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d'égalité qui doit servir à résoudre toutes les difficultés; mais l'art. 1162 ne contredit-il pas aussi ce principe?

On objecte encore que l'art. 1602 déroge à l'art. 1162 et ne peut être étendu. Ce caractère dérogatoire de l'art. 1602 peut être contesté. En parlant de créancier et de débiteur, l'art. 1162 n'a peut-être voulu viser que le cas d'un engagement unilatéral, et l'art. 1602, seul texte relatif à l'interprétation des contrats synallagmatiques, peut alors être considéré, en cette matière, comme formant le droit commun. Peut-être aussi l'art. 1602 doit-il être rattaché à l'art. 1162, par l'observation que, si l'acquéreur a le vendeur pour obligé, il n'est pas son créancier, et c'est également la situation du preneur. La solution de la jurisprudence a été appliquée notamment à la détermination de l'étendue du bail (').

Mais ce n'est pas là une règle écrite dans la loi ; elle ne s'impose donc pas au juge du fond. Ce dernier interprète souverainement les clauses du bail, comme celles de tout autre contrat (2); c'est une idée dont nous aurons l'occasion d'indiquer diverses applications.

47 bis. En principe on ne peut interpréter un bail par les termes d'un bail précédent du même immeuble (3), à moins qu'il ne soit certain que les intentions des parties étaient les

mêmes.

CHAPITRE V

MODALITÉS DU BAIL

48. Le bail peut être soumis aux mêmes modalités que toute autre convention.

Ainsi, il peut être soumis à un terme suspensif; il est même nécessairement soumis à un terme extinctif, puisqu'il ne peut être perpétuel; le terme peut être certain ou incertain.

V. infra, n. 232.

Cass. req., 3 janv. 1883, D., 83. 1. 415. — Cass., 12 nov. 1889, S., 91. 1. 445. Cass., 14 janv. 1895, S., 95. 1. 282. Cass. req., 16 nov. 1898, S., 1900. 1. 20, Cass., 20 déc. 1898, S., 99. 1. 311. - Cass. civ., 3 avril 1901, Cass. req., 2 juil. 1901, S., 1902. 1. 230. - Cass. req., 15 déc. 192, S., 1903. 1. 216, D., 1903. 1. 448.

D., 99. 1. 117.

S., 1903. 1. 474.

Trib. civ. Lyon, 3 mars 1900, Mon. jud. Lyon, 4 mars 1900.

49. Le bail peut être soumis à une condition, soit suspensive, soit résolutoire; nous étudierons cette dernière à l'occasion de la cessation du bail (1).

L'autorisation administrative, dont il sera également question à propos de la cessation du bail, peut jouer le rôle, soit d'une condition suspensive, soit d'une condition résolutoire (2).

CHAPITRE VI

CONDITIONS DE VALIDITÉ DU BAIL

50. Comme tout contrat, le bail exige :

Le consentement des parties;

Un objet et une cause licites;

La capacité des parties.

Aucune forme n'est, comme nous le verrons (3), nécessaire.

SECTION PREMIÈRE

DU CONSENTEMENT ET DE SES VICES

51. Comme tout contrat, le bail est frappé d'une nullité absolue si l'une des parties n'y a pas consenti; tel est le cas où l'une d'elles est en état d'ivresse ou de folie (*).

Tels sont encore les cas, dont il sera question plus tard, où les parties ne se sont pas accordées sur un des éléments sans lesquels le contrat ne saurait être exécuté, comme l'objet (5), le prix (6) ou la durée (").

Peu importe même que l'élément sur lequel les parties ne se sont point entendues ne soit pas essentiel, si les parties

() V. infra, n. 1373 s. (2) V. infra, n. 1375 s.

(3) V. infra, n. 185 s.

(*) A moins qu'elle ne fût interdite ou placée dans un établissement d'aliéné. V. infra, n. 60 s.

(5) V. infra, n. 162.
(6) V. infra, n. 832 s.
(7) V. infra, n. 1201 s.

n'ont pas entendu conclure le bail et ont voulu réserver pour plus tard leur accord sur cet élément (1).

De ce que le consentement est nécessaire, il résulte qu'une personne ne peut obliger une autre personne à la prendre comme preneur. C'est ce dont nous donnerons divers exemples plus loin (2).

52. Les vices du consentement donnent lieu à la nullité relative du bail, dans les cas où ils annulent toute autre convention.

Ainsi la violence, de quelque personne qu'elle émane, annule le bail (C. civ., art. 1111).

Le bail peut être annulé pour cause de dol (3), si le dol émane du cocontractant (C. civ., art. 1116).

53. L'erreur sur la personne n'est pas plus, en principe, une cause de núllité du bail que de tout autre contrat à titre onéreux (C. civ., art. 1110) (*). Il en est autrement si la considération de la personne a été déterminante (5).

Mais, en principe, on ne doit pas plus dans le bail que dans tout autre contrat admettre que la considération de la personne a été déterminante. Et il en est ainsi du bail à ferme aussi bien que du bail à loyer (6).

54. Si le bail est à colonage partiaire, l'erreur sur la personne du preneur est-elle une cause de nullité? Dans l'opinion qui assimile ce contrat à la société, ou même qui le rapproche de la société, l'affirmative doit être admise, car, dans la société, l'erreur sur la personne est une cause de nullité (7); la même solution nous parait même devoir être admise dans le système qui fait du bail à colonage partiaire une variété du contrat de louage; car, les bénéfices du bailleur dépendant

Trib. civ. Seine, 4 avril 1901, Gaz. Trib., 22 mai 1901 défaut d'entente sur les réparations à faire).

V. infra, n. 120 et 121.

Trib. civ. Roanne, 22 fév. 1894, Mon. jud. Lyon, 3 sept. 1894.

▲ Larombière, Th. et prat. des oblig., art. 1110, n. 17.

V. infra, n. 55.

5 Trib. civ. Nantes, 10 juil. 1894, Gaz. Pal., 94. 2. 176. Larombière, loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 1, n. 62, note.

• V. cep. Demolombe, XXIV, n. 116; Laurent, XV, n. 498; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., n. 62.

7 Larombière, op. cit., J, art. 1110, n. 15.

CONTR. DE LOUAGE. I.

3

de l'activité et de l'honnêteté du preneur, la personne de ce dernier influe sur la détermination du premier (').

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L'erreur sur la personne du bailleur à colonage partiaire n'est pas sauf les circonstances une cause de nullité dans ce dernier système; cette personne a été, en principe, indifférente au preneur, qui a considéré exclusivement la nature et l'importance du fonds loué (2). — Il semble que, pour l'opinion qui traite le bail à colonage comme une variété de la société ou comme un contrat participant de la société, l'erreur sur la personne du bailleur devrait autoriser le métayer à demander la nullité du bail; cependant les partisans de cette opinion adoptent la solution contraire (3).

55. Quant à l'erreur sur les qualités ou sur la profession de la personne, elle n'est jamais une cause de nullité du bail, parce qu'elle n'est une cause de nullité dans aucun contrat. Ainsi le vendeur ne peut demander l'annulation du bail par la raison que le locataire est une femme galante dont il a ignoré la profession ().

Nous verrons cependant si le bail ne peut pas être résilié pour abus de jouissance dans le cas où la femme galante exerçait son industrie dans l'immeuble loué (5).

A plus forte raison l'erreur sur la profession antérieure ou sur l'honorabilité du preneur n'est-elle pas une cause de nullité (").

Toutefois il en est autrement si des manoeuvres frauduleuses ont été employées par le locataire pour dissimuler une qualité ou une profession dont la connaissance aurait empêché le bailleur de lui consentir le bail (7).

56. La lésion n'est pas une cause de nullité du bail (8).

Larombière, loc. cit.; Fuzier-Herman, sur l'art. 1110, n. 57; Demolombe, loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et Barde, loc. cit.

(Demolombe, XXIV, n. 115; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., n. 62. Larombière, loc. cit.

Contra Trib. civ. Nantes, 10 juil. 1894, précité. Ce jugement voit là à tort une erreur sur la personne. V. infra, n. 157.

(5, V. infra, n. 763.

(6 Trib. civ. Toulouse, 13 janv. 1888, Gaz. Trib. Midi, 8 avril 1888.

(7. Cpr. Trib. civ. Nantes, 10 juill. 1894, Gaz. Pal., 94. 2. 176 femme galante qui dissimule son nom, lequel a acquis une fâcheuse notoriété,.

(8) Cass., 11 mars 1824, S. chr., D. Rép., vo Louage, n. 97. — Rouen, 21 mai

57. L'erreur sur la substance est une cause de nullité du bail, comme de tous les autres contrats (1).

Nous nous occuperons, à propos de l'objet, de l'erreur sur la nature de l'objet ou des produits (2).

Enfin l'erreur sur la nature du contrat entraîne la nullité absolue; tel est le cas où l'une des parties à voulu faire un bail et l'autre une donation (3).

SECTION II

CAPACITÉ ET POUVOIRS EN MATIÈRE DE BAIL

58. La capacité et les pouvoirs exigés en matière de bail doivent être envisagés séparément pour le bailleur et pour le preneur.

Toutefois, nous ferons une observation préliminaire; c'est que, comme pour tout autre contrat, la capacité doit être envisagée au moment de la convention.

59. Le bail à périodes étant un bail unique pour toute la durée (*), la capacité doit être envisagée, pour toutes les périodes, au moment où le contrat a été passé; le bail continue donc faute de dénonciation, même pour les périodes qui ont commencé à un moment où le preneur n'avait plus sa capacité (3).

1844, S., 44. 2. 653, D. Rép., vo Louage, n. 96-1o. Trib. civ. Roanne, 22 fév. 1894, Mon. jud. Lyon, 3 sept. 1894 (motifs). - Fuzier-Herman, art. 1118, n. 3 et 4. (Jugé avec raison que la concession antérieure d'un droit qui entrave la jouissance du preneur ne peut conduire à l'annulation du contrat pour cause d'erreur sur la substance. Trib. civ. Ypres, 13 mars 1896, Pasier., 97. 3. 17. Mais elle peut donner lieu à la garantie pour vices de la chose ou défaut de délivrance. V. iufra, n. 272 s., 429 s. — - L'erreur sur le point de savoir si l'immeuble est propre à l'usage pour lequel il a été loué ne nous paraît pas être non plus une erreur sur la substance. Décidé cependant qu'elle permet de faire annuler le bail. - Toulouse, 23 mai 1901, Gaz. Trib, Midi, 2 juin 1901 (immeuble loué pour servir d'hôtel dans une ville d'eau).

1) V. infra, n. 162.

Fuzier-Herman, art. 1709, n. 16.

V. infra, n. 1216.

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5 Trib. civ. Nancy, 13 août 1895, Gaz. Pal., 95. 2. 564 ce jugement applique ce principe au bail fait avec la clause que faute de dénonciation le bail se renouvellera par tacite reconduction).

- V. infra, n. 1423.

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