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CONTRAT DE
DE LOUAGE

(Livre III, titre VIII du Code civil)

CHAPITRE PRELIMINAIRE

DÉFINITIONS

1. Le louage est un contrat par lequel une personne (bailleur dans le louage de choses; localeur dans le louage d'ouvrage) s'engage à mettre pendant un certain temps sa chose ou son activité au service d'une autre persorne (preneur dans le louage de choses, patron ou maitre dans le louage d'ouvrage), moyennant un certain prix (loyer, fermage dans le louage de choses, loyer, salaire ou honoraire dans le louage d'ouvrage), que celle-ci s'oblige de lui payer.

2. « Il y a deux sortes de contrats de louage: choses, Et celui d'ouvrage » (art. 1708).

Celui des

Les Romains distinguaient trois espèces de louages : 1o locatio conductio rerum; 2° locatio conductio operarum; 3° locatio conductio operis. Les deux dernières sont confondues dans le code civil, sous la dénomination générale de louage d'ouvrage (art. 1708 et 1710) (1).

3. « Le louage des choses est un contrat par lequel l'une » des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant » un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer » (art. 1709).

>>

(1) V. infra, II, n. 1632 s.

CONTR. DE LOUAGE.

I.

1

Celle des parties qui s'oblige à procurer la jouissance de la chose porte le nom de bailleur ou locateur. La première de ces deux dénominations est plus usitée que la seconde. L'autre partie, qui s'oblige à payer le prix comme contrevaleur de la jouissance, est désignée sous la dénomination générique de preneur, et sous les dénominations spéciales de locataire, quand la chose louée est une maison ou un meuble, de fermier, quand c'est un fonds rural et que le prix de la location est ferme, et de colon partiaire, quand c'est un fonds rural et que le prix consiste dans une quotité des fruits. Ordinairement cette quotité est de la moitié, et alors le colon partiaire est aussi appelé métayer, de meta, moitié. On donne même souvent le nom de métayer à tout colon partiaire, sans tenir compte de la quotité des fruits qu'il doit livrer au bailleur.

« Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyen» nant un prix convenu entre elles » (art. 1710).

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Celle des parties qui fait travailler et qui paie le prix du travail porte le nom de maître, et l'autre, celui de domestique, ouvrier, entrepreneur, architecte, voiturier, suivant les cas. C'est cette dernière partie qui doit être considérée comme jonant dans le contrat le rôle de bailleur; la chose louée est le travail ou l'industrie.

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4. « Ces deux genres de louage [le louage des choses et le louage d'ouvrage] se subdivisent encore en plusieurs espèces particulières: - On appelle bail à loyer, le louage des » maisons et celui des meubles; Bail à ferme, celui des

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» héritages ruraux;

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Loyer, le louage du travail ou du service; - Bail à cheptel, celui des animaux dont le profit se » partage entre le propriétaire et celui à qui il les confie. » Les devis, marché ou prix fait, pour l'entreprise d'un ou» vrage moyennant un prix déterminé, sont aussi un louage, lorsque la matière est fournie par celui pour qui l'ouvrage » se fait. Ces trois dernières espèces ont des règles parti»culières» (art. 1711).

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Il n'y a qu'une observation à faire sur ces définitions, c'est que dans le langage courant le louage de travail ou de servi

ces ne s'appelle jamais loyer; on lui donne le nom de louage de services ou de contrat de travail.

5. Nous étudierons successivement le louage des choses et le louage d'ouvrage dans deux titres distincts. Un troisième titre sera consacré au cheptel, qui est en général une variété du louage de choses, mais dont la loi fait un contrat particulier.

TITRE PREMIER

DU LOUAGE DES CHOSES

CHAPITRE PREMIER

DISTINCTION DU BAIL AVEC D'AUTRES ACTES ET CONTRATS. ACTES QUI CONSTITUENT DES BAUX

6. Le bail doit être rapproché et distingué d'autres contrats avec lesquels il présente une certaine analogie, réelle ou apparente. Ce rapprochement seul nous permettra de déterminer les actes qui doivent être considérés comme des baux.

Avant tout, le bail doit être distingué de la vente. Dans l'un et l'autre de ces contrats, on rencontre les mêmes éléments essentiels : le consentement des parties, une chose transmise, un prix. Aussi est-il permis la plupart du temps d'argumenter par analogie de la vente au louage. Notamment il y a lieu d'appliquer aux promesses de louage ce que la loi dit des promesses de vente ('). La principale différence entre les deux contrats consiste en ce que la vente engendre une obligation de donner, tandis que le louage engendre seulement une obligation de faire; en d'autres termes, tandis que le vendeur s'oblige à rendre l'acheteur propriétaire, le bailleur s'oblige seulement à faire jouir le preneur de sa chose (2). En outre, l'obligation du vendeur est instantanée

() V. infra, n. 39 s.

(*) Pothier, Tr. du contr. de louage, n. 3; Proudhon, Tr. des dr. d'usufr., II, n. 993; Duranton, XVII, n. 8; Troplong, Tr. du louage, I, n. 21; Aubry et Rau, IV, p. 464, § 363; Guillouard, Tr. du louage, I, n. 6 et 7; Fuzier-Herman, art. 1,709, n. 88.

et s'exécute par la livraison de la chose, tandis que l'obligation du bailleur est successive et se prolonge pendant toute la durée du bail (').

Ces différences en entraînent d'autres :

1° L'acheteur prend la chose dans l'état où elle existe (C. civ., art. 1614), tandis que le bailleur, obligé à procurer la jouissance sérieuse de l'immeuble au preneur, doit livrer la chose en bon état (art. 1720) (2).

2o Dans la vente, l'acquéreur peut user de la chose comme il l'entend; il en est autrement dans le bail (3).

3o Le bailleur est tenu de garantir le preneur de tous les vices qui se produiront au cours de la convention, tandis que le vendeur (art. 1641) garantit seulement les vices existant au moment de la vente (').

4o Les risques de l'immeuble sont pour le compte de l'acquéreur, tandis qu'ils incombent au bailleur (5).

5o Comme nous le verrons, et à la différence de la vente de la chose d'autrui (art. 1599), le bail de la chose d'autrui est valable (6).

6o Au point de vue fiscal, la vente donne lieu au droit de 2 p. 100 ou de 7 p. 100 suivant qu'il s'agit de meubles (L. 22 frim. an VII, art. 69, § 5, n. 1) ou d'immeubles (L. 28 avril 1816, art. 52; L. 22 avril 1905, art. 2), tandis que le bail donne lieu au droit de 20 cent. p. 100 (L. 16 juin 1824, art. 1) (7).

7° Le détournement, par le preneur, de l'objet mobilier donné à bail est un abus de confiance; tandis que l'acquéreur peut détourner l'objet vendu, même avant d'en avoir payé le prix, sans être passible de peines correctionnelles.

8° Le privilège du vendeur est soumis à d'autres règles que le privilège du bailleur.

7. Il s'élève souvent des difficultés très graves sur le point

(1) Guillouard, Tr. de la vente, I, n. 3.

(2) V. infra, n. 272 s.

(3) V. infra, n. 754 s.
(*) V. infra, n. 429.
(5) V. infra, n. 335 s.

(6) V. infra, n. 125 s.

(7) Wahl, Tr. de dr. fiscal, I, n. 268 s. 118, III, n. 793. — V. aussi le n. suivant.

de savoir si les parties ont entendu faire une vente ou un bail. Les questions de ce genre ont surtout été agitées en matière fiscale ('). Nous avons vu que le bail donne lieu à des droits fiscaux moins élevés que la vente; aussi les contractants donnent-ils souvent la qualification de bail d'un immeuble à la vente de certains produits de cet immeuble. La pratique fournit aussi des exemples du contraire la vente de meubles, à la différence du bail d'immeubles, n'étant pas sujette à l'enregistrement dans le délai déterminé, on voit les parties attribuer à un bail d'immeubles la dénomination de vente des produits de cet immeuble, pour échapper à l'obligation de faire enregistrer leur acte.

La distinction présente encore, au point de vue fiscal, d'autres intérêts:

1o Les parties peuvent, si le bail est fait pour plusieurs années, requérir le fractionnement de la perception par périodes de trois ans, et acquitter ainsi l'impôt par portions successives (L. 23 août 1871, art. 11). Il en est autrement pour les ventes de récoltes.

2o Le montant du loyer des immeubles peut être contrôlé par la voie de l'expertise (L. 23 août 1871, art. 15); l'expertise n'existe pas en matière de meubles.

3o Le prix des baux doit être pris pour base du calcul de la valeur d'immeubles échangés, donnés ou laissés après décès (L. 22 frimaire an VII, art. 15, n. 4, 7 et 8). Il en est autrement du prix des ventes de récoltes.

4° Le revenu des immeubles transmis à titre gratuit ne peut être contrôlé par voie d'expertise que s'il n'existe pas de bail courant établissant ce revenu (L. 22 frimaire an VII, art. 19).

Au point de vue civil, il est également très important de déterminer si les parties ont voulu faire une vente des produits d'un immeuble ou un bail de cet immeuble; le propriétaire qui vend les fruits de son immeuble n'a le droit de réclamer le prix de cette vente que si l'immeuble produit effectivement des fruits; au contraire, le preneur n'acquiert que la jouissance de l'immeuble tel qu'il se comporte et ne

Wahl, Note, S., 92. 1. 423 et Tr. de dr. fiscal, I, p. xш.

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