mobilier appartenant au preneur, il importe peu, au point de vue de l'obligation de jouir de la chose suivant sa destination, que le mobilier appartienne à un tiers. 767. Lorsque l'immeuble est loué pour une destination industrielle ou commerciale, le preneur est-il obligé de maintenir cette destination et d'exercer effectivement le commerce et l'industrie, de manière que la clientèle reste intacte? On admet l'affirmative (1). Pothier déjà disait (2) : « Si un aubergiste a pris à loyer une auberge, il est obligé de l'entretenir comme auberge pendant tout le temps du bail, sinon il est obligé envers son locateur des dommages-intérêts qu'il souffre de ce que la maison n'a pas été entretenue comme auberge. Ces dommages et intérêts consistent en ce que la maison en est dépréciée. Le locataire, en n'entretenant pas la maison comme auberge, donne occasion à ceux qui avaient coutume d'y loger de se pourvoir d'une autre auberge; l'auberge, n'étant plus fréquentée, et par là dépréciée, ne peut plus se louer à l'avenir pour un prix aussi considérable ». Cette considération est déterminante pour le cas où la destination imposée au preneur existait déjà antérieurement au Paris, 1er mars 1830, D. Rép., vo Louage, (1) Paris, 28 avril 1810, S. chr. n. 278. Rennes, 17 mars 1834, S., 34. 2. 596. 2. 756. Besançon, 4 juin 1846, S., 47. 2. 534. 123. - - Bourges, 4 mars 1842, P., 42. Grenoble, 8 mai 1882, S., 84.2. - Paris, 26 juil. 1879, S., 81. 2. 229. — Orléans, 24 nov. 1883, Gaz. Pal., 84. 1. 326. Paris, 6 déc. 1888, Gaz. Pal., 89. 1. 78. Pal., 91. 2. Suppl., 16. - Besançon, 5 juin 1891, Gaz. Caen, 13 nov. 1899, Droit, 23 fév. 1900. Trib. civ. Seine, 20 mai 1887, Gaz. Pal., 87. 2. Suppl., 83. Trib. civ. Seine, 6 juin 1887, Loi, 1er sept. 1887. Trib. civ. Amiens, 26 déc. 1891, Rec. Amiens, 93. 16. Trib. civ. Seine, 29 mars 1893, Gaz. Pul., 93. 1. 483. Trib. civ. Lille, 15 juin 1896, Droit, 24 juil. 1896 (sol. impl.). Trib. civ. Seine, 13 juin 1901, Gaz. Pul., 28 nov. 1901. Trib. civ. Verviers, 2 déc. 1891, Pand. pér. belg., 92, n. 1357. Trib. civ. Anvers, 26 fév. 1896, Pand. pér. belg., 96, p. 659. Trib. paix Liège, 5 janv. 1904, Pasier., 1905. 3. 255. - Pothier, n. 189; Troplong, I, n. 389; Massé et Vergé, IV, p. 368, § 702, note 3; Aubry et Rau, IV, p. 481, § 367; Colmet de Santerre, VII, n. 175 bis; Duvergier, I, n. 403; Laurent, XXV, n. 252 et 261; Agnel, n. 315 et 320; Guillouard, I, n. 194; Huc, X, n. 308; Siville, VI, n. 524. Contra Lyon, 26 mai 1824, S. chr. Liège, 30 déc. 1890, Pand. pér, belg., 91, n. 313 (auberge). Le preneur n'est pas tenu, s'il cesse son commerce à la fin 10 oct. 1891. Trib. civ. Bruxelles, 30 mai 1888, Pand. pér. belg., 88, n. 300. V. infra, n. 768. () N. 189. bail; et c'est d'ailleurs le seul que la jurisprudence ait visé. Le prix du loyer n'a pas été seulement stipulé eu égard au revenu des immeubles similaires, mais aussi eu égard aux revenus spéciaux que la destination des lieux peut procurer au locataire; ces revenus sont transmis temporairement à ce dernier, mais il doit veiller à ce que l'immeuble conserve les mêmes revenus après l'expiration du bail. A plus forte raison une clause en ce sens est-elle valable (1). Mais nous admettons le contraire si le preneur installe dans l'immeuble un commerce ou une industrie qui n'y existaient pas; le bailleur ne peut alors l'obliger à conserver la clientèle ou l'achalandage, puisque la clientèle et l'achalandage, créés par le preneur, lui appartiennent en propre; le preneur peut donc soit s'abstenir de jouir de l'immeuble, soit transporter ailleurs le commerce ou l'industrie qu'il y exerçait (2). Ces dernières solutions doivent être également admises si le commerce ou l'industrie ont été cédés, indépendamment du bail, au preneur (3) soit par le bailleur lui-même (*), soit par le tiers qui les exerçait antérieurement. Ici encore l'achalandage n'est pas attaché à l'immeuble loué, puisqu'il est transmis par une convention autre que le bail. Dans le cas où le preneur est tenu de maintenir la clientèle, il ne peut créer, même en gardant l'exploitation du fonds, un fonds similaire dans un immeuble voisin, si la nouvelle création est de nature à diminuer la clientèle du premier. Le contraire a été cependant décidé (3). 768. Il ne faut pas toutefois pousser les obligations du preneur jusqu'à l'exagération : il peut laisser dans les der 1904, Caen, 15 mai 1891, précité. Lyon, 7 mars 1901, Mon. jud. Lyon, 28 sept. - (Trib. civ. Seine, 13 juin 1901, précité. Orléans, 19 mai 1865, S., 65. 2. 159. Contra Trib. civ. Amiens, 26 déc. 1891, Rec. d'Amiens, 94. 173. - Trib. civ. Guillouard, I, n. 194. Lille, 15 juin 1896, Droit, 24 juil. 1896 (sol. impl.). 5) Rouen, 7 juil. 1892, Gaz. Pal., 92. 2. 249. - Bruxelles, 3 janv. 1896, Pand. pér. belg., 97, n. 159. — Trib, civ. Liège, 1er nov. 1883, Jurispr. trib. belg, XXXI, 1039. — Trib. civ. Louvain, 18 fév. 1886, Journ, trib. belg., 86. 1112. Trib. civ. Verviers, 2 déc. 1891, Pand. pér. belg., 92, n. 1357. niers temps de sa jouissance ses marchandises s'épuiser sans avoir à les renouveler, car on ne saurait l'obliger à faire, au moment où il va quitter l'immeuble, des approvisionnements qui pourront lui être inutiles ('). 769. Dans tous les cas le preneur peut, après la fin de son bail, exercer ailleurs un commerce similaire à celui qu'il exploitait dans l'immeuble. Cependant le contraire peut être stipulé ; la clause contraire est valable dans les conditions où elle l'est d'après le droit commun (2). 770. Si le locataire était tenu d'exercer un commerce déterminé, on doit supposer que cette obligation lui a été imposée dans l'intérêt du propriétaire, pour laisser à ce dernier, après l'expiration de son bail, un commerce prospère. Le bailleur peut donc, après cette expiration, exploiter le même commerce dans l'immeuble, sous l'enseigne adoptée par le preneur. Ce dernier ne peut se servir de cette même enseigne pour exercer ailleurs un commerce similaire. Au contraire, si le preneur n'était pas tenu d'exercer un commerce, son enseigne lui appartient; il peut s'en servir pour exercer le même commerce dans le voisinage (3); le bailleur ne peut exercer ou faire exercer le même commerce avec la même enseigne ou une enseigne rappelant la précédente (*). 770 bis. Si le preneur doit jouir de la chose suivant sa destination, il n'est pas obligé de respecter la destination normale de chaque pièce de son habitation (3). V. p. 436, note 1. - Décidé même qu'il peut quitter le commerce quelques semaines avant la fin du bail, s'il laisse l'enseigne et les autres signes extérieurs et continue à habiter l'immeuble. Trib. civ. Lille, 15 juin 1896, Droit, 24 juillet 1896. (2) Trib. civ. Caen, 26 déc. 1898, Rec. Caen, 98. 257 (validité de la clause interdisant au preneur de s'établir à deux lieues à la ronde). V. à propos du louage de services, infra, t. II. (3) Trib. comm. Seine, 8 juil. 1887, Ann. prop. industr., 90. 293. (*) Trib. comm. Seine, 8 juil. 1887, précité (telle que « ancien hôtel de l'Europe »). (5) Ch. Robert, Note, D., 1901. 2. 185. Aussi il peut convertir un grenier en chambres (Lyon, 26 nov. 1828, D., Rép., vo Louage, n. 279-1o) ou une chambre de domestique en pièce de travail pour ses ouvriers. Paris, 21 janv. 1899, D., 1901. 2. 185. 771. Le preneur ou le bailleur peuvent s'être trompés sur la destination; il n'y aura pas alors nullité du contrat ('). L'erreur d'une partie sur ses obligations ou sur celles de son cocontractant n'est pas, en effet, rangée au nombre de celles qui entraînent la nullité de la convention. SECTION IX SANCTION DE L'OBLIGATION DE JOUIR EN BON PÈRE DE FAMILLE ET DES OBLIGATIONS QUI S'Y RATTACHENT 772. Cette sanction se trouve indiquée dans l'art. 1729, ainsi conçu « Si le preneur emploie la chose louée à un autre » usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse » résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant » les circonstances, faire résilier le bail ». L'art. 1729, on le voit, prévoit d'abord la jouissance d'une chose contrairement à sa destination. Mais il prévoit aussi la jouissance d'une chose comme ne le ferait pas un bon père de famille (2); les mots « ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur » le démontrent; ces termes prouvent qu'il ne s'agit pas d'une jouissance causant un dommage actuel et certain au bailleur, mais pouvant, à raison de la manière dont elle est exercée, lui nuirė éventuellement; et c'est bien là la jouissance contraire à celle d'un bon père de famille. Du reste, l'art. 1728 rapprochant les deux obligations, il est naturel de supposer que l'art. 1729 contient également la sanction des deux obligations. On objecte à tort que le mot ou signifie et. Mouricault, dans son rapport au Tribunat, dit bien : « Si le preneur faisait servir la chose louée à un autre usage que celui auquel elle était destinée, et s'il en pouvait résulter un dommage pour V. cep. Guillouard, I, n. 34. (*) Cass. req., 2 nov. 1889, S., 91. 2. 203. — Alger, 21 oct. 1886, Jurispr. alg., 86. 497. Trib. civ. Anvers, 9 mai 1878, Pasier., 80. 3. 111. Troplong, 1, n. 300; Marcadé, art. 1729, n. 1; Aubry et Rau, IV, p. 482, § 367; Laurent, XXV, n. 263; Guillouard, I, n. 201; Huc, X, n. 311; Thiry, IV, n. 27. — Contra Duranton, XVII, n. 99; Duvergier, I, n. 402. le bailleur... ». Mais il n'explique pas sa pensée et se contente, on le voit, de reproduire, sauf le mot incriminé, le texte de l'art. 1729; il est singulier qu'en présence d'un texte législatif et d'un rapport qui ne diffèrent que d'un mot, on laisse le texte de côté pour s'en tenir au rapport. La discussion est moins importante qu'elle ne paraît l'être ; l'opinion que nous venons de combattre n'a pas pour résultat, comme on l'a prétendu (1), de refuser toute sanction à l'obligation de jouir en bon père de famille, mais simplement de ramener cette sanction à l'application du droit commun dont, comme nous allons le voir, l'art. 1729 est lui-même une application. La seule solution erronée à laquelle arrive l'opinion contraire consiste à exiger, pour que le preneur soit responsable d'une jouissance contraire à la destination de la chose, que cette jouissance ait causé un dommage au bailleur. Cette solution suffit, du reste, pour condamner la doctrine qui la formule, car il est contraire aux principes les plus élémentaires que les dommages-intérêts résultant de l'inexécution d'une obligation contractuelle soient subordonnés à un préjudice dont le créancier serait victime. 773. De son côté, pour les baux à ferme, l'art. 1766 porte : « Si le preneur d'un héritage rural ne le garnit pas des bes» tiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s'il » abandonne la culture, s'il ne cultive pas en bon père de famille, s'il emploie la chose louée à un autre usage que » celui auquel elle a été destinée ou, en général, s'il n'exécute » pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour » le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire » résilier le bail. En cas de résiliation provenant du fait » du preneur, celui-ci est tenu des dommages et intérêts, ainsi qu'il est dit en l'art. 1764 ». Et l'art. 13 de la loi du 10 juill. 1889 dispose: « Les dis» positions de la section V du titre du Louage... et celles de » la section III du même titre.... contenues dans les art. » 1766... sont applicables aux baux à colonat partiaire Guillouard, I, n. 201. |