française décide d'une manière constante que la concession du droit d'extraire un produit non périodique constitue une vente de ce produit (c'est-à-dire d'objets mobiliers) et non pas un bail de l'immeuble ('). La plupart des auteurs sont d'avis contraire (2), ainsi que la jurisprudence belge (3).

Le système de la jurisprudence française s'appuie sur une considération qui nous parait irréfutable: le preneur n'ayant

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(') Cass., 22 août 1842, S., 42. 1. 790. - Cass., 17 janv. 1844, S., 44. 1. 174, D. Rép., vo Enregistrement, n. 2878. Cass., 23 avril 1845, D., 47. 1. 80. - Cass., 26 nov. 1845, S., 46. 1. 240. Cass., 26 janv. 1847, S., 47. 1. 102. Cass., 6 mars 1855, S., 55. 1. 379, D., 55. 1. 123. Cass., 28 janv. 1857, S., 57. 1. 640, D., 57.

1. 391. Cass., 15 déc. 1857, S., 60. 1. 536.

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- Cass. req., 15 fév. 1893, S., 94. 1. 149, D., 93. 1. 292. D., 48. 5. 153.

Nancy, 30 janv. 1897, Gaz. Pal., 97. 498.

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Besançon, 28 fév. 1848,

Alger, 10 mai 1899, Loi, 24 juin 1899.

Amiens, 21 juil. 1898,

Trib. civ. Toulon,

30 juill. 1864, Rép. pér. de l'enreg., n. 1968. - Trib. civ. Rennes, 26 mai 1884, Journ. de l'enreg., n. 22445. Trib. civ. Pont-Lévêque, 4 déc. 1890, Rép. pér. de l'enreg.. n. 7655 (moellons). - Trib. civ. Uzès, 7 avril 1891, Rép. pér. de l'enreg., 1892, n. 7869 (adjudication du droit d'extraire le phosphate de chaux). — V. dans le même sens Sol. de la Régie, 1er déc. 1871, D., 73. 5. 205. Laurent, XXV, n. 8 et 63; Huc, X, n. 5 el 275; Splingard, Des concessions de mines, n. 143. Contra Paris, 24 juin 1885, sous Cass., 29 juin 1886, S., 89. 1. 266, D., 86. 1. 141. Il est arrivé à la cour de cassation de qualifier ce contrat de bail, mais sans y altacher de conséquences juridiques. Cass. req., 12 juil. 1892, S., 94. 1. 333.

(2) Favard, vo Louage, sect. I, § 1, n. 2; Rolland de Villargues, vo Louage, n. 108; Troplong, I, n. 93; Duvergier, I, n. 404; Guillouard, I, n. 14; Bastiné, Dr. fiscal, I, n. 287; Pont, Rev. crit., I, p. 547.

- Déc.

(3) Cass. belge, 2 juil. 1847, Journ. de l'enreg. belge, n. 4091. — Cass. belge, 22 juil. 1886 (motifs), Rev. de législ. des mines, 86. 336. - Cass. belge, 2 avril 1903, S., 1903. 4. 29. Bruxelles, 14 juin 1886, Pasicr., 86. 2. 365. - Trib. civ. Tournai, 14 août 1840, Journ. de l'enreg. belge, n. 2278. Trib. civ. Charleroi, 20 fév. 1883, Pasier., 83. 3. 280. Trib. civ. Arlon, 16 fév. 1888, Pand. pér. belg., 88. 749. Trib. civ. Liège, 5 mars 1892, Pand. pér. belg., 1893, n. 358. min. fin. belge, 28 fév. 1835, ibid., n. 484. Contra Bruxelles, 10 fév. 1886, Pasicr., 86. 2. 181 (terre plastique). Gand, 20 mai 1893, Pand. pér. belg., 93, Déc. min. fin. belge, 17 août 1838, Journ. de l'enreg. belge, n. 1601. - Déc. min. fin. belge, 25 juil. 1840, ibid., n. 2210. - Trib. civ. Bruxelles, 25 janv. 1888, Gaz. Pal., 88. 1, Suppl., 84 terre plastique destinée à être transformée en briques). Trib. civ. Gand, 22 mars 1893, Pand. pér. belg., 93, n. 1102. Trib. civ. Bruxelles, 31 juil. 1894, Pasicr., 95. 3. 25. Bruxelles, 13 janv. 1897, Pand. pér. belg., 97, n. 296.

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tral sui generis, intermédiaire entre la vente et le louage. Liège, 31 déc. 1870, Pasier., 71. 2. 94.

droit qu'aux fruits, tout acte qui lui attribue autre chose que des fruits n'est pas un bail; et comme la concession du droit d'extraire les produits non périodiques a pour dernier résultat l'aliénation de ces produits, elle constitue une vente; du reste, à la différence des fruits, les produits non périodiques sont une fraction de l'immeuble; leur extraction l'épuise et l'immeuble dépouillé de ces produits perd une partie de lui-même, qu'il ne retrouvera plus. On ajoute (mais c'est là une considération sans importance et même sans grande signification) que le prétendu loyer stipulé est calculé non sur la valeur de la jouissance, mais sur la valeur des matériaux à extraire; ne peut-on pas dire également que leloyer d'un immeuble est calculé d'après la valeur des fruits qui peuvent en être tirés ?

L'objection principale faite par la doctrine à la jurisprudence est tirée de l'assimilation, établie par les textes que nous avons déjà cités, au point de vue des droits de l'usufruitier et de la communauté, entre les fruits et les produits non périodiques. Cette objection est dépourvue de valeur : d'une part, nous avons exposé les considérations qui justifient cette assimilation et celles qui empêchent de l'étendre au preneur. D'autre part, si l'objection était exacte, elle conduirait à dire (ce qui n'est pas soutenable) qu'à l'égal de l'usufruitier et de la communauté, le preneur a droit, même en dehors d'une autorisation formelle, à l'extraction de tous les produits non périodiques.

On objecte encore que si les produits non périodiques épuisent l'objet loué, la même observation peut être faite pour certaines catégories de choses que la jouissance normale du locataire épuise également : animaux, prairies artificielles et vignes. Cette objection nous paraît moins spécieuse encore que la précédente l'extraction de produits miniers et autres produits non périodiques enlève matériellement une fraction du terrain; dans tous les cas qu'on a voulu rapprocher de celui-ci, il en est autrement le terrain loué reste entier. L'analogie n'existe done pas.

782. Si, en même temps qu'aux produits non périodiques,

CONTR. DE LOUAGE. - I.

29

le preneur a droit aux fruits, la vente est mélangée de bail (1). Toutefois l'acte est un bail pour la totalité, si l'extraction de matériaux est faite pour aider à la jouissance du preneur, et sans profit pour lui, par exemple s'il s'agit de matériaux nuisibles à la culture (2).

783. La question de savoir si la concession de mines, etc., est un bail, importante aux points de vue indiqués (3), peut présenter un intérêt encore au point de vue de l'application des art. 1728 et 1729, qui sanctionnent l'obligation imposée au preneur de jouir en bon père de famille et suivant la destination de la chose. On a décidé que ces textes s'appliquent au bail de mines et carrières. La question est, pour nous, peu importante, puisque nous considérons les art. 1728 et 1729 comme l'application du droit commun. Nous avons montré également que, quelle que soit la nature des concessions de cette sorte, elles emportent pour le preneur l'obligation de jouir en bon père de famille.

784. Mais, de toute manière, la concession temporaire du droit d'exploiter une mine n'est pas soumise à l'autorisation du gouvernement, alors même qu'elle porte sur une partie seulement des produits ou de la concession, et quoique l'art. 7 de la loi du 21 avril 1810 interdise la vente par lots ou le partage des concessions sans cette autorisation (*); car, à supposer même que, comme nous l'admettons avec la jurisprudence, ce contrat constitue une vente, il est une vente de produits, et non une vente de la concession même.

785. Le droit de chasse appartient au bailleur en cas de stipulations formelles.

Lui est-il également réservé, à l'exclusion du preneur, en dehors de toute stipulation?

La jurisprudence et la majorité de la doctrine admettent avec raison l'affirmative (5).

(') Cass. req., 15 fév. 1893, S., 94. 1. 149, D., 93. 1. 292. —Trib. civ. Pont-Lévêque, 4 déc. 1890, Rép. périod. de l'enreg., n. 7655.

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2) Cass. req., 15 fév. 1893, précité. Wahl, loc. cit. (3) V. supra, n. 781.

Wahl, Note, S., 94. 1. 149.

(*) Cass. req., 20 déc. 1837, S., 38. 1. 91, D. Rép., vo Mines, n. 77. Contra Cass., 4 juin 1844, S., 44. 1. 723, D). Rép., vo Mines, n. 77.

(3) Cass., 12 juin 1828, S. chr., D. Rép., vo Chasse, n. 50. · Cass., 4 juill. 1845,

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